DIEUX DU NORD La Religion des Anciens Belges.

 

Le panthéon nordique
(Composition P.F.)


LA RELIGION DES ANCIENS BELGES

P.-C. Vanderelst



REVUE UNIVERSELLE (IIIe année, tome VI)

1835





RELIGION DES ANCIENS BELGES.

(Pages 123 à 130)

Dans les premiers âges, l'homme sous l'influence des agents de la nature, reconnut en eux la puissance Suprême; mais comme dans leurs effets, ils suscitaient ses plaisirs ou lui faisaient connaître la douleur, il fut tenté de reconnaître deux principes différents; un fait de tous les jours vint confirmer cette croyance, la succession du jour et de la nuit, de la lumière et des ténèbres. Ignorant les causes de ces révolutions, l'homme en fit deux génies. Les ténèbres qui rendaient la marche de l'homme plus difficile, et trompaient son regard firent naître la crainte dans son cœur; et c'est pourquoi le génie des ténèbres fut regardé comme un génie malfaisant qui ne pouvait être apaisé que par des sacrifices et des gémissements. Les Germains qui avaient la même religion que les Belges, le nommaient Hekkart et disaient qu'il avait autorité sur la vie et la mort. (Van Royen, Nerderl. Oudheden.)

Mais si la nuit inspirait la crainte, le jour et la lumière, faisaient naître la satisfaction et la joie; les Germains élevaient la voix pour exprimer leur reconnaissance par des cantiques qui célébraient la gloire du bon génie sous le nom de Theut.

Les premiers peuples ne s'arrêtèrent pas là dans leurs observations de la nature; entre autres objets qui les frappèrent dans le monde qu'ils commençaient à peine à explorer, il y en eut de quatre espèces qu'ils considérèrent comme éléments. Chaque élément eut son génie protecteur à qui s'adressaient les prières pour tout ce qui dépendait de son département.

L'air qui s'étend en champ d'azur au-dessus de notre tête; qui est d'une utilité si grande dans la vie de l'homme; qui, mis en mouvement est tantôt le vent qui fait voguer les navires, ou l'ouragan qui déracine les chênes séculaires, ou le zéphyr qui rafraîchit le front du voyageur; qui tantôt mugit à travers les chênes de la forêt, tantôt soupire dans les bois de sapin, tout cela fit reconnaître une divinité mystérieuse et pourtant bienfaisante, et Theut devint aussi le génie de l'air.

Le second élément fut ce feu répandu partout et nulle part visible sans aliment et sans choc, il fut représenté par une pierre fossile (silex) que les Germains adorèrent sous le nom de Flint. (V. Royen.)

Les eaux, réceptacles de tant de semences, patrie des nombreuses espèces de poissons, nourriture à laquelle on attribuait une vertu prolifique, furent également honorées, et leur génie reçut le nom de Niks ou Nakken. Les Gaulois l'appelaient Neith et les Goths Niord.

La terre, comme mère commune des humains, fut honorée avec reconnaissance pour ses bienfaits, tantôt sous le nom de Hertha (Èerde), tantôt sous celui de Tythea.

Les anciens remarquèrent d'autres phénomènes qui furent de nouveau expliqués par des allégories. Les pluies fécondantes que le ciel verse sur la terre au printemps, furent regardées comme le mariage du ciel et de la terre ; ou bien entre Theut et Tythea, et dans la tradition Mythologique, Theutsohn, premier législateur des Germains, était regardé comme le fruit de cette union.

Theut, Dieu suprême, était le jour, la lumière, le ciel, l'air et le soleil; Tythea, la terre, parait avoir quelquefois été confondue avec la lune, parce que comme elle, elle est cause passive. Ce Theut est le même que le Theutatès des Gaulois. Il parait que ce n'était que dans la Gaule Orientale que ce nom était donné à l'Être Suprême, que les Gaulois Occidentaux nommaient Hesus.

Les Germains regardaient Theut comme l'Être Suprême; il est Éternel, il gouverne tout son empire, les grandes et les petites choses.

Il a fait les cieux, la terre et l'air. Il a fait plus que les cieux et la terre, il a fait les hommes; il leur a donné une âme qui vivra et ne retournera jamais au néant, lors même que le corps sera devenu cendre et poussière, les justes habiteront avec lui dans le palais de l'Amitié, mais les méchants souffriront dans l'Enfer (Helle) et dans la demeure des scélérats (Niflheim.)

