Grotte de Remouchamps
LE DERNIER SOTTAI DE LA GROTTE DE REMOUCHAMPS
Histoires de nutons
"Les légendes du Val d'Amblève"
Par Marcellin La Garde
(1818 - 1889)
Une des traditions les plus universellement répandues en Europe, est celle de l'existence d'une race de nains qui auraient habité jadis les cavités des rochers, se montrant en général ami de l'homme au point que celui-ci trouvait parfois, à son réveil, sa tâche journalière accomplie par leurs soins.
Il n'est pas de contrée montagneuse où cette croyance ne se retrouve : que l'on parcoure l'Ecosse, la Suisse, l'Allemagne, le Tyrol, l'Espagne, partout on entend parler, sous des noms divers, de cette population toujours dépeinte avec les mêmes caractères physiques et moraux, toujours vivant dans les mêmes conditions.
Un fait de cette nature devait attirer l'attention des hommes studieux et les engager à en rechercher l'origine : tous ceux qui se sont appliqués à cette recherche en sont revenus avec différents systèmes, mais ils ont été unanimes pour reconnaître qu'une légende qui se répète ainsi invariablement, en tant de lieux divers, doit reposer sur un fond de vérité.
Il y aurait donc eu réellement, dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, une espèce d'hommes à la taille exiguë, probablement de race finnoise, qui auraient précédé ou suivi les grandes invasions, et que leur difformité, jointe à leur faiblesse, auraient obligés de mener une vie à part et même d'habiter les cavernes. Après leur disparition, l'imagination populaire en aurait fait des êtres surnaturels, des génies, des lutins.
La croyance à ces nains se rencontre surtout, nette et vivace, sur les bords de l'Amblève, où on les appelle sottais, quelquefois nutons, et on leur donnait pour demeure principale la grotte de Remouchamps.
Tous les récits que j'ai entendus à leur sujet les représentent uniformément comme doués d'un esprit serviable, comme aidant les paysans dans les occupations domestiques et dans les travaux champêtres, agissant presque toujours avec mystère, ne demandant pour récompense que quelques vivres déposés à l'entrée de leur habitation. Mais autant ils étaient sensibles aux bons procédés, autant ils se montraient vindicatifs à l'égard de ceux qui les maltraitaient ou simplement se jouaient d'eux. Aussi ce qui se débite à leur sujet roule-t-il exclusivement sur leurs bienfaits ou sur leurs vengeances.
Un conteur fort original du village de Sougnez, Jacques Malherbe, en m'entretenant un soir des sottais, introduisit son père dans une scène où un personnage de ce genre jouait un rôle. Comme je me récriais, il ajouta avec un grand sang-froid que le dernier sottai avait disparu une dizaine d'années avant l'arrivée des Français, et que, si je voulais, il m'en donnerait la preuve; que, pour cela, je n'avais qu'à l'accompagner à Deignez, où se trouvait une femme, âgée de quatre-vingt-six ans, laquelle m'édifierait complètement à cet égard, en me racontant une histoire dont elle était l'héroïne et le sottai en question, le héros.
Je connaissais ce Jacques Malherbe pour un grand mystificateur; aussi je ne crus pas un mot de ce qu'il venait de me dire, et je n'acceptai sa proposition que parce que je trouvais amusant de le pousser jusque dans ses derniers retranchements. Le lendemain après-midi, nous nous dirigeâmes donc vers Deignez, où mon homme, après m'avoir introduit dans une maison d'honnête apparence, me mit en présence d'une vieille femme occupée, à filer et qui, après l'avoir salué du nom de Jacques le Houle (il était bancal), s'excusa de ne pouvoir se lever pour nous offrir des chaises et de n'avoir personne pour nous faire les honneurs de la maison, toute la famille se trouvant aux champs.
— Tant mieux qu'elle soit seule! me souffla Jacques Malherbe : elle parlera plus librement; nous sommes venus à une heure favorable.
