Avril "Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579) |
TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE
Otto von Reinsberg-Düringsfeld
AVRIL
Le mois d'avril, appelé en flamand « grasmaend » mois de l'herbe ou du gazon, et « paeschmaend » mois de Pâques, était consacré, chez les Anglo-Saxons, à la déesse Ostara.
C'était en l'honneur d'Ostara, la brillante déesse de l'aurore et du printemps, que l'on célébrait la fête de « l'Iostur » ou «Eostur, » fête qui valut au mois d'avril le nom anglo-saxon « d'Eosturmonath, » et à la fête chrétienne de Pâques, la dénomination allemande « d'Ostern, » qui s'est maintenue en Allemagne jusqu'à nos jours.
Dans les documents flamands du moyen-âge, la désignation « d'aprel, aprille » l'a emporté sur les autres. On y trouve même « aberest » au lieu du nom latin.
Charlemagne conserva à ce mois le vieux nom « d'Ostarmanot. »
La dénomination de « Fatermanath s parait être empruntée aux peuples du Nord : les Suédois appellent le mois d'avril « värant, » de « vär, » printemps; les Danois le nomment « faaremaaned, » mois des brebis.
Le nom « d'eijermaend » mois des œufs, se rattache à la saison et se retrouve ailleurs appliqué au mois de mai.
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1er avril.
(Mercurialis annua.) Saint Hugues; saint Gilbert.
Le premier jour d'avril, que les Flamands appellent « verzendekens-dag, » est consacré en Belgique, comme dans le reste de l'Europe romane et teutonique, à des mystifications que l'on nomme poissons d'avril ou « aprilvisschen. »
On fait accroire à quelqu'un une fausse nouvelle, on l'engage à faire quelque démarche inutile, pour avoir lieu de se moquer de lui. Les enfants et les domestiques surtout sont exposés à ces plaisanteries. On leur donne des commissions impossibles, on les envoie n'importe où pour acheter de l'huile de cailloux, du sable filé, du baume de fer, etc. ; on leur attache furtivement sur le dos des écriteaux, des queues ou des figures de papier, ou bien on les rend ridicules en leur barbouillant le visage à leur insu de taches blanches ou noires.
Un proverbe flamand dit : « Op den eersten april zendt men de Zotten waer men wil, » le premier avril on envoie les sots où l'on veut.
Quelle est l'origine de cette coutume? Il existe à ce sujet une grande diversité d'opinions. Les uns pensent que cet usage bizarre remonte à un prince de Lorraine que Louis XIII faisait garder à vue dans le château de Nancy. Ce prince trouva moyen d'échapper à la vigilance de ses gardes, et se sauva, le premier jour d'avril, en traversant la Meurthe à la nage; ce qui fit dire aux Lorrains: « C'était un poisson qu'on avait donné à garder aux Français.»
Gilbert Cousin fait observer que de son temps on appelait eu France poisson d'avril celui qui faisait le métier infâme de débaucher les jeunes filles, parce que le poisson dont il porte le nom chez le bas peuple (le maquereau), est excellent à manger dans ce mois-là.
D'autres prétendent que le poisson d'avril est une commémoration des courses dérisoires que les Juifs firent faire à Jésus-Christ, de Pilate à Hérode, et d'Hérode à Pilate.
Fleury de Bellingen, dans l'explication qu'il donne de cette locution, a émis la même opinion en y ajoutant qu'au lieu de poisson on disait primitivement « passion, » parce que la passion du Sauveur a commencé vers cette époque.
D'autres enfin présument, que la fraie des poissons commençant vers les derniers jours du mois de mars, la pêche était autrefois interdite à cette époque, et que par suite tous ceux qu'on envoyait le premier avril au marché aux poissons devaient revenir sans avoir fait leur commission [1].
Dans le pays wallon on mettait autrefois, le premier jour d'avril, du sel aux quatre coins des herbages ou pâturages, afin de préserver les bestiaux des maléfices [2].
Le vendredi qui précède la semaine-sainte, on célèbre la fête de « la Compassion» ou de « Notre-dame des Douleurs » (festus dolorum seu compassionis B. Mariæ Virginis seu festus Nostræ Domine « de Pietate »).
Cette fête, établie en 1423 par le concile de Cologne, était destinée à honorer Marie dans les sept grandes douleurs qu'elle eut à supporter pendant sa vie et qu'on représente par sept glaives qui lui transpercent le cœur. Elle s'étendit bientôt sur le monde catholique tout entier, et accrut considérablement la dévotion à Notre-dame des Douleurs, qui déjà avant cette époque était honorée en divers lieux.
Il existe aujourd'hui, dans presque chaque ville de la Belgique, une église où l'on invoque la mère du Christ sous le nom de Notre-Dame des Douleurs. Plusieurs statues honorées à ce titre sont même célèbres dans le pays. On cite entre autres l'image qui se trouve à Bruxelles dans l'église des Riches-Claires, celle que l'on vénère à Malines dans l'église de Notre-Dame au-delà de la Dyle, celle enfin de Notre-Dame des sept Douleurs à Zele.
Marguerite d'Autriche fonda, en 1518, sous l'invocation de la Vierge des Sept-Douleurs, un couvent de sœurs rouges, non loin de Bruges, et à Saint-Sauveur, à Bruges, on établit pour honorer les douleurs de la Vierge, une messe quotidienne où des enfants de chœur seuls étaient chargés du chant.
La confraternité de Notre-Dame des Sept-Douleurs, que Léon X approuva solennellement le 28 avril 1519, fit des progrès rapides. Presque toutes les villes belges eurent bientôt des confréries sous ce titre.
A Bruges, l'archi-confrérie royale de Notre-Dame des Sept-Douleurs fut instituée à l'église de Saint-Sauveur par Philippe 1er, roi d'Espagne, en 1482.
A Bruxelles, la confrérie fut érigée, en 1498, dans l'église de Saint-Géry, et renouvelée en 1845, aux Riches-Claires.
A Gand, l'évêque Antoine Triest érigea ou plutôt renouvela, en 1625, la confrérie des Sept-Douleurs dans l'église des Annonciades.
A Malines l'archiduc Philippe, père de Charles V, érigea la confrérie appelée depuis « Royale » en souvenir du grand nombre de têtes couronnées qui figurent sur les registres de la célèbre association.
A Anvers, une confrérie de Notre-Dame des Douleurs fut érigée en 1629, dans l'église de Saint-Willebrord.
Il n'y a pas longtemps qu'une pieuse association de dames s'est formée à Liége sous le même titre.
Pie VII rendit l'office de Notre-dame des Sept-Douleurs commun à toute l'église, et en fixa la fête au troisième dimanche de septembre [3].
A Malines, la fête de la Compassion se célèbre très-solennellement dans l'église de Notre-Dame au-delà de la Dyle. Une procession circule dans l'intérieur de l'église et la statue miraculeuse de la Vierge reste exposée au milieu de l'église durant l'octave de la fête.
En flamand le vendredi avant le dimanche des rameaux s'appelle « Joodenraed-vrydag » (vendredi du conseil des Juifs), parce que l'évangile du jour rapporte que les prêtres et les docteurs résolurent dans un conseil de s'emparer de la personne du Christ et de le mettre à mort.
Au moyen-âge, les Juifs ne pouvaient se hasarder ce jour dans les rues sans s'exposer aux plus graves insultes; plusieurs massacres de Juifs se rapportent à cette date, comme en général à l'époque des Pâques [4].
Durant l'espace de temps compris entre le 1er avril et le 30 septembre, il était interdit autrefois aux poulaillers et à tous ceux qui vendaient en détail du beurre, du lard, des œufs, etc., de faire quelque achat aux marchés du pays de Waes avant huit heures du matin, sous peine de trois livres parisis d'amende et de confiscation des marchandises. Ce n'était qu'à Lokeren qu'ils avaient le droit d'acheter dès 7 heures.
Pendant le même intervalle les marchands de grains, les brasseurs, les boulangers, les marchands d'huile, les distillateurs, les meuniers ou leurs agents et serviteurs ne pouvaient pas faire d'achats aux marchés du pays de Waes avant 9 heures du matin, sous peine de 10 livres parisis et de confiscation des marchandises [5].
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2 avril.
(Viola alba.) Saint François de Paule; sainte Geneviève.
L'ordre des Minimes, dont saint François de Paule fut le fondateur, n'existe plus en Belgique; il y comptait jadis un grand nombre de couvents.
La bienheureuse Geneviève ou Genoveva de Brabant est l'héroïne d'une tradition fort populaire en Belgique aussi bien qu'en Allemagne. Les savants auteurs des Acta Sanctorum vont pourtant jusqu'à révoquer en doute la légende tout entière de l'infortunée princesse [6].
Le 2 avril est aussi l'anniversaire de la mort du vénérable Arnould de Louvain, que Marie elle-même daigna appeler à faire partie de sa maison chérie de Villers [7].
« Pendant la première semaine d'avril, on sème plus de mauvaise herbe que de bonne, » d'après la croyance populaire.
Le samedi, veille du dimanche des rameaux, il est d'usage dans la plupart des paroisses du pays de Limbourg, de renouveler les tertres des cimetières; le dimanche suivant, on y fiche des palmes bénites (palmtakken ou palmbossen) [8].
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3 avril.
(Anchusa sempervivus.) Saint Agape; saint Richard,
évêque de Chicester; saint Vulpien.
