LES TRANSGRESSIONS MARINES DUNKERQUE I
ET DUNKERQUE II
Quand la Mer du Nord façonnait la côte belge...
Les transgressions marines, baptisées "Dunkerque I" et "Dunkerque II", représentent deux épisodes cruciaux dans l'histoire géologique et géographique du littoral belge. S'inscrivant dans la grande remontée des eaux post-glaciaire, la transgression flandrienne, ces avancées de la Mer du Nord ont profondément sculpté la plaine côtière, laissant une empreinte durable sur le paysage et l'occupation humaine.
Dunkerque I : Les fondations sous-marines de la plaine côtière (5500 à 2000 av. J.-C.)
La première transgression dunkerquoise est une phase longue et complexe de la montée des eaux qui a vu la Mer du Nord envahir progressivement les basses terres, créant notamment le Pas de Calais. Pour le littoral belge, cet événement a principalement jeté les bases de la future plaine côtière.
Durant cette période, la mer a déposé d'importantes couches de sable, pouvant atteindre 25 à 30 mètres d'épaisseur, sur ce qui était alors un paysage de basse altitude. Cependant, les sédiments de la transgression Dunkerque I n'affleurent aujourd'hui nulle part dans la plaine maritime belge, ce qui rend leur étude directe plus complexe. Leur présence en profondeur témoigne de cette première grande incursion marine.
Cette longue période ne fut pas une montée des eaux continue. Des phases de recul de la mer, appelées régressions, ont permis aux cours d'eau descendant de l'intérieur des terres d'apporter des vases argileuses et ont favorisé le développement de la végétation, conduisant à la formation de couches de tourbe.
Dunkerque II : L'archipel flamand et la naissance du paysage actuel (IIIe au VIIIe siècle apr. J.-C.)
D'une importance capitale pour la géographie actuelle de la côte belge, la transgression Dunkerque II fut une avancée marine beaucoup plus brutale et visible. Débutant vers le IIIe siècle, elle a vu la mer rompre le cordon dunaire qui s'était formé et envahir la plaine tourbeuse sur une profondeur pouvant atteindre 10 à 15 kilomètres.
Cette inondation a radicalement transformé le paysage, le découpant en un vaste système de chenaux de marée et créant une multitude d'îles à partir des dunes les plus élevées et de quelques buttes. La toponymie actuelle conserve de manière frappante la mémoire de cet archipel :
Middelkerke ("église du milieu")
Westende ("extrémité ouest" de l'île)
Oostende ("extrémité est" de l'île)
Ces noms témoignent de l'existence d'une île qui s'étendait alors entre les actuelles Westende et Ostende. De même, Dunkerque ("église des dunes") faisait partie de ce chapelet d'îles côtières.
Lors de cette transgression, la mer a recouvert non seulement les zones de la transgression précédente mais aussi une partie des terrains plus anciens datant du Pléistocène. Les zones de la plaine côtière belge où les dépôts de la transgression Dunkerque II sont encore visibles en surface sont connues sous le nom de "Oudland" (vieille terre).
Cet événement a eu des conséquences majeures :
Érosion et sédimentation : La mer a d'abord fortement érodé les couches de tourbe existantes avant de déposer des sédiments argileux et sableux qui ont progressivement comblé les chenaux.
Habitat humain : La région, qui connaissait une occupation humaine durant la période romaine, a été largement abandonnée face à l'avancée des eaux.
La "régression carolingienne"
À partir du VIIIe siècle, une nouvelle phase de retrait de la mer, la "régression carolingienne", a commencé. Ce recul progressif, combiné à l'ensablement naturel, a permis aux habitants de revenir et d'entreprendre les premiers grands travaux de poldérisation, marquant le début d'une longue lutte pour gagner des terres sur la mer, une caractéristique fondamentale de l'histoire du littoral belge.
La "régression carolingienne" aura lieu entre le VIIIe siècle et le XIe siècle, suivi d'une "transgression marine Dunkerque III" (conjointe à un épisode de réchauffement dit Optimum Climatique Médiéval), d'une ampleur moindre que les deux précédentes (mais qui donnera lieu à des phénomènes de forte intensité comme, par exemple, le percement du Zwin jusqu'aux abords de Bruges, suite à un raz-de-marée), pour aboutir, suite à divers ensablements et travaux de barrages, à la situation actuelle.
(Sources diverses)
VOIR AUSSI
Le Zwin au Moyen Age - Le raz-de-marée de l'an 1134