Puis s'adressant à la vieille, dont la bonne figure, la propreté et le ton enjoué m'avaient tout d'abord intéressé :
— Garite, voilà un Monsieur du pays; vous l'avez bien sûr connu quand il était tout petit.
Et il cita mon nom que Garite accueillit par une joyeuse exclamation, disant qu'elle me voyait encore tel que j'étais dans mon enfance et déroulant une foule de souvenirs au milieu desquels Jacques l'interrompit.
— Je vous ai amené Monsieur, parce que j'ai eu avec lui une grande discussion à propos des sottais. Ne prétend-il pas qu'ils n'ont jamais existé ! J'ai soutenu que vous en aviez connu un, vous, et que vous le certifieriez devant lui.
— Providence du Ciel ! Je le crois bien que je l'ai connu, ce bon petit Glawenn. N'est-ce pas lui qui a sauvé des griffes du diable l'âme de mon fils Pierre ?
— Ouais ! fis-je à part moi. Qu'est-ce que ceci annonce ? Un sottai et le diable en présence !...
— Bien, Garite, continua Jacques, voilà justement ce que j'ai promis à Monsieur de vous faire raconter, certain que cela lui causera un grand plaisir et le fera revenir à des idées plus justes par rapport aux sottais.
— Je suis bien la servante de Monsieur, dit Garite en s'inclinant, surtout que mon petit-fils Dieudonné n'est pas ici : il a fait des études, lui, et il a osé prétendre un jour que j'avais rêvé toute cette histoire dans ma vieillesse; et son père ayant affirmé la chose pour l'avoir entendue de ma bouche quand je n'avais pas trente ans, il a osé répondre qu'alors c'était un rêve de jeunesse... Quelle incrédulité aujourd'hui pour la parole des anciens, n'est-ce pas, Houle ?
— C'est vrai. Donc, Garite, vous racontiez à Monsieur que le sottai Glawenn avait sauvé l'âme de votre fils Pierre ?
— Oui, et en sacrifiant sa propre vie, encore, le pauvre malheureux !
— Ah ! comme Monsieur vous écoute de toute ses oreilles !
— M'y voici, m'y voici ! s'empressa de dire la bonne vieille.
Elle nous fit alors le récit qui va suivre et qui me charma tant que je l'écrivis sur l'heure. Mais elle avait parlé en wallon et, on le sait,' traduttore, traditore.
« Vous n'avez pas connu mon homme, Jacques, mais votre père a été un de ses meilleurs camarades.. Si le vieux Malherbe vivait encore, il vous dirait que Thomas avait un excellent cœur, mais une mauvaise tête... et qu'il jurait quelquefois bien fort... C'était par sa tête que cela arrivait et non par son cœur, car il s'en repentait tout de suite. Nous possédions alors, près d'Adseux, un champ que lui-même avait défriché et où il avait semé du regon (seigle). Mais ça poussait si mal que c'était une désolation, tandis que les terrains voisins faisaient plaisir à voir. Thomas, contrarié, marmotta un jour en s'adressant au terrain : « Je voudrais que lu fusses au diable ! » II resta toute une semaine sans aller de ce côté. Enfin un samedi soir, il fut curieux de voir si les choses avaient pris une meilleure tournure et il sortit accompagné de Pierre, notre unique enfant qui avait alors quatre ans. Par malheur, le grain n'avait pas profité du temps qui s'était écoulé. Mon homme, furieux, s'écria : « Oui, je te donnes au diable avec tout ce que tu portes ! » Après, il s'est souvenu qu'aussitôt un murmure s'était fait entendre dans l'air, et que ce murmure ressemblait beaucoup au mot « merci ». Toujours est-il qu'il frissonna de tous ses membres quand il vit que Pierre était justement sur le terrain qui venait de lui arracher des paroles dont il commençait à comprendre la terrible portée.