évêque de Chicester; saint Vulpien.
Le dernier dimanche du carême, celui qui précède Pâques, s'appelle « dimanche des Rameaux, » « jour des Rameaux, » « dimanche des Palmes,» en flamand « Palmzondag. » On le nomme ainsi parce que les fidèles y portent des « palmes » ou des « rameaux » bénits en commémoration de l'entrée triomphale de Jésus-Christ à Jérusalem. Comme on bénit les rameaux ce jour, et que beaucoup de gens joignent aux branches de buis, de saule, etc., des fleurs et des baies selon ce que la saison peut fournir, on a donné aussi à ce dimanche les noms de « Pâques fleuries » et de « dimanche des Baies. »
A Ath et dans les environs de cette ville, on a coutume de le désigner du nom de « petite Pâque, » parce qu'il commence la semaine sainte, appelée en flamand « goede week » bonne semaine, « hooge week » haute semaine, et « pynweek » semaine de la Passion.
A Huy la dénomination en usage est celle de « dimanche du grand Carême » Ce jour y donnait autrefois lieu à de pieuses fondations.
Les onze hommes devaient acheter chaque année une tonne de harengs et la partager entre les paroisses de la ville. Chaque paroisse distribuait sa part à ses pauvres respectifs, le dimanche du « grand Carême. » Cette distribution fut fondée en 1483 par Jehan Baillet.
Le même jour on faisait, en vertu d'une fondation de Maroie de Fauchon, en date de l'an 1463, une répartition de pains qui devait être annoncée la veille par toute la ville [9].
Le nom « d'Ezelfeest » que les Flamands ont également donné au dimanche des Rameaux, se rapporte à l'évangile du jour. » Il y a trente ans, dit M. Coremans, les gamins de Bruxelles se tourmentaient en se disant: Vous êtes de Schaerbeek (commune renommée pour ses ânes), votre fête tombe huit jours avant Pâques. On costumait ce jour les ânes de différentes manières et on organisait des « courses d'ânes [10]. »
Dans la plupart des villes belges on représentait autrefois dans la procession de ce jour l'entrée de Jésus-Christ à Jérusalem.
Les chanoines, prêtres et diacres des églises décoraient pontificalement un âne qu'ils conduisaient en procession par les rues et que les sous-diacres et enfants de chœur allaient recevoir à la porte de l'église on chantant des cantiques sur les vertus de l'âne.
A Anvers, la procession dite « Palm Processie » sortait à huit heures du matin après la distribution des palmes.
Le magistrat accompagnait cette procession qui partait de la cathédrale et passait par l'église du Burgt. L'âne ou l'ânesse en bois n'était conduit que par des gens qui avaient fait le voyage de Jérusalem ainsi l'ordonnait expressément un décret de 1487. Mais en 1566, les iconoclastes ayant détruit cette figure, la cérémonie n'eut plus lieu les années suivantes. Ce n'est qu'en 1570 que la procession fut rétablie; elle fut escortée depuis par les chevaliers de Jérusalem, qui conduisaient le seigneur monté sur son âne et entouré des douze apôtres.
Dans la suite, l'âne ne figura plus dans le cortége, mais les chevaliers de Jérusalem ainsi que tous les pèlerins qui avaient visité la terre sainte ou le tombeau des apôtres, continuèrent à suivre la procession; la cérémonie terminée, ils prenaient part à un repas substantiel composé de mets froids [11].
A Bruges les PP. Capucins se rendaient à l'église de Saint-Sauveur pour y prendre la croix miraculeuse dite « la croix rouge, » et pour la reconduire processionnellement à leur couvent. Dans la procession qui sortait annuellement à cette occasion, on représentait la vie et la passion du Sauveur, les sept douleurs de la Mère du Christ, et les trois punitions divines. On y voyait Adam et Eve, le roi David, des anges, des Romains, des soldats couverts d'une armure complète et un grand nombre de pénitents portant des croix, des torches, des têtes de mort, ou traînant de grosses chaînes auxquelles étaient suspendus des boulets du poids de seize livres. Les vingt-deux tableaux ou « mysterien » étaient portés chacun par huit hommes et accompagnés de deux porte-flambeau, de quatre porte-croix, de deux gardes à cheval et d'un pénitent armé de pied en cap. A la suite venait le roi Philippe I d'Espagne, qui avait institué l'archi-confrérie de Notre-Dame des Douleurs dans l'église de Saint-Sauveur. Le roi, avec la reine et sa suite, était précédé d'un ambassadeur qui racontait l'origine de la confrérie, et suivi des PP. Capucins avec l'image miraculeuse de Notre-Dame. Le clergé, escortant le saint Sacrement entouré de porte-flambeau, fermait le cortége qu'accompagnaient tous les ordres religieux de la ville [12].
Cette procession doit son origine au Père Melchior de Menin, de l'ordre des Capucins. En 1665, comme la peste sévissait depuis plusieurs mois à Bruges, ce religieux s'avisa le jour des Rameaux, de parcourir les rues de la ville, monté sur un âne et tenant en main la croix rouge. Il se rendit ainsi à l'église de Saint-Sauveur pour y implorer la cessation du fléau par l'intercession de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Son vœu fut exaucé en 1666, et en reconnaissance de ce bienfait, Melchior offrit la croix rouge en ex-voto à l'image miraculeuse de la Vierge. Mais les Capucins ne voulurent pas se priver pour toujours de leur trésor. Ils résolurent de porter annuellement, le jour de la fête de Notre-Dame des Douleurs, la croix rouge à l'église de Saint-Sauveur, où elle resterait exposée à la vénération publique jusqu'au dimanche des Rameaux. Cet usage subsiste encore de nos jours, mais le cortége qui illustrait autrefois la procession du jour des Rameaux, a été aboli par un décret du 23 mars 1778 [13].
A la procession qui sortait le même jour de l'église Saint-Pierre à Louvain, on traînait une grande figure de bois représentant Jésus entrant à Jérusalem sur un âne [14]. Le peuple qui croyait qu'il y avait des indulgences à gagner en s'attelant à cette machine, s'empressait d'en saisir les cordes par une extrémité; ce qui occasionnait souvent des querelles suivies de voies de fait. Il n'y avait point d'année qu'il n'y eût quelque accident à déplorer [15].
A Tirlemont la procession du dimanche des Rameaux commençait par les douze apôtres vêtus en scaramouches, la tête affublée d'une énorme perruque noire, le visage barbouillé de suie et le menton couvert d'une barbe de bouc. Le traître Judas seul portait une perruque rousse. Puis venait une statue du Christ, montée sur un âne et tenant en main une branche de palmier chargée de figues, de raisins et d'oublies que les enfants s'efforçaient d'arracher pendant le trajet. Le clergé précédait le saint Sacrement, et se rendait dans un jardin qu'on supposait être celui des Oliviers. Là on chantait des hymnes gothiques, et on représentait dramatiquement quelques traits des événements qui précédèrent la passion du Sauveur.
Pendant la procession dite des Rameaux qui se fait de nos jours, on s'arrête à la porte extérieure de l'église. Une partie des chantres entrent dans l'édifice, en ferment la porte et entonnent le célèbre cantique « Gloria, laus et honor tibi sit, etc. » (Gloire, honneur et louanges vous soient rendus, ô Christ Rédempteur), composé par l'évêque Théodulfe d'Orléans, un des savants de la cour de Charlemagne [16]. Le prêtre et les assistants qui sont dehors, répètent à tous les deux premiers versets. Puis le sous-diacre frappe avec le bois de la croix à la porte de l'église, celle-ci s'ouvre et la procession rentre.
En quelques endroits, il est d'usage que les enfants de chœur déposent leur surplis, et se couchent à terre en chantant : « Hic est qui venturus est » (Voilà celui qui doit venir), pour rappeler la circonstance que les Juifs étendirent leurs vêtements sur la route par laquelle devait passer le Sauveur [17].
Avant de commencer le service divin le prêtre bénit les rameaux qui sont déposés aux pieds de l'autel. C'est pourquoi à Lierre on voit, dès le point du jour, les campagnards et les jardiniers, leurs femmes et leurs enfants, cheminer vers l'église, portant sous le bras de grosses touffes de buis ou « palmtakken, » dans le but de les faire participer à la bénédiction des rameaux. Après la messe on donne ou on vend aux habitants de la ville quelques branches de ce buis bénit et on remporte le reste à la ferme ou à la métairie [18].
A Bruges les enfants de chœur vont, après la messe, de porte en porte pour offrir des rameaux bénits moyennant quelque argent.
A Bruxelles, ce sont les mendiants et les enfants pauvres qui, au sortir de la messe, stationnent aux portes des églises et vendent à ceux qui en sortent le buis bénit.
A Huy, les enfants pauvres vont porter les palmes bénites dans les maisons pour y recevoir quelque aumône.
A Ath, les petites filles des classes inférieures vont de famille en famille offrir les rameaux bénits.
En d'autres villes ce sont les sacristains qui vendent les palmes.
A la campagne une personne au moins de chaque famille apporte du buis à l'église pour le faire bénir; car on y attribue de grandes vertus aux palmes bénites et on en fait beaucoup d'usage. En Flandre les hommes en mettent secrètement une feuille sous le ruban de leur chapeau; quelquefois même ils le font ostensiblement et attachent un petit rameau à ce ruban.
