LEGENDES Les vampires de Farciennes

 




LES VAMPIRES DE FARCIENNES


Le mythe du vampire a été relié par la littérature et le cinéma à certaines régions de l’Europe centrale (Transylvanie, Valachie), mais est, en fait, universel. Le « suceur ou buveur de sang » - version masculine ou féminine – est connu dans toutes les traditions, depuis l’aube des temps.

Le sang, « véhicule de l’âme » ou « élément fertilisateur », a constamment été exploité dans des rites à caractère magique ou religieux. Egalement considéré comme « source de jouvence », il a donné naissance au mythe du vampire qui, pour prolonger sa vie, s’abreuve du sang de victimes humaines plutôt jeunes et en bonne santé…

Que l’on croie ou non aux prétendues vertus du sang, telles qu’énumérées ci-dessus, peu importe :  beaucoup de gens y ont cru, et se sont adonnés à des pratiques macabres dont l’évocation ne peut que… « glacer le sang » !

Donc, les buveurs de sang existent ou ont existé, et les vampires en particulier ne sont sans doute pas uniquement une légende.

Quant à savoir si ces pratiques génèrent les effets supposés, c’est une toute autre histoire. On peut fortement douter que nos fameux vampires puissent réellement prolonger leur vie en absorbant – après morsure adéquate au cou ou au poignet de leurs victimes – quelques litres d’hémoglobine.
Dans les traditions européennes, l’état de vampirisme – chez un vampire « avéré » ou seulement soupçonné – pourrait être empêché par un rituel souvent rapporté dans la littérature ou dans les films. On enfonce un pieu ou un clou dans le cœur du vampire, on récite une prière, et tout est dit.

Vampire « avéré » ou seulement soupçonné… Ce dernier terme signifie que dans bien  des cas, les superstitions aidant, on perçait le cœur des personnes décédées par précaution, sans forcément avoir la certitude qu’elles puissent revenir à la vie munies de fortes canines et d’un goût immodéré pour le sang de jeunes gens et jeunes filles dans la fleur de l’âge.

C’est sans doute ce qui arrivé – mesure de précaution ! – dans l’affaire des vampires de Farciennes.
En 1851, à Tergnée, faubourg de Farciennes à quelques kilomètres de Charleroi en Hainaut, à proximité de la Ferme de Tergnée, est entamée la démolition de la chapelle Saint-Jacques.

Inaugurée en 1627, cette chapelle a été édifiée à la demande de Charles-Albert de Longueval, 3ème comte de Bucquoy, baron de Vaulx, seigneur de Farciennes et Tergnée. Elle était située en face de la Ferme de Tergnée, au chemin d’Aiseau.


La Ferme de Tergnée en 1903

Au cours de la démolition, les ouvriers découvrent sous le chœur de la chapelle cinq cavités contenant chacune un cercueil (deux grands cercueils et trois petits cercueils), contenant eux-mêmes des ossements.

Quatre des cinq cercueils étaient transpercés d’un long clou, à l’endroit du cœur du défunt. Le clou du cinquième cercueil gisait parmi les ossements.

Les clous des deux grands cercueils mesuraient 70 cm et pesaient 2,5 kg. Les clous des petits cercueils mesuraient 50 cm.

On constata en outre que les têtes des défunts étaient toutes orientées vers l’est.

Les clous furent intégrés dans les collections du Musée archéologique de Charleroi, mais quatre des cinq clous disparurent par la suite, assez mystérieusement.

Et il n’en fallut pas plus pour que naisse la légende des vampires de Farciennes…

Mais qui étaient ces deux adultes et ces trois enfants dont les restes étaient enfouis dans la chapelle Saint-Jacques ?


