TEMPLIERS Les Templiers de Slijpe (Middelkerke)

 

Fresque templière d'Arno Brys en l'église Saint-Nicolas de Slijpe
(Photo Paul Hermans)


LES TEMPLIERS DE SLIJPE (MIDDELKERKE)


La commanderie de Slijpe : Fief et centre névralgique des Templiers en Flandre

Au cœur des polders flamands, à Slijpe, aujourd'hui une section de la commune de Middelkerke, se dressait l'une des plus influentes et importantes commanderies de l'Ordre du Temple dans le comté de Flandre : la commanderie de Slijpe. Connue également sous le nom de "Commanderie de Flandre", elle fut un centre économique et spirituel majeur pour les chevaliers au blanc manteau. Son histoire, sa richesse et son héritage témoignent de la puissance de l'Ordre dans la région.



Fondation et montée en puissance au XIIIe siècle

La commanderie de Slijpe a été fondée au XIIIe siècle, sur des terres comtales. Elle est devenue rapidement le centre névralgique des activités de l'Ordre en Flandre, remplaçant une plus petite implantation à Leffinge. Son emplacement stratégique, sur des terres nouvellement gagnées sur la mer, a contribué à son essor rapide.

Le site, connu sous le nom de "Groot Tempelhof", s'étendait sur environ 5 hectares et était entièrement entouré de douves et de murs. Les fouilles archéologiques ont révélé que la commanderie avait l'allure et la taille d'un petit monastère, comprenant une chapelle, des logements pour les chevaliers, des maisons d'hôtes, un scriptorium et une porte d'entrée monumentale.

Un centre économique et agricole majeur

La richesse de la commanderie de Slijpe reposait en grande partie sur l'exploitation agricole de ses vastes domaines. Les Templiers y pratiquaient l'élevage de chevaux, comme en témoigne le toponyme "Merrieweede" (le pré aux juments), et la culture de céréales, attestée par la présence d'un moulin sur le site. La gestion rigoureuse de leurs terres et de leurs biens a permis aux Templiers de Slijpe d'accumuler une richesse considérable et d'exercer une influence économique notable dans la région.

Dissolution de l'Ordre et passage aux Hospitaliers de Saint-Jean

L'histoire de la commanderie de Slijpe connut un tournant décisif avec la dissolution de l'Ordre du Temple. Sur ordre du roi de France, Philippe IV le Bel, et avec l'aval du pape Clément V, les Templiers furent arrêtés en 1307. Leurs biens furent confisqués et, pour la plupart, transférés à un autre ordre de chevalerie, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (futur Ordre de Malte).

La participation des Templiers de Flandre à la Bataille des Éperons d'Or en 1302, aux côtés des insurgés flamands - bataille qui se solda par la défaite cuisante de l'armée de Philippe le Bel - et le refus des Templiers de France d'apporter leur aide au roi, est l'une des causes les plus probables de la dissolution de l'Ordre en 1307.

La commanderie de Slijpe ne fit pas exception. Après une période d'abandon, elle fut reprise par les Hospitaliers et connut une nouvelle période de prospérité. Cependant, son importance déclina progressivement à la fin du XVIIIe siècle.

Destruction et héritage contemporain

Vendue comme bien national pendant la Révolution française, l'ancienne commanderie fut transformée en ferme. La chapelle des Templiers servit même de grange au XIXe siècle. Le coup de grâce fut porté durant la Première Guerre mondiale, où le "Groot Tempelhof" fut entièrement détruit. La ferme fut reconstruite en 1921 selon les plans de l'architecte Heyneman.


L'ancienne commanderie transformée en ferme


Malgré les destructions, l'héritage des Templiers à Slijpe et dans les environs reste palpable. Le nom "Groot Tempelhof" et la "Tempelhofstraat" témoignent de cette présence historique. Des fouilles archéologiques menées sur le site ont permis de mettre au jour des vestiges, dont un urinoir en verre du XIIIe siècle, témoignant des connaissances médicales de l'époque. La mémoire des chevaliers est également honorée par des œuvres d'art, comme la statue d'un chevalier sur un rond-point à Slijpe et des peintures murales dans l'église Saint-Nicolas, inspirées par l'histoire des Templiers et des Hospitaliers.

(Sources diverses)


Fresque templière d'Arno Brys en l'église Saint-Nicolas de Slijpe
(Photo Paul Hermans)


Fresque templière d'Arno Brys en l'église Saint-Nicolas de Slijpe
(Photo Paul Hermans)


Fresque templière d'Arno Brys en l'église Saint-Nicolas de Slijpe
(Photo Paul Hermans)


Le Templier d'Eric Baeyens au rond-point
de la Diksmuidestraat et de la Spermaliestraat à Middelkerke
(Photo Paul Hermans)



ANNEXE 


BREF HISTORIQUE DE L'ORDRE DU TEMPLE


L'Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, plus connu sous le nom d'Ordre du Temple, fut le premier ordre religieux et militaire de l'histoire chrétienne. En moins de deux siècles, il est passé d'une petite milice dédiée à la protection des pèlerins à une puissance militaire, économique et financière incontournable en Europe et en Terre Sainte, avant de connaître une fin tragique et brutale qui a nourri sa légende jusqu'à nos jours.