Partout, même dans les villes, on en met de petites branches sous le toit et dans toutes les places de la maison, y compris les étables et les granges, pour les garantir de la foudre. Du temps où les vitres des fenêtres de presque toutes les habitations étaient encore assujetties dans des châssis de fer ou de plomb, on aimait à y entrelacer également quelques petites branches de buis bénit. En outre, on place un petit rameau bénit dans le vase destiné à contenir l'eau bénite et on s'en sert en guise d'aspersoir. Quand un orage approche, un habitant du logis va parcourir les divers appartements pour les asperger d'eau bénite avec cette branche de buis. On s'en sert de même quand une personne est décédée. On place alors le vase contenant l'eau bénite près de la bière, et celui qui vient réciter un « paternoster » pour le repos de l'âme du défunt, ne manque pas de jeter sur le cadavre quelques gouttes d'eau bénite [19].
Dans les campagnes du Limbourg, au-dessus de chaque lit est suspendu un petit bénitier de pierre; les enfants y mettent de petites palmes bénites « palmtakjen » et en offrent à chaque personne qui entre dans la chambre, afin qu'elle s'en serve pour s'asperger d'eau bénite [20].
Les campagnards fichent aussi des rameaux bénits aux quatre coins de chaque pièce de terre ensemencée de blé dans le double but de la préserver de la grêle et d'empêcher les sorciers de jeter quelque maléfice sur les fruits. Ils ont la ferme persuasion que les terres produisent alors davantage [21]. Ils mettent également du buis bénit sur leurs fourrages pour les préserver des vers qui les gâtent, et ils en trempent cinq feuilles, le jour des Rameaux, dans le breuvage des vaches afin de les purger [22].
Dans le pays wallon, on croit que les rameaux bénits sont un préservatif contre les taches de rousseur appelées en wallon « brens de Judas » [23].
L'usage de jeter quelques branches de buis bénit dans le feu, quand le tonnerre gronde fortement et qu'il est de longue durée, s'est conservé dans les villes aussi bien que dans les campagnes; pour empêcher que l'on ne marche sur les cendres du buis bénit, on a coutume, à Dinant, de les jeter dans un trou creusé à cette fin dans la terre du jardin ou de la cour.
L'ancienne habitude qui était assez généralement répandue en Belgique, de ne pas manger de viande le jour des Rameaux, n'existe plus, mais on en trouve encore des vestiges dans plusieurs villes. A Eecloo, par exemple, la mère ou la grand'mère fait ce jour-là des gaufres pour toute la famille.
Un usage assez curieux était pratiqué jadis à Bouvignes, près de Dinant :
« Chaque année, au dimanche des Rameaux, tous les prêtres de Bouvignes, cierges allumés, excommunieront ceux qui par paroles ou de fait, auront voulu enfreindre la loi ou violer la liberté de la ville. » Ce fut la comtesse Yolende et son mari Pierre de Courtenay qui établirent cette clause lorsque, le 15 août 1213, ils renouvelèrent les franchises de Bouvignes et jurèrent de les maintenir; ils ordonnèrent que tous leurs successeurs prêteraient le même serment [24].
Si le jour des Rameaux ou « Palmdag » est beau et clair, dit un proverbe flamand, l'année sera bonne et fertile [25].
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4 avril.
(Fritillaria imperialis.) Saint Isidore de Séville; saint Hildebert.
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5 avril.
(Fritillaria imperialis.) Saint Ambroise;
sainte Julienne; saint Vincent-Ferrier.
sainte Julienne; saint Vincent-Ferrier.
A Ben-Ahin, dans le doyenné de Huy, on chôme le 5 avril la fête de sainte Julienne, vierge célèbre par le zèle qu'elle déploya pour l'institution de la Fête-Dieu. Née à Rétinne et abbesse du couvent de Mont-Cornillon, près de Liége, elle mérita par sa piété, son humilité, son amour du recueillement et de la pénitence que le Seigneur daignât lui révéler que l'Église devait instituer une fête particulière et solennelle en l'honneur du Sacrement de l'Eucharistie. Elle communiqua la révélation à des hommes savants et pieux, et voyant qu'après mûr examen ils y ajoutaient foi, elle-même les exhorta vivement à solliciter de l'évêque de Liége l'établissement de la Fête-Dieu. Le prélat y consentit et l'institua dans son diocèse.
Les dernières années de sainte Julienne furent marquées par des humiliations et des souffrances. Chassée de son monastère par des factions, elle erra de retraite en retraite jusqu'au jour de sa mort. Arrivée à Fosses, dans l'Entre-Sambre-et-Meuse, elle y tomba malade, et comprenant que sa fin était proche, elle se fit transporter dans l'église collégiale et y reçut avec une ferveur admirable le saint viatique.
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6 avril.
(Hyacinthus racemosus.) Saint Célestin I, p.; saint Sixte I; sainte Célestine.
Le mercredi de la semaine sainte s'appelle « krommen woensdag » mercredi tordu, ou « schorsselen-woensdag, schortelenwoensdag, schorteklokswoensdag » mercredi qui suspend les cloches, c'est-à-dire la sonnerie des cloches (du mot flamand « schorsen, schorten, » suspendre). Ce dernier nom lui vient de ce que les cloches cessent de sonner le mercredi saint « pour aller à Rome, » à ce que l'on dit (als de klokken naer Roome gaen).
La première dénomination s'explique par la circonstance que, d'après l'Évangile, les juges de Jésus prononcèrent ce jour-là leur inique sentence en torturant le bon droit. « Het regt krommen, » recourber, tordre le droit, se dit encore aujourd'hui dans la signification de falsifier le droit [28].
La croyance populaire s'oppose à ce qu'on file, depuis ce joui jusqu'au jour de Pâques, de peur qu'on ne file des cordes pour lier le Seigneur [29].
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7 avril.
(Anemone nemorosa.) Saint Aibert; saint Clotaire:
bienheureux Herman Joseph.
bienheureux Herman Joseph.
Saint Albert, reclus de l'ordre de saint Benoît au diocèse de Tournai, mourut en 1140, après plus de cinquante années passées dans la pénitence et la solitude. La Vierge, dit son biographe, daigna le nourrir de ses propres mains [30].
Le jeudi saint [31], appelé en Allemagne le jeudi vert « gründonnerstag, » est nommé en flamand « witte, hooge, groote donderdag » (jeudi blanc, jeudi haut, jeudi grand).
Pour expliquer les dénominations vulgaires de « blanc » et de « vert, » on a eu recours à la fois au paganisme et au christianisme. On attribue généralement le nom de jeudi blanc, soit à la circonstance qu'en ce jour on distribuait autrefois des pains blancs au peuple, soit à la coutume qui fait tendre les églises de draps mortuaires, pour les cérémonies du vendredi saint.
Cependant le grand nombre de pratiques et d'idées superstitieuses se rattachant au jeudi saint, ont inspiré à quelques savants la présomption, assez fondée du reste, que le jour de Thor avant l'Eostur était une fête spéciale pour les anciens Germains, et que ceux-ci, convertis au christianisme, tout en célébrant la fête chrétienne du jeudi saint, lui ont conservé les dénominations de leur ancienne fête païenne.
A Anvers on appelle le jeudi saint « soppendonderdag, » à Termonde « dopperkensdag, » parce que dans ces villes il est encore d'usage de prendre en famille de l'hydromel ou « mêe, » et d'y tremper (» soppen » ou « doppen ») une espèce de pistolets (» wekken ») ou des gâteaux.
A Termonde, où dans tous les ménages on mange ce jour de petits pains chauds (heet brood), de même que le jeudi qui précède la Mi-Carême, les orphelins de l'établissement de bienfaisance recevaient une collation consistant en hydromel et en gâteaux.
Le même régal se faisait dans les cinq maisons de bienfaisance à Anvers, et la maîtresse de l'hospice dit « Infirmerye, » aujourd'hui hospice de Saint-Blaise (Blasiusgodshuis), y recevait également chaque année deux florins pour acheter « mêe en weggen » [32].
Dans l'abbaye de Grand-Bigard, près de Bruxelles, on cuisait ce jour-là vingt-quatre setiers de froment que l'on mêlait à douze setiers de froment blanc pour les distribuer aux pauvres [33].
Dans celle de Postel, près de Turnhout, on distribuait le jeudi saint autant de pains dits « prove, » que le jeudi gras [34].
Dans la plupart des hospices consacrés à saint Julien, il existait des fondations, en vertu desquelles un nombre plus ou moins grand de pauvres ou de pèlerins étaient gratifiés le jeudi saint d'un bon repas.'
A Anvers, dans l'hospice appelé « Sint Julianus gasthuys » douze pauvres qui ont visité Rome ou la terre sainte, sont encore aujourd'hui admis à un grand buffet garni des plats les plus friands, des vins les plus fins, de sucreries et de confitures de toute espèce [35].
A Malines, on offrait autrefois à douze pauvres, en vertu d'une fondation de Simon Van den Steen dit Schoonjans, datée de l'an 1444, un bon dîner avec du vin. Ce repas se faisait dans la maison du charitable fondateur, située sur le « Borgersteyn boven den pas; » la collation terminée, on leur baisait la main droite [36].
