Portrait de l'Empereur (inachevé)
par Louis David, 1808
LA PROPHETIE D’ORVAL
L’abbaye Notre-Dame d’Orval, située dans l’extrême sud de la province de Luxembourg en Belgique, est réputée - presque mondialement - pour sa bière, et - plus localement - pour ses fromages. Elle a été fondée au XIème siècle par des moines bénédictions, et reprise par des moines cisterciens vers 1132. Détruite à la Révolution française, elle sera reconstruite dès 1926 et la vie monastique y reprendra grâce à un groupe de moines du monastère de Sept-Fons (département de l'Allier, en France).
Ses visiteurs prennent connaissance, inévitablement presque, de la légende de l’anneau perdu dans une source par la comtesse Mathilde, anneau qui lui fut rendu par une truite… Cette histoire deviendra en somme le « logo » de l’abbaye, qui en marquera même sa bière.
Mais ce que les visiteurs connaissent moins est la curieuse prophétie que l'abbaye conservait dans ses archives, connue depuis sous le nom de "prophétie d'Orval", originellement titrée "Les Prévisions d'un Solitaire", dont je vous restitue le texte ci-dessous.
La prophétie d’Orval, copiée à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie du XVIIIème siècle – pendant la Révolution française donc -, aurait été imprimée en 1544. Quelques auteurs, et Napoléon Ier lui-même, affirment que son rédacteur n’était autre que Nostradamus, qui aurait d'ailleurs séjourné à Orval dès 1539. Cette « tradition » est quelque peu contestée, mais il est vrai cependant que le « style » de cette prophétie fait fort penser au « style » des Centuries. D'autres auteurs encore l'attribuent à un moine d'Orval nommé Philippe Olivarius.
Le texte de la prophétie évoque une histoire qui peut être comprise comme étant celle des « débuts » de Napoléon Bonaparte ; de la Révolution française ; des campagnes de Bonaparte en Italie et en Egypte ; de la prise de pouvoir par Bonaparte et son accession à la dignité impériale ; du triste sort de la Grande Armée en Russie ; de la Restauration ; etc.
Il semblerait bien que l’histoire évoquée par la prophétie se limite aux événements de l’épopée napoléonienne. Cependant, sur base d’un comput lunaire constamment présent dans le texte, certains auteurs ont cru pouvoir déceler des « projections prophétiques » qui dépassent cette brève période. Inutile de préciser que chaque auteur propose sa propre interprétation, et que toutes ces interprétations sont rarement concordantes…
Quoi qu’il en soit, et pour en rester à la période napoléonienne, les allusions voilées aux événements historiques sont, de fait, assez facilement reconnaissables. Et par ailleurs, quelques termes laissent rêveurs : « les fils de Brutus », assimilables aux « fils de la République » (on se souviendra que Brutus, républicain convaincu, combattit jusqu’au meurtre les tendances impérialistes de son père adoptif, Jules César) ; « le vieux sang de la Cape », qui désigne la lignée royale des Capétiens ; « la fleur blanche », qui serait bien la fleur de lys, emblème de la royauté en France ; etc.
L’auteur de cette prophétie d’Orval a-t-il donc réellement prédit l’épopée napoléonienne ?
On notera enfin qu'il existe une autre version de la prophétie d'Orval, connue quant à elle sous le nom de "Livre des Prophéties", supposément rédigée en 1542 par un homonyme de Philippe Olivarius, un certain... Philippe-Dieudonné-Noël Olivarius. La trame de cette version est identique à celle de la prophétie d'Orval, mais comporte des précisions supplémentaires vraiment étonnantes. Cette version fut publiée en 1827, dans les "Mémoires historiques et secrets de l'impératrice Joséphine" de Melle Lenormand (pages 470 à 473 de l'édition de 1827, tome II). Lesdites précisions sont telles d'ailleurs qu'on serait aisément amené à croire qu'elles ont été ajoutées après la chute de Napoléon Ier, et qu'il s'agit donc d'un remaniement post-événementiel de la prophétie d'Orval, effectué à des fins politiques. On en trouvera également copie ci-dessous.
