Les Bokkerijders, ou "Chevaliers du Bouc", sont une figure emblématique et controversée de l'histoire du Limbourg et des régions avoisinantes, en particulier en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, au XVIIIe siècle. Leur histoire est un mélange complexe de brigandage criminel, de légende populaire et de répression judiciaire brutale.
Origines du nom et légendes populaires
Le nom de "Bokkerijders" trouve son origine dans la croyance populaire selon laquelle ces brigands auraient pactisé avec le diable, leur permettant de chevaucher des boucs à travers les airs pour commettre leurs méfaits. Cette légende, souvent associée aux sabbats de sorcières et autres pratiques diaboliques, était un moyen pour ces bandes d'effrayer les populations et de dissimuler leurs déplacements rapides. Des dictons locaux illustrent cette idée, comme "Par-dessus la maison, par-dessus le jardin, par-dessus la clôture et cela jusqu'à Cologne dans la cave à vin !". Le terme "bokkerijders" fut officiellement utilisé pour la première fois lors d'un procès en 1774 dans le village hesbignon de Wellen, où Johan van Muysen se présenta comme membre de ces "chevaliers du bouc" dans une lettre de menace.
Période d'activité et étendue géographique
Les activités des Bokkerijders se sont déroulées, avec des interruptions, entre 1730 et 1798. La période la plus intense de leurs actions se situe entre 1730 et 1774. Ils opéraient principalement dans les "Landen van Overmaas" (territoires de l'Outremeuse) et l'ancien comté de Loon, des régions qui constituent aujourd'hui le Limbourg belge et néerlandais, le Pays de Herve, la région des Fourons, les environs de Liège, la Campine belge et néerlandaise, ainsi que certaines zones frontalières allemandes près d'Herzogenrath. Cette fragmentation politique de la région, divisée entre diverses puissances (France, République des Provinces-Unies, Espagne, Autriche), a pu favoriser le brigandage en grandes formations.
Activités et méthodes
Les Bokkerijders étaient des bandes de voleurs, d'extorqueurs et d'individus commettant des vols violents. Leurs cibles privilégiées étaient les fermes isolées et les presbytères de campagne. Ils utilisaient souvent des lettres de menace, appelées "brandbrieven" (lettres d'incendie), pour exiger de l'argent sous peine d'incendier les propriétés. Au fil du temps, certaines de ces bandes ont acquis une réputation comparable à celle de Robin des Bois aux yeux de certains, bien que cela soit aujourd'hui largement nuancé.
Contexte social et politique
Le XVIIIe siècle fut une période de bouleversements. La croissance démographique, le déclassement social et l'accumulation des richesses ont pu contribuer à l'essor du brigandage. Les Bokkerijders recrutaient leurs membres au sein de la population locale, initialement motivés par la pauvreté. Des rumeurs suggèrent que les dernières bandes auraient pu être influencées par les idéaux de la Révolution française, bien que cela reste l'objet de débats. La justice de l'époque était souvent défaillante, avec des tribunaux locaux (schepenbanken) peu qualifiés et une procédure de jugement critiquée par les autorités de Bruxelles.
Répression et procès
La répression contre les Bokkerijders fut particulièrement féroce et impitoyable. Des centaines de personnes furent accusées et des aveux étaient fréquemment extorqués sous la torture, conduisant à de nombreuses condamnations, parfois pour des délits mineurs. Les méthodes de torture incluaient la "territie" (menace de torture pour intimider), l'utilisation du "duimschroef" (serre-pouces) et la "strappade" (suspension par les bras attachés derrière le dos). Les peines étaient souvent capitales et théâtrales, incluant la pendaison, la strangulation, la roue et le démembrement. Les noms de certains "Bokkerijders" condamnés sont connus, tels que Gabriël Brühl (pendu en 1743), Joseph Kirchhoffs (pendu en 1772) et Joannes Arnold van de Wal (pendu en 1789). Il est aujourd'hui admis qu'une grande partie des quelque 1 200 personnes accusées et 500 condamnées étaient innocentes, leurs aveux ayant été obtenus sous la contrainte. Les autorités, notamment les "drossaards" (officiers de justice) comme Jan Mathijs Clercx à Bree, sont devenues célèbres pour leur lutte contre ces bandes. La conquête française de la "Belgique" et de la rive gauche du Rhin en 1794-1795 a balayé les institutions répressives traditionnelles, marquant la fin de cette période de brigandage et de répression.
Héritage culturel
Malgré la controverse et la brutalité de leur histoire, les Bokkerijders font aujourd'hui partie du patrimoine culturel immatériel du Limbourg. Ils ont inspiré de nombreuses œuvres de folklore et de littérature, des bandes dessinées comme "Les Chèvraliers" de Bob et Bobette, à des séries télévisées et des comédies musicales. Des monuments et des plaques commémoratives existent dans la région, notamment à Valkenburg aan de Geul. L'étude des Bokkerijders continue d'offrir une vision complexe de la justice, de la superstition et de la société dans les régions transfrontalières à l'époque moderne.
(Diverses sources Internet)