° Le Vieux Cornet à Uccle

 

LE VIEUX CORNET

A UCCLE, AU COIN DE L'AVENUE DE FRÉ ET DU CRABBEGAT


Le Vieux Cornet après la restauration de 1924-1926

Le Vieux Cornet vers 1900

 

On trouvera ci-après deux articles relatifs à l'histoire du Vieux Cornet, l'un de Mr A. NOEL, l'autre de Mr H. de PINCHART.

 

LE VIEUX CORNET (HOF TEN  HOREN)

(…)

Le "Vieux Cornet" bien connu des promeneurs, est merveilleusement situé à l'entrée de ce vieux chemin qu'est le Crabbegat. Il se compose d'une tour remaniée certes plus d'une fois et d'un corps de logis qui doit dater du milieu du 18ème siècle. La tour, massive et trapue est beaucoup plus ancienne. Sur sa façade, tournée vers le Crabbegat, l'on peut encore apercevoir des ouvertures étroites et qui semblent avoir été des meurtrières et un peu plus haut, une pierre rectangulaire sur laquelle se trouve gravé un attribut (une trompe de chasse), une date (1570) et une devise (aensiet den tydt). La date de 1570 semble être la date d'une restauration, cette pierre taillée est très peu visible étant en grande partie cachée par des plants d'ampélopsys. La dernière restauration du "Vieux Cornet" date de 1924-1926.

Quelle put être la destination de cette construction? L'on croit que ce manoir put avoir jadis quelque rapport avec le "Consistoire de la Trompe" (Consistorie van den Hoorn) ou tout au moins qu'il fut une dépendance de ce tribunal. Le Consistoire de la Trompe était en effet un tribunal qui jugeait les délits commis sur les terres du Duc de Brabant et notamment en forêt de Soignes. Aussi est-il probable que les juges tinrent parfois leurs assises au "hof ten Horen". D'autres ont voulu voir dans l'emblème gravé sur la tour un simple cor de chasse et on fait du "Hof ten Horen" un relais de chasse au temps de Charles-Quint. L'on a parfois appelé ce manoir "de Posthoren" (cornet de postillon). Un tableau dû à Victor Degroux intitulé "Vieux Relais" montre une diligence, arrêtée sous la pluie devant le Cornet. Mais cette dernière dénomination semble n'être qu'une tradition locale.

En 1650, Gilles Van der Noot, Seigneur de Carloo, fit aborner le territoire relevant de son autorité.  Le "hof ten Horen" était inclus dans cette seigneurie. C'est pourquoi, les Echevins de Carloo, à plusieurs reprises, tinrent leurs réunions au Cornet, ne dédaignant pas d'aller délibérer sous les tilleuls de la cour lorsque le temps le permettait (1).

Aujourd'hui, le Vieux Cornet, ramené au rang de simple demeure a perdu beaucoup de son importance de jadis. Autrefois, c'était un important domaine. Entouré d'étangs et de bois, il fut la propriété de la famille des Van Eeckhoudt.

Plus tard, quand ce bien passe dans la famille Clérin, l'habitation, les dépendances et les biens environnants forment un domaine de plus de 4 bonniers. Au milieu du 18ème siècle, le hof ten Horen comprenait 29 hectares de terres et de bois en parcelles disséminées sur le territoire de Carloo. Vers 1768, ce bien appartient à la famille Pierre Goens qui le transforme en ferme et cette famille le possèdera jusqu'en 1850.  Avec le temps le "Hof ten Horen" changea encore de destination.  Au siècle dernier, il devint une guinguette populaire.  Une vieille carte postale nous montre cette habitation vers 1900/1910. Les murs de la tour portent l'inscription "Hof ten Horen - Hôtel du Cornet - Restaurant".

A cette époque, en tant que cabaret, le hof ten Horen fut fort fréquenté par beaucoup d'artistes. Dans "Uccle au Temps jadis", Maurice Guilbert écrit "Le Vieux Cornet devait séduire les peintres quels qu'ils fussent, cubistes ou traditionalistes…  et il n'était pas rare de voir, à la fois, au Cornet, quatre ou cinq peintres, oeuvrant devant le chevalet planté" (2). Une première exposition fut organisée en 1908. Ce fut, dit encore M. Guilbert, que nous citons, "la première exposition de peintres et de sculpteurs de talent organisée dans un cabaret de village" (3). Jadis, déjà un dessinateur de renom, P. Vitzthumb, avait souvent fréquenté les abords sylvestres du Vieux Cornet qu'il représenta dans ses dessins évocateurs des sites soniens.