La coutume de distribuer des pains et de l'argent aux deux pauvres qui ont été choisis pour la cérémonie du « Mandat » ou du lavement des pieds, s'est conservé dans toutes les églises où le Mandat existe. A Malines le cardinal-archevêque leur fait distribuer à chacun un pain et une pièce de cinq francs.
A Courtrai, dans la chapelle Sainte-Anne de l'église de Saint-Martin, après le lavement des pieds, le curé faisait un sermon auquel assistait tout le clergé, le magistrat et les notables de la ville. Après le sermon, on distribuait du sucre, un verre de vin de France et un verre de vin d'Espagne aux auditeurs. Le curé avait pour sa part deux pots de vin d'Espagne ou d'un autre vin de liqueur; le sacristain et les autres assistants recevaient chacun une pinte de vin.
La coutume pratiquée jadis, de représenter sur des tréteaux en plein air le jardin des Oliviers avec tous ses accessoires, fut également abolie, à cause des désordres qui accompagnaient trop souvent ce spectacle religieux [38].
Mais à Namur on a encore l'habitude d'imiter en quelque sorte la Cène. On rassemble tous les membres de la famille et tous les gens de la maison à une même table, et l'on prend en commun du café, du thé ou du chocolat avec des lunettes. » On nomme cela « faire la Cène. »
Les magnifiques processions qui représentaient en majeure partie la Passion du Seigneur, ne se font plus.
A Anvers, les Capucins établirent en 1486 une procession de flagellants, qui fut reproduite l'année suivante. Elle commençait et finissait dans l'église des Jésuites, et tenait l'ordre suivant:
D'abord un Jésuite couvert d'un sac et portant une grande croix de bois, puis des chantres également couverts d'un sac et portant une grande croix de bois, ensuite les flagellants au nombre de soixante-cinq, accoutrés d'une manière uniforme et se frappant le dos. Au milieu d'eux marchait un homme traînant une croix attachée à son cou par une corde. Une foule innombrable de dévots fermait la marche [39].
A Bruxelles, on vit en 1549, le soir du jeudi saint, une procession composée d'Espagnols et d'Italiens au nombre de cent-cinquante, qui se flagellaient avec des cordes au bout desquelles étaient fixées des étoiles d'argent [40].
En d'autres villes, particulièrement à Maestricht, des processions semblables eurent lieu jusqu'au milieu du dix-septième siècle. A Ostende, les Pères Capucins organisaient une procession qui représentait la Passion de Jésus-Christ. Chaque « station » portée par douze hommes, nu-pieds et couverts d'un vêtement de toile grise à long capuchon, représentait en figures de grandeur naturelle une scène de la passion, par exemple la Cène, le jardin des Oliviers, le Christ devant Anne, Cayphe ou Pilate, etc.
Une foule de gens revêtus d'habits de toile suivaient ces représentations; quelques-uns portaient une croix de bois, d'autres tenaient à la main des torches allumées, d'autres enfin traînaient une bombe attachée par des chaînes de fer. La garde du corps de Pilate, à cheval et couverte de vieilles armures, était suivie par Jésus-Christ portant sa croix et terminait ce cortége qui se composait habituellement de plus de 300 personnes. C'est le 7 mars 1675 que cette procession sortit pour la première fois [41].
A Gand, avait lieu la grande procession d'Akkerghem, appelée « den grooten ommegank van Eckerghem. »
A côté de l'église de Saint-Martin, presqu'en face de la congrégation des Maroles, se trouvait une croix plantée sur une éminence, que l'on appelait le mont Calvaire. A partir de cet endroit, il y avait le long du rempart jusqu'à la porte de Bruges et dans quelques rues avoisinantes plusieurs stations, devant lesquelles on faisait l'espèce de pèlerinage dit « den grooten ommegank. »
En 1797, on enleva la croix et les stations, mais en 1806 l'ommegank fut rétabli dans l'intérieur de l'église, où sont exposés les tableaux représentant la Passion du Seigneur.
A la communion de Pâques il était d'usage, dans la même église d'Akkerghem, d'offrir aux communiants un verre de vin « om zich daermede te reficierene, » pour se restaurer [42].
Les hommes armés de casques et de cuirasses, et portant une lance à la main, qui se tenaient le jeudi saint, dans les églises, immobiles pendant quelques heures à côté du saint Sépulcre, en signe de pénitence, et qui existaient jusqu'au commencement du 18e siècle, ne se voient plus [43]. Mais en revanche les habitants des Flandres et de la Campine font souvent, ce jour-là leurs prières, les bras étendus en forme de croix; à Anvers, nombre de campagnards parcourent le jeudi et le vendredi saints les rues appelées vulgairement les quatorze stations de Jérusalem, la tête nue et en marmottant des prières.
Car la coutume de faire les stations (« kerken bezoeken s) ou de visiter les reposoirs et le saint Sépulcre dans les différentes églises est encore fort en vogue en Belgique, et le pape Pie VII a accordé, le 7 mars 181, une indulgence plénière à toutes les personnes qui l'observeraient.
Autrefois les gouverneurs et gouvernantes des Pays-Bas allaient visiter, le jeudi saint, les principales églises de la capitale, accompagnés de toute la cour et de la noblesse, des archers et des hallebardiers de la garde. Jusqu'au,commencement de ce siècle on avait l'habitude d'aller ce jour-là visiter les églises en habit noir [44].
Dans quelques villes on tient à accomplir en entier le cercle du pèlerinage urbain, à ne pas manquer de visiter une paroisse, une succursale, une chapelle, une confrérie.
A Namur on va voir sept églises, en souvenir des sept ermitages situés autour de la ville, lesquels n'existent plus.
Une cérémonie des plus bizarres à laquelle donnait lieu le Jeudi-saint, se pratiquait jadis à Termonde : c'était la course de l'homme sauvage, ou « wildemans loop. »
Quiconque voulait entrer dans le métier des brasseurs ou « pynders, » sans appartenir à une des familles de cette corporation, devait s'engager à parcourir toute la ville en homme sauvage. Cette course se faisait chaque fois au jeudi saint.
Le jour venu, une foule immense de curieux affluait de toutes parts pour assister à ce spectacle, qu'annonçaient les cloches de la collégiale et le carillon de l'hôtel de ville.
Précédés d'un charivari musical s'avançaient quelques hommes, portant sur le dos une planche de bois. L'homme sauvage, tout nu, enduit de poix et couvert de plumes, les suivait, armé d'une lourde massue, avec laquelle il frappait continuellement à droite et à gauche sur le dos des hommes qui le précédaient. Arrivé à l'habitation d'un des notables de la ville, il s'arrêtait, et après avoir plongé ses mains dans un pot de goudron qu'on portait à côté de lui, il en laissait l'empreinte sur la porte ou sur la muraille; les habitants avaient grand soin de conserver ces souvenirs de l'homme sauvage.
La course terminée, le doyen le proclamait brasseur en lui offrant avec ses félicitations une pinte de la meilleure bière de Termonde.
Cet usage, qui s'observait à Termonde de temps immémorial, ne fut supprimé que vers le milieu du siècle passé; mais le « wildemansdag, » jour de l'homme sauvage, est resté pour les bourgeois et surtout pour les brasseurs de Termonde un jour de fête qu'ils chôment encore à présent à la mode flamande en vidant maints pots de bière [45].
D'après la croyance populaire, les poules sorties d'œufs pondus le jeudi saint changent chaque année la couleur de leur plumage. Les œufs pondus le jeudi saint sont conservés. Bénits le saint jour de Pâques, ils garantissent contre la foudre, et jetés dans le feu ils éteignent l'incendie.
Il faut manger sept sortes de légumes verts mêlés ensemble ou s'attendre à ne pas échapper à la fièvre. On dit aussi que la coutume. de manger des mets verts le jeudi saint, protège contre le feu céleste [46].
A Anderlecht, les maîtres d'église recueillaient deux fois par an, le jeudi saint et le jour de saint Martin, l'argent qui se trouvait dans le tronc de saint Guidon. Par suite d'un usage dont on ignore l'origine et la signification, pendant tout ce temps une femme se tenait seule devant la statue du saint. Elle vendait, paraît-il, de petites bannières et d'autres objets de dévotion [47].
Dans la nuit du jeudi au vendredi saint, une grande foule de pèlerins se rend annuellement à la chapelle de Notre-Dame de Chèvremont, située à une lieue et demie de Liége.
Cette chapelle, ombragée d'une double rangée de tilleuls séculaires, couronne le sommet d'une montagne très-escarpée, presqu'à pic, qui tire son nom, Mont-des-Chèvres, Capræmons, Kevermunt [48] Chèvremont, de la difficulté de son accès.
Elle occupe, dit-on, l'emplacement de l'ancienne église de Notre-Dame, laquelle partagea le sort du vieux château détruit par Notger; la petite statue noire de la Vierge que l'on y vénère, est, si l'on en croit la tradition, celle qui fut retirée de l'ancienne église par le prélat liégeois. Car ce fut le fameux Notger qui délivra la ville de sa création du dangereux voisinage du château et de ses habitants dont les déprédations toujours croissantes compromettaient la sécurité et jusqu'à l'existence de la cité naissante.