Van Royen nous apprend que la terre, mère de Theutsohn était surtout vénérée en Flandre. Tacite la nomme Hertha. Alting nous dit qu'on la nommait aussi Arduwe et Arduwena; la forêt des Ardennes fut consacrée à cette divinité , qui étant aussi déesse de la chasse, fut plus tard confondue avec Diane.

Les Germains lui avaient consacré une ile dans la mer Baltique; elle y avait un temple célèbre. Cluvier pense que cette île est Rugen. Gosselym penche pour la petite île du Golfe de Travemunde, en face de Heiligenhaven. Tous les ans, pendant les jours de fête de la déesse Hertha, son image était portée en procession sur un char traîné par quatre chevaux blancs, en reconnaissance de la moisson abondante. Tant que duraient ces fêtes, les Germains n'allaient pas à la guerre, ne portaient pas d'armes, terminaient à l'amiable les procès pendants, et vivaient dans les douceurs de la fraternité. Il paraît que le même char portait les Runes ou archives de la nation, l'étalon des poids et mesures, etc. (Religion des Gaulois, par le Bénédictin de Saint-Maure. )

Les Germains comprenaient que le culte d'une divinité femelle, de la terre qu'ils considéraient comme leur mère commune, était essentiellement pacifique, et conséquemment devait être servie par des actions généreuses. Le culte de la terre était celui qui se célébrait avec le plus de pompe dans toute la Germanie; comme si dès lors existait en germe l'idée qui se développa chez les Allemands, pendant le moyen âge, quand ils eurent chez eux le siège de la puissance temporelle, face matérielle de l'édifice social du moyen âge.

De l'union du ciel et de la terre naquit Theutsohn que Tacite nomme Thuisto et qu'il confond avec Theut lui-même. Les traditions allemandes rétablissent les faits.

Theutsohn est le premier législateur des Germains. Bérose le Chaldéen dit qu'il fonda l'empire des Sarmates; mais il est probable que Bérose nomma les Sarmates parce qu'il ne connaissait pas les Germains; et la tradition de Theutsohn nous fait entrevoir que ce législateur, comme presque tous les anciens sages, est venu de l'Orient. Il s'établit à Deutz en face de Cologne où il fut enterré, selon les traditions. Les Germains le représentaient sous la figure d'un homme barbu, vêtu de peaux de loups, en mémoire de l'état dans lequel il avait trouvé les Germains, et tenant une baguette à la main.

Après avoir voué leur vénération aux deux principes, aux quatre éléments, aux trois conditions de l'Être, agent, patient et produit, les Germains tournèrent leurs regards vers les armées sidérales et les astres reçurent leurs hommages. Le ciel des étoiles fixes devint la demeure de Theut, et chacune des planètes reçut leurs adorations.

La première qui s'offre comme ayant surtout été adorée des Germains est la planète de Mars à laquelle ils firent présider Theutsohn, nommé indistinctement Dyssen, Dan et Tues d'où les Anglais ont fait tuesday qui est le mardi. Dan selon Alling signifie proprement chef, mais il est particulièrement attribué aux divinités. Dans l'Edda, ce mot est le synonyme de As. Dyssen est le nom que lui donnaient les Belges; nous nommons encore le mardi dyssendag, et dingsdag, mais peut-être ce dernier mot vient-il de Dingen, juger; car il est vraisemblable que la justice se rendait le jour consacré à la mémoire du législateur.

C'est de lui que les Teutons, die Deutschen, prirent leur nom , qui signifie proprement Nationaux; car Alting nous apprend que Teut en haut-Germain et Diet en bas-Saxon, signifient Nation. Le Flamand est encore quelquefois appelé 't Dietsch par opposition à ‘t Duytsch, l'Allemand.

Différentes tribus germaniques donnaient d'autres noms à cette divinité; quelques-unes la nommaient Roode (Rouge), sans doute à cause de l'aspect rougeâtre de cette planète; d'où peut-être les Roodings (Reudigni dans Tacite) tiraient leur nom; on disait aussi Roodag; d'autres la nommaient Erch qui veut dire « furieux », c'est de ce mot que les Westphaliens ont fait erechstag pour signifier mardi.