Thomas me confiait tout ce qu'il faisait, tout ce qu'il pensait même, et pendant les cinquante-deux ans et demi que nous avons vécu ensemble, jamais il n'a eu rien de caché pour moi, le cher homme... Que le paradis lui soit ouvert! Aussi me rapporta-t-il exactement ce qui s'était passé, et j'en devins bien triste, comme vous le comprenez; de sorte que je pleurais souvent en regardant le petit Pierre, ce pauvre innocent que son père avait, sans le savoir, voué à l'enfer. Ce qu'il y avait de plus douloureux pour moi, c'est que je n'osais soulager mon cœur en me confiant à quelqu'un, de peur de nuire à la réputation de mon mari qui, du reste, à ce que j'appris plus tard, n'avait pas imité ma discrétion.
Un jour, il me vint une bonne idée, oh ! bien bonne, et j'en remercie encore Dieu à l'heure qu'il est. C'est ici que je vais, vous parler de Glawenn.
J'étais encore une fillette quand les sottais, qui avaient pour habitation la grotte de Remouchamps, disparurent du pays. C'était pendant une grande guerre que le roi de Prusse faisait à Marie-Thérèse, notre impératrice. Des soldats passèrent par ici, venant de Luxembourg. Ils entendirent parler des sottais et ils eurent la méchanceté de placer un grand nombre de bottes de paille et de fagots enflammés à l'entrée de leur demeure pour les enfumer comme des renards. Ils les firent périr, sauf quelques-uns qui parvinrent à s'échapper par les chantoirs d'Adseux, du Rouge-Thier, du Coq et de Grand-Champ, lesquels communiquent avec la grotte. La plupart des gens de l'endroit, qui devaient tant de reconnaissance à ces bonnes petites créatures, avaient assisté à cette scène, les uns, avec indifférence, les autres en riant; les sottais qui survécurent, indignés de cette conduite ingrate, disparurent en chantant une chanson d'adieu, pleine de tristesse et de malédictions.
Un seul resta, pour des raisons... Mais passons là-dessus.
— Allons, allons, la mère, interrompit Jacques Malherbe, si vous étiez encore jeune, je comprendrais ces façons. Avouez que Glawenn ne suivit pas ses frères parce qu'il vous aimait éperdument.
— Ma foi, garçon, puisque tu as lâché le mot, je ne te démentirai pas : il est vrai que Glawenn me témoignait une grande amitié depuis le jour où, m'ayant ramené un agnelet égaré loin de mon troupeau, il reçut de moi, tant j'étais contente, un innocent baiser... J'avais douze ans alors. A partir de ce temps, il ne cessa de m'aider dans ma besogne et de me faire cadeau d'une foule de jolies choses qu'il savait admirablement fabriquer; il ne me parlait jamais de ses sentiments, mais lorsque je lui appris que j'allais me marier, les larmes coulèrent de ses beaux petits yeux et, me prenant la main, il me dit : « Cela devait être ainsi. Donc, soyez heureuse, Garite... Glawenn fera pour votre mari et pour vos enfants ce qu'il a fait pour vous. »
J'en reviens à la triste situation où j'étais par rapport à notre Pierre. Devant rester muette avec mes semblables, je me décidai à tout confier à mon sottai. Il me conseilla d'attendre que le malin montrât, d'une manière quelconque, l'intention de profiter du don que mon mari lui avait fait si imprudemment.
Des mois s'écoulèrent, et mes craintes se calmèrent peu à peu, vu surtout que Pierre poussait comme une salade et devenait d'une telle malice qu'on lui aurait donné dix ans.
II m'occupait agréablement l'esprit et un jour que je m'entretenais de lui avec une voisine, elle me dit :
— Oui, votre fils se développe que c'est merveille... Absolument comme votre grain d'Adseux... Il n'y en a pas un pareil à vingt lieues à la ronde.
Il faut que je vous dise que Thomas n'avait plus été visiter sa pièce de seigle, que nous appelions le champ de malheur. Nous eûmes la curiosité cette fois d'y aller voir : jamais pareils épis, et si serrés, et si pleins, n'avaient poussé même en Hesbaye.
