LES SORCIÈRES DE SUGNY
(Province de Namur)
par Maurice Pirotte
Sugny, 1657… Des chemins empierrés, une chapelle, un lavoir, des prés clos d’épines noires, des forêts ou huttent des charbonniers. De ces forêts profondes ou les ruisseaux sortis des entrailles du schiste rajeunissent la terre, une clouterie, une saboterie,…. La vie empreinte de simplicité des premiers âges !
Nous sommes au temps des légendes dorées, des fées, des nutons et autres esprits malins, au temps ou la branche de buis bénit protège contre l’incendie et la foudre , tandis que le plantain passe pour l’antidote du venin de vipère.
Les femmes cardent et filent la laine. Et se laissent entailler encore le bâton pour les achats à crédit !
Mais des hommes et des animaux meurent « par regard mauvais, attouchements, donc de poudre grise ou de graisse diaboliques ». Le mystère plane sur la campagne sugnygeoise. Tout se déchaine dans l’engluement des permanences noires !
Et c’est le fameux procès des « Sorcières de Sugny » qui, comme un rituel primitif et les naïvetés et la mascarade, va soulever une tempête d’étoiles.
Laides, les sorcières ? Voyons,… Des femmes comme les autres qu’une population dupe de son inconscience et de sa médiocrité, isole, accable, enlaidit !
Le 21 mars 1657, des femmes sont condamnées par ces messieurs de la (Haute Cour de Justice de Sugny) a être étranglées à un poteau et réduites en cendres : sachons qu’un gibet se trouve en permanence sur la colline appelée « Champ des Poteaux ». Les noms de ces « sorcières » ? Jennette Petit, Jennette Huart femme de Jean Robeau, Marson Huart sa sœur, Léontine Després et Jenne Pihart.
Redoutant les douleurs de la torture, elles avouèrent les faits qu’il plût a leurs juges de leurs de leurs imputer !
Est-il besoin d’enjoliver, de substantifier cocassement cette séance du tribunal ? Ecoutons ces témoignages comme un peu de pittoresque et de fantaisie claire dans les fracas des dépositions : Jeannette Huart a renoncé à Dieu pour adhérer au diable ; elle a fait mourir avec poison Marie et Jeanne Debière, comme aussi Elisabeth Michel, et deux vaches appartenant à Thomas Lefort. Enfin, elle a été plusieurs fois aux danses diaboliques et à eu copulation charnelle avec le diable.
Le procès donne une petite idée de la justice rendue par la « Haute Justice de Sugny » en 1657. Assisté de deux échevins interrogateurs qui signaient d’une croix leurs grossières enquêtes, le Seigneur de Sugny, Sire Jean de la Bische, faisait rendre la justice par son procureur « en recharge » de la cour souveraine de Bouillon.
Quand aujourd’hui, les bûcherons, là haut, allument au feu sur le « Champs des Poteaux », il y règne un peu de nous et comme une enivrante inquiétude – C’est que la cendre est faite de l’âme des sorcières de Sugny ! ...