On ignore quelle époque il faut assigner à la fondation du vieux château de Chèvremont. Vers 680, il était considéré comme une habitation royale dont les rois francs avaient fait une forteresse et dont sainte Begge, à ce que d'autres prétendent, avait fait un palais. Plus tard il devint un repaire de brigands, un véritable fléau pour tout le pays, surtout depuis que, vers 970, le comte Immont, Guidon ou Idriel, en fut devenu possesseur. A l'abri de toute attaque, tant par la position même du château que par les fortifications qu'il y fit ajouter et qui le rendirent presqu'imprenable, le comte Immont faisait de fréquentes sorties, pillait les voyageurs, ravageait les environs et rentrait dans son aire chargé de butin.
Depuis longtemps les Liégeois avaient tenté en vain de s'opposer à ses violences. Le seigneur de Chèvremont ne faisait que rire des efforts impuissants dirigés contre lui et n'en continuait pas moins sa vie de rapine.
Enfin il se présenta une occasion favorable pour obtenir par la ruse ce qui était impossible à la force. Désirant débarrasser à tout prix le pays de son redoutable oppresseur, Notger saisit cette occasion sans s'arrêter à l'illégalité du moyen. En 979 ou 980, le comte Immont eut de sa femme Isabelle un fils qu'il voulut faire baptiser par l'évêque de Liége en personne. Notger promit de venir, et sous prétexte de donner à la cérémonie la plus grande pompe possible, il se rendit, le 20 août, au château, accompagné d'une suite de plus de deux cents personnes vêtues de longues chapes comme clercs en voyage. Mais à peine l'évêque eut-il passé le pont-levis avec tout son monde, qu'à un signal donné, ces prétendus prêtres, qui n'étaient que des soldats travestis et portaient des armes sous leurs aubes, quittèrent chapes et surplis et commencèrent un massacre général qui ne cessa qu'avec la dernière victime. Dans son désespoir, le châtelain s'élança du haut d'une tour dans la Vesdre, qui coule au pied de la montagne; Isabelle non moins résolue, se précipita, son fils dans les bras, dans le puits du château.
Après avoir fait retirer des édifices sacrés de Chèvremont tout ce qu'ils contenaient de précieux, Notger livra le château au pillage et à l'incendie. Puis, il revint triomphant à Liége, où il mourut le 10 avril 1007, et où son nom est encore de nos jours fort populaire.
La chapelle qui a remplacé l'ancien château, fut rebâtie en l'année 1697 et réparée en 1717. Bien qu'elle soit d'une grande simplicité, elle n'en jouit pas moins d'une immense célébrité et les innombrables ex-voto, qui recouvrent littéralement ses murs, prouvent assez combien de guérisons on attribue à la statue miraculeuse de Notre-Dame de Chèvremont.
En suivant le chemin escarpé qui est pratiqué le long d'un des côtés du rocher, on rencontre sept petits oratoires en pierre qui servent de stations aux pèlerins, qui gravissent la montagne [49].
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8 avril.
(Glechoma hederacea.) Saint Albert;
saint Denys; saint Perpète; sainte Perpétue.
saint Denys; saint Perpète; sainte Perpétue.
Le vendredi saint se nomme en flamand « Goeden Vrydag » bon vendredi, ou « Witten Vrydag, » vendredi blanc. Ce jour est « saint » par excellence, parce que c'est alors que le Sauveur s'est offert en holocauste; il est « bon, » puisque des grâces infinies ont été obtenues sur la croix. La dénomination de « Witten Vrydag » vient des draps mortuaires dont les églises étaient tendues ce jour-là.
Toutes les cérémonies de l'Église, symboliques jusque dans les moindres détails, nous rappellent la mort du Christ et expriment le deuil dans lequel l'Église est plongée. Même la messe proprement dite, y est remplacée par la messe vulgairement appelée « messe en désordre, » ou dans le langage de l'Église « messe des Pré-sanctifiés,» c'est-à-dire messe où l'on consomme les dons consacrés la veille [50].
Le « tombeau » ou le « Saint Sépulcre » qu'on arrange dans les églises, a donné naissance à l'usage qu'ont les enfants, à Dinant et en d'autres endroits, d'ériger dans les rues une espèce d'autel, et de demander aux passants quelque monnaie pour leur monument.
Les processions de la Passion, qui signalaient autrefois cette journée, ne sortent plus aujourd'hui.
Celle qui avait lieu à Anvers, fut abolie par les Français. Elle était suivie d'une multitude de gens du peuple, traînant de grosses chaînes et des boulets attachés à la jambe. D'autres portaient sur les épaules des marteaux, des blocs de bois et tout ce qu'ils trouvaient de plus pesant. [51]
A Bruxelles, la confrérie du Rosaire, à la chapelle des Espagnols dans l'église des Dominicains, avait coutume jusqu'en 1695, de faire sortir une procession, dont Rombaut a laissé la description dans son livre intitulé: Bruxelles illustrée (t. II, 328)
Elle était suivie d'une grande quantité de nobles et attirait un concours infini de peuple, qui affluait des villes voisines.
La chapelle du Rosaire était ornée d'une magnifique décoration funèbre. On y construisait, près du jubé, un autel tendu de drap noir, parsemé d'emblèmes de la Passion, brodés en or et en argent, et garni d'un grand nombre de chandeliers d'argent, hauts de six à sept pieds, en comprenant les cierges qui étaient allumés. On plaçait au milieu un crucifix, à droite « la Vierge des Douleurs » sur un piédestal portatif, et à gauche un cercueil recouvert d'un drap de soie noire brodé d'or, où l'on plaçait un Christ.
La cérémonie commençait dans l'après-midi, par un sermon en langue espagnole sur les souffrances et la mort de Jésus-Christ, sermon qui était suivi du « Miserere»
A l'issue du sermon, tous les religieux du couvent entraient nu-pieds, vêtus d'une étole noire également brodée d'or et d'argent. Ils descendaient le Christ de la croix et le mettaient dans le cercueil.
La procession commençait, à cinq heures du soir, par un chevalier portant une croix. Il était suivi de plusieurs trompettes et d'un timbalier vêtus de noir, qui sonnaient des airs lugubres. A leur suite marchaient plusieurs personnes qui portaient les instruments de la Passion. Chaque instrument était précédé d'un gentilhomme avec ses pages ou domestiques. Venait ensuite Notre-Dame des Douleurs, vêtue d'une étoffe noire brodée d'or et d'argent, et portée par seize religieux. Enfin le cercueil suivait, porté par huit religieux et escorté de plusieurs soldats armés.
On dirigeait la marche de cette procession vers la rue de la Madeleine, jusqu'à la place nommée actuellement « Place Royale, » où l'on trouvait un reposoir élevé vis-à-vis de l'ancienne cour, et où l'on posait le cercueil et la Vierge.
Après quelques prières, on continuait la procession qui ne rentrait que fort tard. [52]
Dans l'église des Augustins, à Bruxelles, on célébrait le vendredi saint en faisant le simulacre du crucifiement d'un criminel condamné à mort, à qui l'on accordait sa grâce en l'honneur du personnage qu'il représentait.
On construisait au pied de l'autel un vaste échafaud sur lequel était dressée une croix très-élevée. De côté et d'autre étaient construites des espèces de loges pour les dames, les gens de qualité et pour les premiers de la ville; le reste de l'église ne suffisait pas à contenir la foule de peuple que se pressait de toutes parts pour assister à la représentation. Une procession circulait par toute la ville, au son lugubre de plusieurs instruments. D'abord marchaient les confrères « de la Miséricorde, » le visage masqué, les pieds nus et dans le costume de la confrérie, puis des prisonniers traînant à leurs pieds de gros boulets de canon, attachés avec des chaînes de fer; enfin des religieux Augustins travestis en bourreaux, armés de clous, de marteaux et des autres instruments de la passion, conduisaient le criminel à l'échafaud et y montaient avec lui. Aussitôt ils le dépouillaient jusqu'à la chemise, tiraient au sort ses vêtements et l'étendaient sur la croix; puis ils lui attachaient les mains et les pieds avec des courroies qui recouvraient de petites vessie pleines de sang, lesquelles, percées par les clous, faisaient croire aux assistants qu'on avait réellement cloué les mains et les pieds du crucifié. A cette vue, le peuple se sentait ému; on laissait couler des larmes, et quelques-uns des plus dévôts se frappaient la poitrine et se meurtrissait à force de coups.
A Courtrai, la ville payait 25 livres à un pauvre pour représenter la Passion du Sauveur. On le menait en procession dans toute les rues, vêtu d'une robe violette, la tête couronnée d'épines, et portant une lourde croix sur les épaules: douze religieux, six Capucins d'un côté, six Récollets de l'autre, faisant l'office de bourreaux, le tiraillaient, à droite et à gauche par autant de grosses cordes attachées autour de son corps. Les tourments qu'on lui infligeait, étaient tels qu'il aurait succombé à la fatigue, si un personnage représentant Simon le Cyrénéen, n'était venu à temps pour l'aider à porter la croix. Il arrivait enfin à l'église, demi-mort. Au milieu de toutes ses souffrances, il ne laissait échapper ni plainte ni murmure, et se croyait assuré de son salut, s'il pouvait expirer sous les coups [53].
A Menin, à la procession où l'on représentait la Passion, on crucifiait également un Christ; mais comme celui qui remplissait ce rôle en était presque toujours victime, on supprima la procession [54].