Le fils de Theutsohn est Mann (l'Homme). Des auteurs disent que c'est l'Hercule des Grecs; et en effet les Germains paraissent avoir confondu ces divinités qui se rapportent à la planète de Mars, nommée aussi astre d'Alcide. Nous venons de voir que Theutsohn avait habité Deutz, et sous la période Romaine, Hercule y était honoré sous le nom de Hercules Deusoniensis. A Strasbourg, il avait le nom de Krutz-Mann; ce dieu était aussi révéré sous le nom de Hercules Magusanus. Selon Wastelain, Magus ou Megen signifie Quai, ainsi ce serait Hercule protecteur des quais. Ceci se confirme par une pierre trouvée à Domburg, en Zélande, en 1514. Il y est représenté sous l'aspect d'un vieillard tenant une fourche d'une main, et un dauphin de l'autre; une écrevisse est à ses pieds, et sur le second plan on découvre des roseaux ; une inscription le nomme Hercule Magusan et mentionne la déesse Hafua , [Haven), qui est sans doute la protectrice des Havres. (Le Bénédictin, religion des Gaules.)

Mann eut trois fils, Hermion, Istuon et Engwon, pères des trois grandes tribus germaniques. Les chroniqueurs disent qu'Istuon fut le fondateur du Sacerdoce, Engwon l'inventeur de la charrue, et Hermion l'inventeur de la cuirasse. N'est-ce pas indiquer les trois castes des anciens peuples: les guerriers, les prêtres et les agriculteurs ?  Quelques-uns ont voulu voir Hermès dans Hermion. Mais sans nous arrêter à ces rapprochements, nous dirons que Her, signifie armée; Weer (en Anglais Ware) et Ger, signifient guerre; ainsi Herman, Wermann, Germanus, ne signifient autre chose que Guerrier, nom qui est devenu générique pour toute la nation Tudesque, et que paraissaient porter plus spécialement les Hermandures. La tribu des Hermions parait être la même qui prit dans la suite le nom de Suèves.

C'est le temple d'Hermion que Charlemagne détruisit à Erecsburg. Ce nom d'Erecsburg et celui de Theutsburg que cette place portait précédemment, sont une indication du culte de la planète de Mars. On trouve dans Van Royen (Nederlandsche Oudheden) la description de la statue de ce Dieu; nous ne ferons qu'une remarque sur cette image. Elle portait un étendard sur lequel était peinte une rose; peut-être les secrets se confiaient devant cette idole, et delà sera venue la locution flamande: je vous dis cela sous la rose, pour, sous le sceau du secret.

Nous terminerons ce paragraphe de la planète de Mars, en faisant remarquer que le nom de Theut est resté à un village près de Grammont, nommé Theutsberg.

Dans l'Edda, la planète de Mars est nommée Tyr, et n'est qu'une divinité secondaire.

Le nom de Woden, Othen , Goden (d'où est venu le mot God, dans les langues du Nord), était attribué à la planète de Mercure, comme le nom de wonstag (westph. ) wednesday (angl.) woensdag (Holl. ) et goensdag en Brabançon, pour désigner mercredi, le démontrent. Cette divinité était surtout honorée par les Goths qui paraissent en avoir pris leur nom. On révérait ce Dieu comme le Dieu des combats, de la magie et des richesses; ce dernier rapport était aussi attribué à Istuon, fils de Mann, et père d'une tribu qui porta d'abord son nom, et prit dans la suite celui de Franks.

Woden, ou Odin était représenté sous l'aspect d'un guerrier, le glaive en main, et la tête coiffée d'un casque couronné. On disait qu'il s'était occupé à forger tout l'or renfermé dans le sein de la terre; ceci nous fait remarquer que le même rapport existe entre les mots God et Goud, qu'entre Divus et Divitiœ.

Le village de Woensdrecht, entre Santvliet et Berg-op-Zoom, parait avoir tiré son nom de lui, il signifie trajet d'Odin.

Ce Dieu était le Dieu suprême des Scandinaves, dont leur législateur Sigé avait pris le nom. Dans les Gaules, il recevait le nom d'Ogmius analogue de Ochmod, nom que les Orientaux donnaient à la même planète.