Le comte Károly Jozsef Batthyány
1689-1772
Administrateur du château de Farciennes

L’hypothèse la plus probable serait qu’ils étaient des membres de la famille Batthyány, comtes von Német-Ujvár, d’origine hongroise, qui occupa le château de Farciennes au XVIIIème siècle. Entre 1724 et 1742, plusieurs membres de cette famille – dont des enfants – décédèrent et furent inhumés dans la chapelle Saint-Jacques. On notera aussi que c’est dans une région de Hongrie, la Transylvanie (cédée à la Roumanie en 1920), que les superstitions liées au vampirisme furent particulièrement vivaces autrefois ; et c’est dans cette région même que l’écrivain anglais Bram Stoker situera l’intrigue de son roman « Dracula ».


Le château de Farciennes vers 1880

On peut donc penser, si cette hypothèse est correcte, que les Batthyany enterrés en la chapelle Saint-Jacques ont fait l’objet d’une mesure de précaution, consistant, pour éviter qu’ils ne reviennent à la vie dans l’état de vampires, à leur percer le cœur. Superstitions évidemment que tout cela.


CHARLES SAINT-ANDRE

SORCIER(E)S Les sorcières de Sugny

 



LES SORCIÈRES DE SUGNY

(Province de Namur)

par Maurice Pirotte


Sugny, 1657… Des chemins empierrés, une chapelle, un lavoir, des prés clos d’épines noires, des forêts ou huttent des charbonniers. De ces forêts profondes ou les ruisseaux sortis des entrailles du schiste rajeunissent la terre, une clouterie, une saboterie,…. La vie empreinte de simplicité des premiers âges !

Nous sommes au temps des légendes dorées, des fées, des nutons et autres esprits malins, au temps ou la branche de buis bénit protège contre l’incendie et la foudre , tandis que le plantain passe pour l’antidote du venin de vipère.

Les femmes cardent et filent la laine. Et se laissent entailler encore le bâton pour les achats à crédit !

Mais des hommes et des animaux meurent « par regard mauvais, attouchements, donc de poudre grise ou de graisse diaboliques ». Le mystère plane sur la campagne sugnygeoise. Tout se déchaine dans l’engluement des permanences noires !

Et c’est le fameux procès des « Sorcières de Sugny » qui, comme un rituel primitif et les naïvetés et la mascarade, va soulever une tempête d’étoiles.

Laides, les sorcières ? Voyons,… Des femmes comme les autres qu’une population dupe de son inconscience et de sa médiocrité,  isole, accable, enlaidit !

Le 21 mars 1657, des femmes sont condamnées par ces messieurs de la (Haute Cour de Justice de Sugny) a être étranglées à un poteau et réduites en cendres : sachons qu’un gibet se trouve en permanence sur la colline appelée « Champ des Poteaux ». Les noms de ces « sorcières » ? Jennette Petit, Jennette Huart femme de Jean Robeau, Marson Huart sa sœur, Léontine Després et Jenne Pihart.

Redoutant les douleurs de la torture, elles avouèrent les faits qu’il plût a leurs juges de leurs de leurs imputer !

Est-il besoin d’enjoliver, de substantifier cocassement cette séance du tribunal ? Ecoutons ces témoignages comme un peu de pittoresque et de fantaisie claire dans les fracas des dépositions : Jeannette Huart a renoncé à Dieu pour adhérer au diable ; elle a fait mourir avec poison Marie et Jeanne Debière, comme aussi Elisabeth Michel, et deux vaches appartenant à Thomas Lefort. Enfin, elle a été plusieurs fois aux danses diaboliques et à eu copulation charnelle avec le diable.

Le procès donne une petite idée de la justice rendue par la « Haute Justice de Sugny » en 1657. Assisté de deux échevins interrogateurs qui signaient d’une croix leurs grossières enquêtes, le Seigneur de Sugny, Sire Jean de la Bische, faisait rendre la justice par son procureur « en recharge » de la cour souveraine de Bouillon.

Quand aujourd’hui, les bûcherons, là haut, allument au feu sur le « Champs des Poteaux », il y règne un peu de nous et comme une enivrante inquiétude – C’est que la cendre est faite de l’âme des sorcières de Sugny ! ...