A Liége avait lieu chaque année, jusqu'en 1794, une procession en mémoire de la révolution qui délivra la ville du terrorisme de Ghuy de Canne, seigneur de Spawen. A la tête d'un corps d'Allemands, cet homme insolent s'était arrogé, en 1485, une autorité presque dictatoriale et en abusait sans aucune retenue. La jeunesse liégeoise frémissant d'indignation, prit les armes, s'empara de la citadelle, repoussa les troupes que Ghuy de Canne envoya contre elle, et tua 1e tyran au moment où il se plaçait sur les degrés de St-Lambert pou haranguer le peuple soulevé. Le lendemain de cet événement, on célébra en actions de grâce une messe solennelle dans la cathédrale et on fit une procession, en décrétant que cette cérémonie aurai lieu chaque année, le vendredi de la semaine sainte. Pour éterniser en outre le souvenir du meurtre de Ghuy, le vers suivant fut gravé sur une pierre du portique des degrés de la cathédrale :
La coutume d'accorder des grâces à plusieurs criminels le jour même du vendredi saint, coutume qui existe encore à Naples, se pratiquait aussi en Belgique.
A Bruxelles, le gouverneur général faisait grâce à un criminel condamné à mort, sur le rapport et la liste présentés par le conseil privé, qui s'assemblait à ct effet.
Le chancelier de Brabant, accompagné du plus jeune des conseillers, du conseiller fiscal etc., se rendait à la prison et faisait comparaître devant lui tous les prisonniers, pour s'informer du motif de leur emprisonnement ou de leur condamnation. Le public était admis à cette visite [56].
A Ypres, on faisait grâce à tous ceux qui étaient détenus dans la prison pour un délit quelconque, civil ou criminel, commis à l'encontre du prince. Cette grâce était accordée par le grand-bailli, au nom du souverain et à la prière de l'avoué et des échevins. Ceux-ci se rendaient dans tous les réduits auprès des prisonniers. L'avoué leur demandait s'ils souhaitaient obtenir la grâce du prince « pour l'amour de Dieu et en honneur et révérence du vendredi saint assavoir de ceux qui nont aultre partie que le Seigneur. » Après cette formalité ceux qui désiraient jouir du bienfait se rendaient devant le magistrat, en portant parfois un cierge allumé, et se prosternant humblement à genoux, confessaient publiquement leur faute et suppliaient le bailli de leur accorder leur grâce.
Cet usage est très-ancien et a pris naissance pendant le règne de la comtesse Jeanne de Constantinople (1206-1244). Ainsi l'indique le mémoire qui, d'après les ordres du duc de Bourgogne, fut envoyé au commencement du XVe siècle à la Chambre des comptes à Lille par le magistrat d'Ypres qui demandait que cet usage fût maintenu.
La comtesse, passant par la ville d'Ypres un vendredi saint et entendant crier à haute voix « grâce, grâce ! » accorda la grâce à tous les prisonniers et promit au magistrat qu'elle conserverait cet usage à perpétuité, ordonnant à son bailli de faire annuellement élargir tous ceux qui, le vendredi saint, se trouveraient emprisonnés pour délits commis contre le seigneur du pays de Flandre, que ces délits fussent civils ou criminels.
La plus ancienne annotation de la concession de ce privilège date de l'an 1367. Il est resté en vigueur sans interruption [57] jusqu'au 3 avril 1795, où l'on fit grâce pour la dernière fois à deux personnes détenues pour vol.
Ceux qui obtenaient leur grâce du grand-bailli étaient appelés « Enfants du vendredi saint » (Goeden-vrydag-kinders).
Mais pour jouir de cette grâce, qui était accordée toujours à trois heures de relevée, il fallait nécessairement avoir été emprisonné à la requête du grand-bailli de la ville. Les accusés détenus par d'autres officiers publics ou à la demande de l'autorité militaire, ne pouvaient y participer.
Quelquefois le magistrat faisait punir des criminels avec précipitation peu de jours avant le vendredi saint et même la veille, pour ne pas devoir les délivrer.
Le grand-bailli en accordant la grâce aux prisonniers, leur enjoignait d'adresser des prières au ciel pour la prospérité du souverain, et afin de se garder de nouveaux méfaits.
Les indigents condamnés à des amendes pécuniaires, ou à d'autres peines auxquelles ils ne pouvaient pas satisfaire (par exemple à faire un voyage à Rome, à St-Jacques de Compostelle ou ailleurs, à faire construire à leurs dépens quelques verges de muraille à l'enceinte de la ville, etc.), quittaient la ville, y revenaient quelques jours avant le vendredi saint et se constituaient eux-mêmes prisonniers pour obtenir grâce et rémission de leur punition [58].
Le jeûne du vendredi saint n'est pas moins scrupuleusement observé en Belgique que celui du jour des Cendres. On ne mange ni beurre, ni graisse, ni lait, ni œufs, et une tradition populaire de la Flandre Occidentale rapporte même la mort subite d'un paysan qui avait mangé une omelette [59]. De petits pains blancs appelés à Anvers « wekken, » à Liége et à Namur « lunettes, » des fèves blanches et des harengs composent la nourriture principale de ce jour.
Les fèves ou lentilles qu'on mange le vendredi saint, se changent en deniers, d'après une superstition populaire. On dit aussi que celui qui ne boit pas le vendredi saint, peut boire beaucoup pendant toute l'année sans risquer de s'enivrer [60].
Suivant une ancienne coutume namuroise on cuit ce jour-là des pains et,on en conserve un jusqu'à l'année suivante, en prétendant qu'il porte bonheur et qu'il ne se gâte pas. Mais en revanche on se garde bien de laver, le vendredi saint.
Pour expliquer l'origine de cette habitude, la légende raconte que la Vierge en voyageant s'approcha, un jour de vendredi saint, d'un endroit où des femmes du peuple blanchissaient du linge. Elle les pria de lui donner un verre d'eau; mais loin de satisfaire à sa demande, elles l'aspergèrent d'eau sale de sorte que sa robe en fut toute humide. Marie s'éloigna et rencontra à peu de distance des femmes qui mettaient du pain au four. Elle les pria de lui permettre de faire sécher sa robe, ce qui lui fut accordé avec le plus grand empressement. C'est pourquoi la Vierge bénit les femmes qui cuisaient du pain, et maudit celles qui lavaient.
A Dinant, où se pratique la même coutume, on dit proverbialement :
« Maudite la femme qui lave,
Bénite la femme qui cuit. »
A Bouvignes et en quelques autres localités de la province de Namur, aucun boucher ne tue ce jour-là. En beaucoup d'endroits des provinces flamandes, les cultivateurs s'abstiennent de remuer la terre, pour ne pas troubler le repos du Christ [61].
Les paysans brabançons aiment à avoir au vendredi saint le vent d'est, et mieux encore celui du nord-est; mais le vent du sud-ouest leur porte malheur; pluie de vendredi saint, disent-ils, devra être grattée goutte à goutte hors de la terre [62].
Une autre croyance populaire attribue à l'œuf du vendredi saint la vertu de garantir contre toute rupture du corps. En Flandre on conserve les œufs pondus durant le service divin, et on prétend qu'un incendie s'éteint, quand on y jette un de ces œufs.
Lorsqu'on a un enfant au maillot, on attend, en Flandre, jusqu'au vendredi saint pour lui mettre le premier habit.
Sur la Meuse, la nuit du vendredi saint est réputée dangereuse.
Vis-à-vis du château de Sanson, sur la rive droite de la Meuse au sommet d'une hauteur au pied de laquelle s'étend le village de Namèche, se trouve un arbre dit de sainte Anne. C'est là que, suivant la croyance du peuple, les sorcières se rassemblent dans les nuits du vendredi saint, dans celle de Saint Jean et dans les saintes nuits, et qu'elles font leurs rondes infernales autour de l'arbre [63].
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9 avril.
(Primula polyantha rubra.) Sainte Marie; sainte Waudru.
Sainte Waudru, patronne de Mons, à laquelle sont consacrées quatre églises, fonda la célèbre maison de chanoinesses, qui donna naissance à la capitale du Hainaut. Elle appartenait à une famille de saints, et avait pour époux saint Vincent, fondateur de Soignies; pour sœur, sainte Aldegonde, fondatrice de Maubeuge; pour fils, saint Landric et saint Dentlin, et pour filles, sainte Aldetrude et sainte Madelberte. On assigne l'an 686 comme la date de sa mort. La fête de la bienheureuse Bertille, sa mère, se célèbre le même jour [64].
Le « samedi saint » s'appelait anciennement en flamand « Judas zaterdag. » Quand on brûlait ce jour-là ce qui restait de l'huile sainte, le peuple disait: « on brûle Judas [65]. »
La première cérémonie du samedi saint, est la bénédiction du feu nouveau.
Dans les premiers temps de l'Église, il était d'usage de tirer, chaque jour ou du moins chaque samedi, du feu de la pierres et de le bénir avant d'allumer les cierges et les charbons des encensoirs. Ce n'est que depuis le onzième siècle que cet usage fut restreint au samedi saint. Actuellement encore on tire ce jour-là le feu de la pierre, on le bénit et on s'en sert pour allumer, tous les cierges. On en use également pour allumer le « cierge de Pâques, » qui, avec ses cinq grains d'encens, nous rappelle le Seigneur, la lumière du monde. Ce feu est le feu de Pâques, « ignis paschalis » dont nous parle saint Boniface, et de même que le cierge de Pâques, il est un symbole du Sauveur ressuscité dans son tombeau de pierre.