Enfin, le moment de la moisson arriva. Un matin, avant le lever du soleil, Thomas partit, sa faulx sur l'épaule, pour abattre ce seigle miraculeux. Il allait mettre la main à l'œuvre, lorsqu'il vit sortir d'un buisson voisin un individu laid, maigre, de grande taille et porteur d'un costume n'ayant rien de commun avec celui du pays. On n'aurait pu mieux le dépeindre qu'en disant qu'il ressemblait à un joueur de tours qui était venu peu avant à la foire de Louveigné.
— Halte ! dit à Thomas l'inconnu, en étendant la main vers la terre : tu n'as plus aucun droit sur cette récolte. Elle m'appartient, ainsi que ton fils Pierre. Thomas faillit tomber en défaillance. Evidemment, il avait affaire au diable. Mais mon homme était courageux et il se souvint qu'il avait à son chapeau une branche de buis bénit que j'y avais attachée, à la Pâques fleurie. Peu à peu, il se remit donc, et fit des objections, prétendant que les paroles qu'il avait prononcées étaient des paroles sans importance, que vouloir en tirer profit serait de la mauvaise foi et qu'il userait dans ce cas de certain moyen qu'il avait à sa disposition pour mettre son adversaire en fuite.
Le génie du mal prétendit, de son côté, qu'il avait pris au sérieux le don que Thomas lui avait fait, que c'était grâce à ses soins seuls que le seigle avait si abondamment germé et que Pierre avait acquis, en si peu de mois, tant de force et d'esprit; qu'il était conséquemment en droit de trouver à son tour qu'il y aurait mauvaise foi à le frustrer de ce qu'il avait dû considérer comme son bien.
La discussion fut longue. Thomas, qui poussait la conscience et la fidélité à sa parole au point d'en devenir parfois la dupe, finit par admettre l'arrangement que voici : lui et Belzébuth amèneraient chacun un animal du pays, et ils devraient réciproquement deviner à quelle espèce le dit animal appartenait. Ce n'était pas tout : ils devaient se proposer l'un à l'autre de faire une chose de l'ordre naturel, et celui qui échouerait là encore serait le perdant définitif.
Evidemment, en acceptant cela, Thomas avait agi en homme privé tout à coup de ses cinq sens. C'est ce que je lui dis à son retour à la maison, quand il m'eut déclaré qu'il s'était soumis à ces épreuves sans savoir le moins du monde comment il en sortirait. « Nigaud ! Triple nigaud ! » m'écriai-je en colère. Il avoua, en se frappant le front, que j'avais pleinement raison. Mais il me fit remarquer que la nuit porte conseil et qu'il avait jusqu'au lendemain soir. « D'ailleurs, ajouta-t-il, nous aurons encore peut-être un dernier moyen d'arranger l'affaire; je ne sais lequel, mais j'ai cru comprendre cela. »
J'allai immédiatement trouver Glawenn. Après m'avoir écoutée avec attention, il réfléchit longtemps et finit par me dire :
— Je tirerai Thomas d'affaire. Qu'il se trouve au rendez-vous une demi-heure avant le temps fixé. J'y serai aussi, mais recommandez-lui d'agir aveuglément comme je le lui ordonnerai.
Le lendemain, à la nuit tombante, Thomas se trouvait à son poste, et moi j'étais à peu de distance, cachée dans un bosquet; je n'avais pu résister au désir de connaître ce qui allait se passer, quoique je fusse plus morte que vive. Nous vîmes paraître une singulière créature; un animal haut de deux pieds environ, couvert d'un plumage de diverses couleurs.
C'était Glawenn, qui s'était frotté le corps de glu, avait disposé là-dessus des plumes de différents oiseaux et marchait à quatre pattes.
Notre ennemi arriva à son tour, traînant derrière lui un animal que certainement Thomas n'eût jamais reconnu tant il était bien déguisé.
— Voyons, demanda-t-il à mon mari, qui était assis sur un tertre, ayant le sottai auprès de lui; devines-tu ? Glawenn murmura quelques mots à voix basse :
— C'est un bouc, répondit Thomas.
Le diable fit une grimace qui prouvait que sa ruse était déjouée.