En conclusion... On ne peut cependant pas écarter l'idée que la prophétie d'Orval soit elle-même un "montage politique" post-événementiel; elle n'est connue que par des copies, et le texte imprimé en 1544 n'a jamais été retrouvé. Est-ce un faux suivi d'un contre-faux ? Est-ce une véritable prophétie ? Cela reste un mystère.
En conclusion... On ne peut cependant pas écarter l'idée que la prophétie d'Orval soit elle-même un "montage politique" post-événementiel; elle n'est connue que par des copies, et le texte imprimé en 1544 n'a jamais été retrouvé. Est-ce un faux suivi d'un contre-faux ? Est-ce une véritable prophétie ? Cela reste un mystère.
Charles Saint-André
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PROPHETIE D’ORVAL
"Les Prévisions d'un Solitaire"
"Les Prévisions d'un Solitaire"
Philippe Olivarius ?
Nostradamus ?
1. "En ce temps-là, un jeune homme, est venu d'outre-mer dans le pays du Celte Gaulois, se manifestera par conseils de force. Mais les grands ombragés l'enverront guerroyer dans l'île de la captivité. La victoire le ramènera au pays premier. Les fils de Brutus seront bien stupides à son approche, car il les dominera et prendra le nom d'Empereur."
2. "Beaucoup de hauts et puissants rois seront en crainte vraie, car son aigle enlèvera bien des sceptres et bien des couronnes. Fantassins et cavaliers, portant aigles sanglantes, avec lui courront, autant que moucherons dans les airs ; et toute l'Europe sera bien ébahie et bien sanglante. Car il sera tellement fort, que Dieu sera cru guerroyer avec lui."
3. "L'Eglise de Dieu bien désolée se consolera quelque peu en voyant de nouveau ouvrir ses temples à ses brebis égarées en si grand nombre, et Dieu est béni. Mais c'est fait, les heures sont passées. Le vieillard de Sion élèvera vers Dieu les cris de son coeur fort endolori par peine cuisante, et voilà que le puissant sera aveuglé à cause de ses péchés et de ses crimes."
4. "Il quittera la grande ville avec une armée comme jamais on n'en vit de pareille ; mais aucun guerrier ne tiendra bon devant la force du temps, et voilà que le tiers de son armée et encore le tiers périra par le froid du Seigneur tout-Puissant. Alors deux lustres seront passés depuis le siècle de désolation comme j'ai dit en son lieu. De toutes leurs forces crieront vers Dieu les veuves et les orphelins ; et Dieu ne sera plus sourd."
5. "Les hauts abaissés reprendront force et se ligueront pour abattre l'homme tant redouté. Voici venir avec eux le vieux sang des siècles qui reprend place et lieu dans la grande ville, pendant que cet homme tombé si bas, s'en ira au pays d'outremer d'où il était venu."
6. "Dieu seul est grand ! La onzième lune n'a pas lui encore, et le fouet sanguinolent du Seigneur reviendra en la grande ville, et le vieux sang quittera la grande ville."
7. "Dieu seul est grand ! Il aime son peuple et a le sang en haine, la cinquième lune reluira sur maints et maints guerroyers d'Orient ; la Gaule est couverte d'hommes et de machines de guerre ; c'en est fait de l'homme de mer."
8. "Voici encore venir le vieux sang de la Cape. Dieu veut la paix et que son saint nom soit béni. Or, une paix grande et florissante sera au pays du Celte Gaulois. La fleur blanche sera en bien grand honneur ; et les maisons de Dieu entendront bien des saints cantiques."
9. "Cependant les fils de Brutus voient avec colère la fleur blanche, et obtiennent règlement puissant dont Dieu est de nouveau irrité, à cause de ses élus, et aussi parce que le saint jour continue à être profané. Cependant il veut bien tenter le retour vers lui pendant dix-huit fois douze lunes."