Thor ou Donder était le nom de la planète de Jupiter, d'où donderdag, et thursday, pour jeudi. On le représentait sur un Taureau ou portant une tête de taureau sur la poitrine, en mémoire de la constellation du Taureau qui ouvrait l'Eté et ramenait les orages. Dieu de la foudre, il tenait en main une massue; c'est sans doute de là qu'est venu le mot Donderbeytel pour signifier le sillon de la foudre. Thorhout, Thurnhout et Thuredrecht ( Dordrecht ) tirent leur nom de ce Dieu. Les Frisons l'appelaient Stavon et lui avaient consacré un Temple à Stavoren. Les Gaulois lui donnaient le nom de Taran et une pierre trouvée dans les fondements de Notre-Dame de Paris, porte son image. Il y est représenté combattant le Grand Serpent, et l'inscription effacée n'offre plus que Sivi — . Reos. Dans l'Allemagne méridionale il était nommé Pen , Pan ou Psin , d'où sa fête, qui arrivait dans le mois de mai, fut nommée Psinstag (en Hollandais, Pinksteren). C'est aujourd'hui le nom de la Pentecôte. Dans le Nord, sa fête arrivait au solstice d'hiver et s'appelait Joël, d'où anciennement décembre s'appelait Joelmaand. Les Thorings {Deuringi), ou Thuringiens tiraient leur nom de cette divinité.

Ce Dieu était surtout invoqué contre les ravages de la grêle. Dans ces circonstances, les prêtres lui faisaient des offrandes, écrivaient un contrat qui était déposé aux pieds de la statue; quand la grâce demandée était obtenue, ils venaient en grande pompe donner quittance au Dieu, et déchiraient le contrat.

Vénus se nommait Freya. Elle était la déesse de la beauté, et peut-être aussi de la liberté, comme son nom et ses attributs l'indiquent. On la représentait dans un char traîné par deux chats: ces animaux étaient le symbole de la liberté chez les Germains. On la disait fille de Nocken, Dieu des mers; elle habitait un palais nommé l'Union des Peuples. On la nommait aussi quelquefois Siôna et Ista ou Ooster; sa fête se célébrait dans toute la Germanie, à la pleine lune d'avril, d'où ce mois était nommé Oostermaand; c'est de cette fête que les Anglais ont fait le mot Easter par lequel ils désignent la fête de Pâques. Les Estiens qui étaient sous la protection de cette planète la représentaient sous la figure d'un sanglier. On ne doit pas confondre Freya avec la Frigga des Scandinaves qui est la même que Tythea, la Terre.

Freya a laissé son nom au vendredi vrijdag. C'est d'elle que les dames (frau) tirent leur nom: car femme se disait wyf et weih. De ce nom vient encore vrijen, courtiser et être courtisé; et le mot français frayer.

Frey ou Friske était le frère de Freya et tenait chez les Germains le rang de l'Amour; chez les Grecs, celui-ci était un enfant, celui-là un jeune homme. Il était le plus doux des dieux, il gouvernait les pluies, le soleil, et tout ce qui était produit ou engendré. Les Normands qui le nommaient Zeeman, sans doute à cause de son frère, dieu des mers, avaient mis son image au-dessus de la porte du château d'Anvers, construit par eux en 880. On l'y laissa longtemps comme une pièce d'antiquité, mais les jésuites la mutilèrent en 1585. Une semblable figure se trouvait à Louvain sur la porte nommée à cause d'elle Porta Priapœa. Cette image était celle du dieu propagateur.

Krodo ou Saeder était le nom de Saturne particulièrement adoré des Saxons. Selon Van Royen il était représenté vêtu d'une longue robe, mais nus pieds, et debout sur les nageoires aiguës d'un percot; il tenait une roue dans la main gauche, symbole du zodiaque, que cette planète parcourt plus lentement qu'aucune autre; dans la main droite il avait une corbeille pleine de fleurs et de fruits, qui le faisait reconnaître pour le protecteur des fruits et des semences. Peut-être est-il le même qu'Inguon inventeur de la charrue, car le nom de Saxons remplaça celui d'Inguons.

De Saeter, le samedi est appelé Saterdag, et Samstagde Samen, semence. Une figure de bronze trouvée à Domburg en Zélande et tenant en main un cercle, se rapporte sans doute à Krodo, nommé Hoder par les Scandinaves.