Son tour étant venu de se prononcer, il examina longtemps Glawenn de toutes les façons et finit par dire :
— Tu veux me tromper, paysan perfide, ce n'est pas là un animal du pays : c'est un singe que tu as emplumé.
— Non, répliqua Thomas avec fermeté, je vous jure sur mon salut que ce n'est pas un singe et qu'il est né dans nos environs; devinez-vous ou ne devinez-vous pas ?
Le maudit, après une nouvelle inspection, fit en grinçant des dents un signe de tête négatif.
Alors mon petit ami se leva brusquement.
— Je suis le sottai Glawenn ! s'écria-t-il tout joyeux; vous avez perdu la première manche ! Un cri de rage fut la réponse.
— Voyons, dit enfin Satan à Thomas, en jetant un mauvais regard sur Glawenn, passe à la seconde épreuve.
Tu vas...
— Non, interrompit mon homme, j'ai commencé tantôt : à vous, maintenant. Tenez, vous allez redresser ceci. Et il lui remit un des cheveux crépus du sottai, que ce dernier venait de lui passer.
Le Malin essaya vainement; plus il multipliait ses efforts, plus le cheveu se contournait, comme cela arrive toujours en pareil cas. Il dut renoncer à la tâche.
— Soit, murmura-t-il plein de colère, je suis joué. Mais j'ai le droit, à mon tour, de te faire faire une chose de l'ordre naturel. Or, je prétends... que tu jettes ton sottai dans ce torrent.
Et il lui montra le ruisseau d'Adseux, qui coulait à quelques pas, et dont les eaux, à ce moment, étaient très grosses par suite de plusieurs pluies d'orage tombées les jours précédents. — Ah ! mon Dieu, s'écria Thomas d'une voix défaillante, tout est perdu... Moi, sacrifier Glawenn! Jamais, jamais !
J'avais tout entendu de l'endroit où je nie trouvais cachée. Je poussai un gémissement que Glawenn entendit, sans doute, car il se tourna de mon côté et fit un geste comme pour me rassurer.
Puis il adressa quelques mots à mon mari, le conduisit sur le bord du torrent et s'y laissa choir tout à coup, en m'adressant d'une main un signe d'adieu, en posant l'autre sur son cœur, et en prononçant mon nom.
Et je vis le pauvre sottai aller se briser contre les rochers aigus du chantoir d'Adseux... Le torrent impétueux, qui se perdait là sous terre avec fracas, l'entraîna dans cette grotte de Remouchamps où il était né, où il avait vécu et où sa dépouille mortelle allait se reposer pour toujours...
Quelques instants après, Belzébuth avait disparu et j'étais dans les bras de Thomas, pleurant à la fois de joie et de douleur : de joie, car mon enfant était sauvé, de douleur, à la pensée du saint dévouement de Glawenn.
Et la vieille Garite, dont la voix s'était de plus en plus affaiblie, éclata en sanglots.
Jacques Malherbe était triomphant et me dit avec une certaine éloquence puisée dans la conviction qui l'animait :
— Qui oserait prétendre que ces sanglots ne sont pas arrachés par un souvenir réel et profond ?
Le soir même, je parlai à Urbain Germain de l'étrange récit que m'avait fait Garite, et de l'émotion si vraie qu'elle avait éprouvée en le terminant.
— Vous pouvez, observa-t-il gravement, ajouter à toute cette histoire la même foi que si vous la teniez de ma propre bouche.
Ce langage me surprit d'autant plus que le bon vieux chirurgien, si crédule qu'il fut, se montrait toujours plein de scepticisme et d'ironie pour tout ce qui n'appartenait pas à son répertoire de conteur.
Aussi se hâta-t-il de reprendre, en clignant de l'œil avec malice :
— Seulement, le Belzébuth de Garite... était un faux diable, et son Glawenn... n'était pas un véritable sottai. A cela près, la bonne femme a été parfaitement véridique.
Je le priai de s'expliquer, sans pouvoir obtenir de lui autre chose que cette réponse banale : « A bon entendeur, demi-mot. » II me fut impossible d'en apprendre jamais davantage.