Autrefois le cierge pascal était une colonne en cire, sur laquelle on inscrivait l'époque des Pâques et des fêtes mobiles. Le patriarche d'Alexandrie envoyait chaque année le catalogue des principales fêtes de l'année au pape, qui en expédiait à son tour de pareils aux autres églises. Bientôt on fit de cette colonne de cire un flambeau qui servit à éclairer la nuit de Pâques et le pape Zozime approuva cet usage en ordonnant de bénir le cierge pascal le samedi saint, comme on le fait encore aujourd'hui.
La bénédiction du cierge étant terminée, on bénit les fonts baptismaux, et s'il y a quelques personnes à baptiser, on les baptise.
Pendant la messe, le célébrant entonne le « Gloria in excelsis, » les cloches et l'orgue se font entendre de nouveau, ainsi que les sonnettes qui avaient fait silence dans l'église depuis le jour du mercredi saint.
C'est le moment où les enfants, pleins de joie, courent dans jardins et cherchent dans les buissons, dans les touffes de plantes ou dans les haies, les œufs de Pâques que les parents y ont cachés et que les cloches, à ce qu'ils prétendent, ont laissé tomber à leur retour de Rome. « Wanneer de klokken uit Rome terugkomen brengen zy paescheijeren mede,» les cloches sont allées à Rome quérir des œufs de Pâques, dit-on en Belgique, quand un enfant demande la cause du silence des cloches pendant un espace de trois jours. C'est aussi pourquoi les œufs pascaux s'appellent à Mons « cloches, » et à Tournay « œufs de Marie Pontoise, » du nom de la plus grande cloche de Notre-Dame.
A Namur, les cloches en revenant de Rome rapportent aux enfants non-seulement des œufs, mais encore de petits couteaux.
A Spa, les cloches ne reviennent pas de Rome : elles ressuscitent comme Jésus-Christ, et c'est le jour de Pâques que les enfants vont chercher les œufs cachés dans les buissons des jardins.
A Mons et à Tournay, les enfants de chœur parcourent les rues: des crécelles ou « ragalettes » en main, pour annoncer moyennant pour-boire le retour des cloches. Mais à Mons les petits enfants des familles bourgeoises doivent avoir été à l'église avant de chercher leurs œufs pascaux.
A Malines les enfants de chœur n'annoncent le retour des cloches que dans l'église, en battant les vêtements de deuil que les prêtres ont quittés avant le « Gloria in excelsis. » Ils appellent cela « vasten uitkloppen, » marteler le carême.
Cet usage de « Vasten uitkloppen » s'observe aussi dans les classes ouvrières et dans les campagnes.
Les dentellières, au moment où les cloches résonnent du haut des tours, frappent sur leurs boîtes à ouvrage et les ferment, pour ne plus travailler le reste de la journée.
A Louvain et dans d'autres villes de la Belgique, les jeunes gens de la classe ouvrière avaient coutume de parcourir les rues le soir du dernier jour de carême, en frappant à grands coups de marteau aux portes et aux étalages extérieurs des boutiques, ce qui occasionnait souvent de grands dommages. Cet usage subsista néanmoins jusqu'à la révolution française [66].
Dans les environs de Contich, les domestiques des paysans ouvrent, à minuit sonnant, la porte et les fenêtres de la maison et frappent avec des balais en s'écriant : « Paeschen er in en vasten er uit! » (Pâques entrez, carême sors!). Celui qui pousse le premier cri, reçoit le lendemain matin deux ou quatre œufs de plus que les autres.
Dans la Campine, les enfants des paysans se rendent la veille de Pâques à Aerschot, pour y chercher chez les bouchers des cornes de bœuf. Puis ils vont de ferme en ferme quêter des œufs de Pâques en faisant un tintamarre diabolique [67].
Dans les environs d'Anvers, les enfants vont quêter des œufs pascaux en chantant la chanson suivante :
Vrouw, vrouw, geeft ons een ey,
Die de zwaerte hinnen ley,
Zien ze zwaert of zyn ze rood
Daer om leggen zy niet te nood.
A. B. C. D. geeft ons eenen clerk me,
Bakt ons eenen pannenkoek,
Geeft ons eijeren en geld genoeg;
Vrouw, vrouw, ten lesten
Geeft ons d'eijeren gesessen,
Gesessen of gevyven;
Laet ons nog wat blyven ,
Hier is nog een goey vrouw
Die ons nog wat geven zal.
Hoe lang zal zy geven !
Hoe lang zal zy leven!
't Eersten jaer n'en penning,
't Tweeden jaer n'en schelling,
't Derde jaer n'en pond koek;
Geeft ons eijeren en geld genoeg,
Tast wat dieper in de nest,
De zwaerte hinnekens leggen 't best
De roode niet te min,
Tast er nog wat dieper in.
Meester en vrouwken blyft gezond.
Dans les Ardennes, la coutume de quêter des œufs les derniers jours avant Pâques, est très-répandue. Les enfants qui font la quête chantent des chansons wallonnes adaptées à la circonstance, et se vengent de chaque refus par des imprécations fort expressives.
Dans beaucoup de communes rurales de la Belgique, le sacristain, le sonneur ou le clerc de la paroisse, avec les enfants de chœur, le garde-champêtre et quelquefois même avec la servante du curé, vont de ferme en ferme pour quérir des œufs de Pâques [68].
Le curé de l'église de Grimberghe, près de Bruxelles, qui avait droit de recueillir les œufs à Pâques, en tirait chaque année environ deux florins [69].
Le maire de Beersel près de Bruxelles, qui jouissait de grandes prérogatives, faisait également demander des œufs de Pâques chez tous les paysans, et s'il y en avait qui ne lui en donnaient pas assez à son gré, il en prenait davantage, à leur barbe (hy nemtse in den neus.) [70].
Dans les environs de Contich l'école entière va quérir des œufs de pâques. Un garçon soufflant dans une corne de bœuf, annonce de loin l'arrivée de cette troupe d'enfants armés de bâtons et chargés de grands paniers, et il n'est pas rare de voir se prendre aux cheveux les écoles de deux villages qui se trouvent en concurrence.
Quant à l'origine des œufs de Pâques « Paescheijeren » ils sont bien aussi anciens que le nom qu'ils portent.
L'œuf a de tout temps été considéré comme le symbole du principe de la fécondité et comme l'image du commencement des choses. C'est pourquoi la coutume de se faire de mutuels présents d'œufs ornés de diverses manières à l'occasion du retour du printemps et du renouvellement de l'année solaire, remonte à la plus haute antiquité. En Perse où la fête du nouvel an est fixée au soir de l'équinoxe du printemps, il est encore d'usage d'envoyer, dès la veille, des œufs peints et dorés en guise d'étrennes.
Lors de la conversion des Germano-Belges au christianisme, quelques missionnaires s'opposèrent au maintien de cette antique coutume; mais d'autres ecclésiastiques, fidèles aux préceptes de Grégoire le Grand, se contentèrent de substituer à l'idée païenne une idée chrétienne, en adoptant l'œuf comme un symbole de la résurrection du Sauveur. Ainsi l'usage reprit bientôt sa popularité et ne tarda pas à se christianiser tellement, que les beaux œufs de Pâques offrirent des peintures d'anges, de petits Jésus et d'agneaux portant un étendard (appelés agneaux de Pâques), et que l'enfance s'habitua à y voir un présent que lui faisaient les cloches à leur retour de Rome [71].
Il fut même d'usage pendant plusieurs siècles de bénir les œufs dans l'église avant qu'on en fît des cadeaux; plusieurs diocèses ont encore conservé cette pieuse coutume [72].
Les anciennes pratiques qui se rattachent à la bénédiction de l'eau et du cierge pascal, se sont également maintenues jusqu'à présent en plusieurs localités.
Autrefois on enlevait du cierge pascal des morceaux de cire qu'on distribuait aux fidèles après la messe du dimanche de Quasimodo. Les fidèles les brûlaient dans leurs maisons ou dans leurs champs comme des préservatifs contre le tonnerre, la grêle, les vents, les bêtes nuisibles et les artifices des démons. Au lieu de ces morceaux de cire, on bénit à Rome, le matin du grand samedi, de petits agneaux de cire qu'on nomme « Agnus Dei » [73]. Mais en Belgique, et particulièrement en Brabant, on continue de se procurer les cinq graines d'encens qu'on insère en forme de croix dans le cierge pascal, et qui sont renfermés souvent dans des clous de cire. Ces clous qu'on appelle « Paeschnagelen, » clous de Pâques, et auxquels les gens des campagnes attribuent bien des vertus, sont soigneusement conservés. On en jette dans l'eau qui sert à laver les grains de froment avant les semailles, afin de garantir le froment de la rouille, appelée vulgairement « poppen; » on en met au-dessous du seuil des étables afin de préserver les bestiaux des morsures des chiens enragés et on en mêle avec la pâture des vaches pour les garantir des épizooties.
L'eau bénie la veille de Pâques, guérit des fièvres, quand on la boit à jeun, et préserve de tout malheur la maison et l'écurie que l'on en asperge le même jour, à ce que l'on dit à Spa.