Le cabaret du "Vieux Cornet" ferma ses portes en 1924, date à laquelle il devint une simple demeure. Le dernier tenancier du cabaret en fut le "père Vandercammen" connu pour sa paresse. Ouvrons encore l'ouvrage "Uccle au Temps jadis" : "Il avait fait placer un petit tonneau muni d'un robinet sous son comptoir. Quand on lui commandait à boire il plaçait les verres sous le robinet qu'il ouvrait et quand un verre était rempli, il en poussait négligemment un autre du pied pour ne pas devoir se baisser. C'est le moment qu'on choisissait pour soulever une controverse musicale. Cela ne ratait jamais. Le père Vandercammen se lançait dans une rectification de date et oubliait que le robinet était ouvert et que la bière coulait sous ses pieds en larges mares ... " (4).

En relatant cette anecdote, nous sommes entrés dans le domaine du folklore. En fait, le "hof ten Horen" appartient au folklore ucclois depuis que Charles De Coster s'y firent rencontrer Thijl Uylenspiegel, les femmes archères d'Uccle et les Frères de la Bonne Trogne, ainsi que le rappelle la plaque commémorative placée à l'entrée  du  Crabbegat.

Sous l'Ancien Régime, Uccle posséda une gilde de tireurs à l'arc. Mr André V. Gillet, dans une étude qu'il a publiée dans l'un de nos bulletins, signale plusieurs perches de tir situées sur Uccle. La dernière perche dressée sur le territoire de notre commune le fut dans le jardin du "Cornet" où elle se trouvait encore en 1925 (5).

Pour terminer, ajoutons encore que les dépendances du Cornet,  vers le Crabbegat,  furent transformées en maisons privées en 1929.

 

A. Noël.

 

Références :

(1)         "Uccle au temps  jadis" - Edit.  1950,  p.206     "Où est contée l'histoire  véridique et                                  pittoresque des cabarets"

(2)          Uccle  au  temps  jadis,  id,  p.  249  "Les  expositions  champêtres".

(3)          idem.

(4)          Uccle  au  temps  jadis  -  id.   "Le  Père  Vandercammen",  p.  266

(5)          André  V.  Gillet  -  Uccle  et  les  gildes  de  tireurs  -  Bulletin n° 20 du Cercle  d'Histoire           d'Uccle (novembre 1968)  p.  6.

 

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COURT  HISTORIQUE SUR  L'HOF TEN HOREN OU VIEUX  CORNET

A l’avenue De Fré (créée en 1867), se trouve l’Hof ten Horen, mieux connu sous le nom de Vieux Cornet, et situé au bas du Crabbegat.

La première mention certaine dans les archives date de 1460 lorsqu'il est déclaré comme fief relevant du Brabant (Cour féodale de Brabant, registre n° 12, folio 9 aux Archives Générales du Royaume).

Il semble avoir relevé du Consistoire de la Trompe et avoir servi de lieu de réunion du tribunal devant juger des délits de chasse dans la Forêt de Soignes. Les Echevins de la Vénerie et même ceux de la Seigneurie de Carloo y tinrent des réunions. La Vénerie était une cour censa1e chargée de gérer et de transmettre les biens dont les revenus servaient à l'entretien des meutes.

Sa juridiction s'étendait sur Boistfort, Watermael, Uccle et Linkebeek. A Uccle, le banc des tenanciers avait droit de basse et de moyenne justice sur les personnes demeurant sur les biens donnés à cens par la cour censa1e, pour toutes les questions de dettes et les actes personnels.

Le propriétaire du manoir payait tous les ans à la Vénerie une rente de 19 1/2 deniers de Louvain.

L'Hof ten Horen, dont le corps de logis date de 1748, est accolé d'une tour carrée, peu élevée, dressée à son angle septentrional, encapuchonnée d'ardoises et qui, il y a 100 ans, n'était percée que de meutrières. On peut voir sur la façade de la tour un cornet de chasse, surmontant la date 1570 et l'inscription : Aensiet den tijdt.