Existence : Naissance d'un Ordre Nouveau (1120-1129)

L'histoire des Templiers commence à Jérusalem vers 1120, dans le contexte de la première croisade et de la fondation des États latins d'Orient. Les pèlerins chrétiens qui affluaient vers les lieux saints étaient fréquemment attaqués et détroussés sur les routes. Pour pallier cette insécurité, un chevalier champenois, Hugues de Payns, et quelques compagnons, se regroupent pour former une milice. Ils prononcent des vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, s'engageant à protéger les voyageurs.

Le roi de Jérusalem, Baudouin II, leur accorde son soutien et leur octroie une partie de son palais, situé à l'emplacement de l'ancien Temple de Salomon, d'où ils tireront leur nom de "Templiers".

Cependant, leur statut reste précaire jusqu'en janvier 1129, date à laquelle l'Ordre est officiellement reconnu et sa règle approuvée lors du concile de Troyes. Cet événement, soutenu par l'influence de l'abbé Bernard de Clairvaux, marque la naissance légitime d'un concept radicalement nouveau : celui du moine-soldat, un religieux autorisé à verser le sang pour la défense de la foi.

Les buts : D'une mission de protection à une puissance globale

La raison d'être originelle de l'Ordre était purement militaire et charitable : 

° Protection des pèlerins : Leur mission première consistait à sécuriser les routes de la Terre Sainte.

° Défense des États latins d'Orient : 

Très vite, les Templiers deviennent le fer de lance de l'armée chrétienne, participant activement aux batailles des croisades et à la Reconquista dans la péninsule Ibérique. Ils construisent et tiennent de nombreuses forteresses stratégiques.

Pour financer ses opérations militaires, l'Ordre se dote d'une structure logistique et économique sans précédent. Grâce aux très nombreux dons fonciers qu'il reçoit à travers toute l'Europe, il se constitue un immense réseau de domaines agricoles et de monastères fortifiés : les commanderies. Cette organisation remarquable donne naissance à de nouveaux buts, qui accroissent sa puissance :

°Gestion agraire et commerciale : Les commanderies deviennent des centres de production agricole et de commerce très performants. Les bénéfices sont systématiquement réinvestis pour financer l'effort de guerre en Orient (armes, chevaux, nourriture).

°Innovation financière : Les Templiers développent un système de lettre de change, ancêtre du chèque de voyage, permettant aux pèlerins et aux rois de déposer de l'argent dans une commanderie en Europe et de le retirer en Terre Sainte, sécurisant ainsi les transactions. Ils deviennent les banquiers des puissances de l'époque, gérant même parfois le trésor royal.

L'Ordre était organisé en trois groupes : les chevaliers (issus de la noblesse), les frères servants ou sergents (non-nobles), et les chapelains (prêtres). Tous arboraient une croix rouge pattée cousue sur leur manteau, blanc pour les chevaliers et noir ou brun pour les sergents.

La Destinée : Une chute brutale et une postérité légendaire

La perte de Saint-Jean-d'Acre en 1291, dernier bastion chrétien en Terre Sainte, marque un tournant fatal. Rapatriés en Europe, les Templiers perdent leur principale raison d'être militaire. Leur puissance financière, leur indépendance (ils ne rendaient de comptes qu'au Pape) et le secret qui entourait leurs rites d'initiation suscitent alors jalousie et méfiance.

Le roi de France, Philippe IV le Bel, lourdement endetté auprès de l'Ordre et soucieux de renforcer son pouvoir face à une institution aussi influente, orchestre leur chute. Le vendredi 13 octobre 1307, il fait arrêter massivement tous les Templiers de son royaume. Un procès inique s'ensuit, où, sous la torture, les accusés avouent les crimes les plus infâmes (hérésie, idolâtrie, sodomie).

Malgré les rétractations ultérieures de nombreux frères, le Pape Clément V, sous la pression du roi, finit par céder. Le 22 mars 1312, lors du concile de Vienne, l'Ordre du Temple est officiellement aboli. 

Ses biens sont en grande partie dévolus à un autre ordre militaire, les Hospitaliers. Le grand-maître, Jacques de Molay, et d'autres dignitaires sont brûlés vifs à Paris en 1314, en proclamant l'innocence de l'Ordre.

La dissolution brutale de l'Ordre, la disparition supposée de son trésor et le mystère entourant ses activités ont donné naissance à d'innombrables mythes et légendes qui perdurent encore aujourd'hui, assurant aux Templiers une place unique et fantasmée dans l'imaginaire collectif.