10. "Dieu seul est grand ! Il purge son peuple par maintes tribulations, mais toujours les mauvais auront fin. Cependant une grande conspiration contre la fleur blanche cheminera dans l'ombre, par les mains de compagnies maudites et le pauvre vieux sang de la Cape quittera encore la grande ville et grande sera la joie des fils de Brutus. Voyez comme les serviteurs de Dieu crient bien fort vers Dieu, et que Dieu reste sourd cette fois par le bruit de ses flèches qu'il retrempera en sa colère pour les mettre au sein des mauvais. Malheur au Celte Gaulois ! Le coq effacera la fleur blanche et un grand s'appellera le roi du peuple. Grande commotion se fera par les mains d'ouvriers qui auront guerroyé dans la grande ville."
11. "Dieu seul est grand ! Le règne des mauvais sera vu croître ; mais qu'ils se hâtent ! Voilà que les pensées du Celte-Gaulois se choquent et que grande division est dans les esprits."
12. "Le roi du peuple aussi se verra d'abord bien faible et pourtant il ira contre bien des mauvais. Mais il n'est pas bien assis et voilà que Dieu le jette à bas."
13. "Hurlez, fils de Brutus, appelez sur vous les bêtes qui vont vous dévorer ! Grand Dieu ! Quel bruit d'armes ! Il n'y a pas encore un nombre plein de lunes et voici venir maintes guerres."
14. "C'est fait ! La montagne de Dieu a crié vers lui dans sa désolation ; les fils de Juda ont crié vers Dieu de la terre étrangère, et voilà que Dieu n'est plus sourd. Quel feu va avec ses flèches ! Dix fois six lunes et pas encore six fois dix lunes ont nourri sa colère."
15. "Malheur à toi, grande Ville ! Voici des rois armés par le Seigneur ; mais déjà le feu t'a égalée à la terre. Et pourtant les justes ne périront pas. Dieu les a écoutés. La place du crime est purgée par le feu ; le grand ruisseau a éconduit toutes rouges de sang ses eaux à la mer. Et la Gaule vue comme délabrée va se rejoindre."
16. "Dieu aime la paix ! Venez, jeune prince, quittez l'île de la captivité : joignez le lion à la fleur blanche, venez ! Ce qui est prévu, Dieu le veut. Le vieux sang des siècles terminera encore de longues divisions. Alors un seul pasteur des peuples sera vu dans la Celte-Gaule. L'homme puissant par Dieu s'assiéra bien ; beaucoup de sages règlements appelleront la paix. Dieu sera cru guerroyer avec lui, tant prudent et sage sera le rejeton de la Cape."
17. "Grâce au Père de la miséricorde, la Sainte Sion chante de nouveau dans ses temples un seul Dieu grand. Une foule de brebis égarées s'en viendront boire au ruisseau vif."
18. "Trois princes mettront bas le manteau de l'erreur et verront clair en la foi de Dieu. En ce temps-là un grand peuple de la mer reprendra la vraie croyance en deux tierces parts. Dieu est encore béni pendant quatorze fois six lunes et six fois treize lunes. Dieu est las d'avoir prodigué ses miséricordes, et cependant il veut, en vue des bons, prolonger la paix encore pendant dix fois douze lunes."
19. "Dieu seul est grand ! Les biens sont faits, les saints vont souffrir."
20. "L'homme du mal, arrivé de deux rangs, prend croissance. La fleur blanche s'obscurcit pendant dix fois six lunes et six fois vingt lunes, et disparaît pour ne plus reparaître."
21. "Beaucoup de mal, guère de bien, en ce temps-là ; beaucoup de villes périront par le feu. Alors enfin Israël viendra au Christ-Dieu tout de bon. Les sectes maudites et le peuple fidèle seront en deux parts bien marquées. Mais c'est fait : alors Dieu seul sera cru et la tierce par de la Gaule et encore la tierce part et demie n'aura plus de croyance, comme aussi les autres gens. Et voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes que tout se sépare, et le siècle de fin a commencé. Après un nombre non plein de lune, Dieu combat par ces deux justes et l'homme de mal a le dessus. Mais c'est fait. Le Dieu Très-Haut met un mur de feu qui obscurcit mon entendement et je n'y vois plus. Qu'il soit béni à jamais ! Amen."