Le Cornet est reproduit sur une carte d'Uccle de 1650 et conservée au Cabinet des Manuscrits à la Bibliothèque Royale à Bruxelles, sous le numéro II 3260 B. Il apparaît encore sur une carte dressée par l'arpenteur Everaert en 1741 et conservée aux Archives Générales du Royaume à Bruxelles, dans le fonds Cartes et plans manuscrits 2394 n° 312.

En 1661, le bien est en possession du Seigneur Eeckhoudt, dont les descendants rendent la ferme à bail en 1710 à Jean Hublo (Notariat Général du Brabant, registre n° 5326, acte 12 aux A.G.R.).

En 1741, le Cornet est la maison de campagne du Conseiller Winand Clerin, époux de Dame Gertrude van Veen. Leurs descendants vendirent le bien le 1er juillet 1768. L'ensemble comprenait alors deux petits étangs et des dépendances sur quatre bonniers, avec en annexe un bois de 20 hectares s'étendant jusqu' au Langevelt, et six hectares de terre en la Hoogstrate et le Crabbegat.

Il fut acquis pour 6.400 Florins par Pierre Goens, dont les descendants en étaient encore propriétaires en 1850.

Il était à cette époque un cabaret fréquenté surtout par les artistes tentés par le décor des vallons ucclois.

Ce fut aussi l'hôtellerie où les Frères de la Bonne Trogne, dont Charles De Coster nous a conté si savoureusement l'histoire, s'attardaient pour faire ripaille et boire des pintes de cervoise.

La tour fut restaurée et surhaussée par son nouveau propriétaire en 1924. P.G. Périer, dans l'ouvrage « Uccle au temps jadis, 1925", pages 101 à 106, nous livre les souvenirs sur le Vieux Cornet.

A cette époque, un antiquaire  occupait l'Hof ten  Horen et s'était voué à la reconstruction de ce vieil édifice, en y faisant enlever la chaux qui couvrait les baies anciennes.

Le dessinateur Paul Vitzthumb fréquenta assidument les abords du Vieux Cornet. Au 19e siècle, le Cornet fréquenté par des artistes qui y exposaient à l'occasion leurs toiles, était un lieu de prédilection pour eux. Ils s'y retrouvaient chez eux. On y entendait à la fois des théories esthétiques et des propos     truculents.

Le samedi 25 octobre 1924, quand le cabaret du Vieux Cornet ferma ses portes, une dernière réunion anima la salle flamande.

Par une pensée touchante, des peintres qui avaient planté leur chevalet sous les tilleuls de la cour, des écrivains, des promeneurs qui avaient évoqué le passé sous le toit hospitalier, rempli de souvenirs, s'assemblèrent autour d'un punch. Ils venaient dire adieu à cette auberge du passé, à cette retraite charmante, si longtemps ouverte à leurs rêves. L'assemblée rappelait quelque chambre de rhétorique d'antan.

Quelqu'un se leva pour rendre hommage au Vieux Cornet et saluer l'enchantement de sa silhouette sur le sol ucclois. Mais en changeant de destination, le Cornet ne disparaîtra pas néanmoins, car l'antiquaire avisé, qui en était le nouveau propriétaire, s'occupa à le restaurer et à maintenir ainsi un des témoins du prestigieux passé ucclois.


Bibliographie

- A. Cosyn : Guide historique et descriptif des environs de Bruxelles, 1925, tome II, pages 251 et              252.

- 100 promenades pédestres dans les environs de Bruxelles, Touring Club de Belgique, 5e édition,            1925, page 175.

- Uccle  au  temps  jadis,  édition  de  1925.

- Bulletin  du  Touring  Club  de  Belgique,  1er  novembre  1921,  page  485  et  486.

- Journal  "La  Dernière  Heure",  du  10  décembre  1968.

- U.L.B.    Une  commune  de  l'agglomération  bruxelloise  Uccle,  1958.

- Y. Lados van der Mersch, J. Deconinck et H. de Pinchart;  Quelques jalons de l'histoire d'Uccle,               1969, tome 1.


H. de  Pinchart


Source des deux articles :  Revue « Ucclensia » n° 34 de novembre 1970.