Le soleil, zon, qui a donné son nom au dimanche, était représenté par une jeune femme dont la tête était entourée de rayons et tenant une roue enflammée devant la poitrine; le soleil d'été était une divinité mâle; on le nommait Balder, Belatukader et Bélénos dans les Gaules, où, de ce nom Bélénos on tirait le nombre cabalistique 365.

Dans la religion tudesque comme dans toutes les religions anciennes, le soleil fut souvent confondu avec le dieu principal, ainsi il fut Theut, Thor et Odin selon les localités, comme étant l'agent le plus visible de la divinité.

La lune était représentée en habits d'homme, ayant une capuche avec des oreilles d'âne et tenant en main une lune d'argent; cette divinité était androgyne.

On a découvert à Domburg, en Zélande, une figure portant le nom de Nehalennia qui se rapporte à la lune ; elle y est représentée comme déesse protectrice de la navigation, et tire ses attributs de la vierge céleste. Son costume diffère peu de celui des femmes des villages de la Flandre. Elle tient près d'elle un panier de fruits, un chien est à côté d'elle, elle pose le pied dans un triangle; d'autres la représentent tenant un gouvernail.

Cette planète nommée Maan a donné son nom au lundi.

Nous avons vu que Flint était le Vulcain teutonique; les Goths le nommaient Vidar, et le disaient presqu'aussi fort que la foudre ; on le représentait tenant un flambeau en main, et portant un lion accroupi sur la tête.

Les Germains eurent aussi leur Bacchus, mais il est au rang des divinités secondaires; Gambrin est l'inventeur des ornements royaux, tel que la couronne et le sceptre; c'est lui qui le premier fit cultiver le houblon et brassa de la bière. II paraît être le même que Hornung (dont le nom est resté en Allemagne au mois de février) et comme tel, était le dieu de la chasse ; les Gaulois l'appelaient Cervunnas, et le représentaient avec des cornes comme on en attribuait à Bacchus. Peut-être le mot Cerwise (Cervisia), bière, vient-il de lui.

Marse était le nom d'un héros qui passait chez les Germains pour avoir institué les conseils nationaux.

Outre ces divinités, il y en avait encore plusieurs autres; comme Tanfana, qui selon Alting était la déesse des Marécages; son temple paraît avoir été à Vennes, près deMunster. Baduhena est, selon le même auteur, la déesse des Chemins ; et Leva dont le temple était à Duurstede selon les uns, où à Leewen selon d'autres, était la divinité qui présidait aux collines. La déesse de la Cité recevait le nom de Ludana, dont nous avons retenu quelque chose dans l'usage de représenter le pays par une vierge, (de Vlaemsche Maegd , etc.)

Les anciens Belges Germains, avaient aussi de la vénération pour les déesses Infernales nommées Nornes, et dans les Gaules, Maires; c'étaient les Parques ; leurs noms signifiaient le passé, le présent et l'avenir.

Les compagnons de Hekkart, les mauvais génies, était nommés Thusses, ou Duyses; ou Heim, et Reus; ce sont les géants de l'Edda. Quelques éditions de Tacite portent Thusii pour Sturii ; ce nom serait resté à l'île de Texel, et concorderait avec la tradition qui place des Géants sur la côte du Veluwe, et les nomme Heims.

Si, d'une part, on redoutait les Géants, d'une autre on avait un respect sacré pour les Nains qui passaient pour magiciens; ce respect subsista jusqu'au moyen âge qui porte cette vénération aux Gnômes.

Il y eut en outre les déesses Sulèves, ou des forêts, qui devinrent plus tard les Sylphes; redoutés par les dévôts sous le nom de Succubes, comme les Thusses le furent sous le nom d'Incubes.

Nos ancêtres avaient à peu près les mêmes idées que les Grecs sur les enfers, qu'ils plaçaient comme eux sous terre. Ils les nommaient Helle, Hôlle, c'est-à-dire fosse, abîme, tombeau comme le mot hébreux Sjehol. Différents lieux profonds reçurent le nom de Helle. L'embouchure de la Meuse se nommait Helium, quelque chose en est resté à Hellevoetsluys.

Une ville du Brabant se nomme Helmonde. Helgat est le nom d'un canal de la Flandre.

L'Escaut, la Meuse et le Rhin étaient aussi adorés comme divinités tutélaires.

Le chêne était généralement révéré. On connaît le respect que les Gaulois portaient au Gui qui croît sur cet arbre. Les Germains révéraient également cette plante qu'ils nommaient Weid (Vitus, en latin), d'où, peut-être, Saint-Vith. On la nomme en flamand Varen, et le hameau Varendonk en Campine, paraît en tirer son nom. Les Allemands du Nord la nomme Gutheyl; à ce sujet, citons la remarque d'Ericius Puteanus dans Bruxella Septennaria, qui dit que Gudule vient de Gutheyl, et signifie bon salut.

Le Frêne et l'Aune étaient également révérés, comme étant, selon les Goths, le berceau de l'homme et de la femme, enfin la Verveine jouait un grand rôle dans les enchantements, ainsi que la Jusquiame nommée Belinuncia.

Les prêtres ne jouirent jamais d'autant de privilèges chez les Germains que chez les Gaulois, quoiqu'ils formassent un tribunal qui jugeait sans appel, et qu'eux seuls pussent infliger une punition corporelle aux Germains. On les nommait Truchten, c'est-à-dire Seigneurs; c'est de ce mot que dérive celui de Druide. Un village de la Gueldre jadis Truchten, se nomme encore Druiten.

Les Bardes ou poètes étaient des prêtres qui chantaient les hauts faits des dieux et des héros; un village du Nord-Brabant se nomme encore aujourd'hui Bardwyk.

Un lieu dont le nom indique la demeure des prêtres est Asburg sur le Rhin, As en Iotique signifie Dieu, ou plutôt Divin. Du temps de Tacite, la tradition disait qu'Ulysse avait fondé cette ville, et un autel érigé au fils de Laërte, semblait confirmer cette tradition.

Les Frisons nommaient leurs prêtres Wyden, qui signifie Sacrés. Vers l'an 90, Sinna chef des Wyden persécuta les chrétiens.

Les femmes prenaient également part au Sacerdoce; elles étaient consultées sur l'avenir et scrutaient les entrailles palpitantes des victimes humaines; les sacrifices humains furent pratiqués dans les Gaules jusqu'à sous le règne de Claude qui les défendit; cependant on ne trouve pas dans César qu'aucun prisonnier Romain fut sacrifié par les Belges, sur les autels de Theut.

Si le nombre sept était sacré chez presque tous les peuples, le nombre neuf ne l'était pas moins chez nous; il venait des neuf demeures, savoir : 1° la Terre, 2° la Lune, 3° Odin (Mercure), 4° Freya (Vénus), 5° le Soleil, 6° Theutsohn (Mars), 7° Thor (Jupiter), 8° Krodo (Saturne), 9° Theut, le Firmament.

L'initiation faisait connaître la marche des astres, l'explication des divinités, le dogme du commencement du monde, de son renouvellement par une inondation, et de sa fin par le feu ; la renaissance d'une nouvelle terre qui devait sortir du sein des mers; elle enseignait que les âmes ne périssent pas, mais sont récompensées ou punies. Les lâches, les parjures, et les traîtres allaient dans le Niflheym, dont l'entrée était gardée parle chien Garme, source de la crainte superstitieuse de nos campagnards , pour l'arrivée du chien noir traînant sa chaîne ; les braves, les fidèles et les bons étaient admis dans le palais de l'Amitié (Walhalla); mais le guerrier qui n'était pas mort en combattant devait passer par un purgatoire.

Voilà ce que nous avons cru pouvoir présenter de plus intéressant sur l'ancienne religion des Belges, chez qui les divinités Romaines furent admises et confondues avec les divinités nationales, avant que le christianisme parvint à s'établir solidement; car la plupart des idoles renversées par les premiers missionnaires étaient des idoles Romaines et non Tudesques ; c'est pourquoi nous terminerons ici cet aperçu.


P.-C. Vanderelst, à Bruxelles.


Note de La Belgique des Quatre Vents :

Theut (Teut) = Tuisto (cf Rudolf Simek, Dictionnaire de la mythologie germano-scandinave)

Theutsohn = Mannus

Herta = Nerthus