Le premier enfant que l'on baptise après la bénédiction des fonts à Pâques, est couronné de fleurs. Les enfants qui ont porté la couronne de baptême, « Vontkroon, » ou couronne de Pâques, « Paeschkroon, » inspirent durant leur vie entière une sorte de vénération; on est persuadé qu'ils sont plus particulièrement protégés du ciel. C'est pourquoi ceux qui apportent à l'enfant la couronne de Pâques, reçoivent d'habitude un joli présent des parents.
Cet usage, qui est encore assez généralement répandu dans les villages des Flandres, s'est perpétué jusqu'à nos jours dans la ville de Tournay, où la couronne se nomme « Capeau de Roses, » quoique, avant l'importation des rosiers du Bengale, on dût nécessairement à Pâques se servir d'autres fleurs [74].
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10 avril.
(Viola tonbrigens.) Sainte Azélie; saint Ezéchiel;
saint Macaire, sainte Mathilde.
saint Macaire, sainte Mathilde.
Saint Machaire ou Macaire, patriarche d'Antioche, voyageant en Europe, vint à Gand et s'y arrêta pour quelque temps. Sur le point de retourner en son pays, il mourut d'une peste, qui ravageait alors la ville, mais qui cessa, comme Macaire l'avait prédit, à la mort de ce saint, le 10 avril 1012.
Son corps fut élevé le 9 mai 1067. On célèbre l'anniversaire de ce jour avec plus de solennité encore que l'anniversaire de celui de sa mort [75].
Deux églises furent érigées en l'honneur de saint Macaire, que l'on invoque comme patron contre la peste.
En 1767, on célébra à Gand avec la plus grande pompe possible le jubilé de sept cents ans de ce saint.
La procession qui sortit deux fois pendant les quinze jours que durèrent les fêtes, était suivie par 74 différents corps laïques et ecclésiastiques; la cavalcade, exécutée les 1er, 9 et 1 juin, dans l'après-midi, se composait de 24 chars de triomphe, de 21 figures de monstres ou de bêtes fabuleuses, et de 786 personnes, sans compter les musiciens et les détachements de troupe. Elle représentait l'histoire de saint Macaire et de la ville de Gand, les quatre éléments, les quatre saisons, et les quatre parties du monde. On avait érigé 17 arcs de triomphe. Le 2 juin, on tira un magnifique feu d'artifice sut la grand'place, dite du Vendredi. Chaque jour de la quinzaine donna lieu à des réjouissances publiques [76].
A Obourg, village situé dans les environs de Mons, et qui depuis l'an 1084 appartenait à l'ancienne abbaye de Saint-Denis en Broqueroie, les religieux de cette abbaye se rendaient chaque année à la chapelle de Saint-Macaire, au jour consacré à ce saint et pendant l'octave, pour y dire la messe.
Le 4 mai 1716 on y célébra le premier jubilé séculaire de la translation du corps de saint Macaire de Gand à Mons; un grand concours de fidèles des communes voisines prit part à la cérémonie. Depuis cette époque la confiance dans la protection du saint est restée fort grande parmi les habitants d'Obourg et des environs; aussi pendant les épidémies qui affligèrent la Belgique en 1832 et en 1849, l'oratoire dédié à saint Macaire fut-il le but de fréquents pèlerinages [77].
La fête de Pâques ou « Paeschfeest, » qui a conservé en Belgique son ancien nom hébreu, qui signifie « passage, » est la règle de toutes les autres fêtes mobiles de l'année. Comme il y eut, au deuxième siècle, de grands différends entre les chrétiens orientaux et occidentaux sur l'époque de la solennisation de cette fête, les premiers la célébrant le même jour que les Juifs, tandis que les seconds la remettaient au dimanche suivant, le concile de Nicée, tenu en 325, décida que désormais toutes les églises la célébreraient uniformément le dimanche après le quatorzième jour de la lune de mars, et nullement le même jour que les Juifs.
Il en résulte que la solennité pascale ne peut tomber plus tôt que le 22 mars, comme on l'a vu en 1761 et 1818, ni plus tard que le 25 avril, comme en 1734 et 1856 [78].
Dans les premiers temps, l'évêque d'Alexandrie, ville renommée par ses astronomes, était chargé du travail annuel du comput, et en écrivait annuellement le résultat au pape de Rome, lequel de son côté en donnait communication à tous les évêques de son église, par les lettres dites « pascales ». C'est de là que naquit la coutume, qui au siècle dernier était encore assez généralement répandue dans les Pays-Bas, d'écrire des lettres de félicitation, qu'on appelait « Paeschbrieven ou Paasbrieven, » lettres de Pâques.
De même qu'à l'époque de la nouvelle année, les enfants écrivaient à leurs parents, parrains et marraines des souhaits pour les Pâques, afin de recevoir quelques présents, et les parrains et marraines les récompensaient ordinairement en leur donnant un grand gâteau, qui s'appelait « Paesbroodje, » pain de Pâques [79].
Aujourd'hui cet usage est tombé en désuétude, mais dans les provinces flamandes de la Belgique on a coutume encore de se souhaiter de bonnes Pâques.
« Ik wensch u 'ne zal'gen hoogdag, » ou comme on dit à Anvers « ne zal'ge zulle, » telle est la formule familière dont on se sert pour saluer une personne qu'on voit pour la première fois depuis le dimanche de Pâques.
Dans la plupart des églises, on représentait autrefois la résurrection du Sauveur. A peine le dernier coup de minuit avait-il sonné que le curé retirait le Christ du sépulcre, le portait autour de l'église et frappait à toutes les portes qui étaient fermées, en s'écriant : « Attollite portas, principes, vestras et elevamini portæ æternales: et introibit Rex gloriæ. » (Enlevez vos portes, ô princes, et ouvrez-vous, portes célestes : le Roi de gloire va entrer.) Le sacristain, qui était dehors, demandait alors : « Quis est iste Rex gloriæ? » (Qui est ce Roi de gloire?) et le prêtre répondait : « Dominus fortis et potens in prœlio : Dominus virtutum ipse est Rex gloriæ. » (Le Seigneur fort et puissant au combat : le Seigneur de toutes les vertus est en même temps le Roi de gloire.)
Après matines, un ange habillé de blanc s'asseyait sur le sépulcre; deux femmes représentant Marie-Magdeleine et l'autre Marie, s'approchaient de lui, en pleurant amèrement, et l'ange leur disait :
« Quem quæritis, mulieres, in hoc tumulo plorantes? Non est hic quem quæritis, sed euntes cito, nunciate discipulis ejus : Venite et videte locum, ubi positus erat Dominus. » (Qui cherchez-vous dans ce tombeau, ô femmes? Il n'est point ici, celui que vous cherchez; mais hâtez-vous d'aller dire à ses disciples venez voir le lieu où le Seigneur avait été mis.)
Dans la procession qui avait lieu après la messe, le Christ était porté, tenant en main un étendard; la procession rentrée, il était déposé sur un trône au milieu de l'église [80].
La procession aux fonts baptismaux, qui se fait encore dans quelques localités le dimanche de Pâques, après le « Magnificat, » rappelle que pendant les sept jours de la semaine de Pâques on conduisait autrefois les néophytes revêtus de leurs habits blancs au lieu où ils avaient reçu le baptême. C'est pourquoi l'octave de Pâques s'appelait autrefois « la semaine blanche, » et le dimanche de Quasimodo, jour auquel les néophytes baptisés le samedi saint déposaient leurs vêtements blancs, porte encore le nom de « Dominica in Albis (depositis) » dimanche où l'on quitte les habits blancs [81]. Bien que la dénomination flamande de « witte zondag, » dimanche blanc, paraisse être la traduction du nom latin, il est à présumer que le mot « witte, » lié aussi aux dénominations flamandes du jeudi saint et du vendredi saint, se rattache à la fête du printemps des anciens Germains, laquelle, tout en se transformant dans la fête chrétienne de Pâques, a conservé en haut-allemand son antique nom de « Ostern ».
Plusieurs idées et pratiques populaires qui se rattachent encore aux Pâques, semblent du moins remonter à une époque antérieure au christianisme.
Boire de l'eau froide le jour de Pâques garantit la santé.
Eau puisée silencieusement le matin de Pâques avant le lever du soleil, ne se gâte pas.
Déjeûner avec deux œufs pondus le vendredi saint, préserve de la fièvre. Ne pas manger de viande le dimanche de Pâques garantit des maux de dents. Les marins font souvent vœu avant leur départ de ne pas manger de viande ce jour-là pour être préservés des tempêtes.
Les vents d'est et de nord-est sont bien venus le jour de Pâques, si d'autres vents n'ont pas gâté le vendredi saint [82].
Les feux de Pâques ou « Paeschvueren » qui s'allumaient en beaucoup d'endroits des Pays-Bas, ont entièrement disparu en Belgique, et ne se sont conservés qu'en Frise et dans quelques provinces de la Hollande. Mais la coutume de manger des œufs le jour de Pâques, s'est maintenue jusqu'aujourd'hui. Dans les villages flamands, le principal repas du jour consiste en œufs, de même qu'à Namur, le samedi saint, on ne déjeune qu'avec des œufs cuits; pendant toute l'octave de Pâques les enfants s'amusent à un jeu qui consiste à heurter des œufs les uns contre les autres. Celui qui possède l'œuf le plus dur, gagne l'œuf qui se brise. A Anvers ce jeu s'appelle « tikken, » au pays de Limbourg « tippen. »
A Catthem, village qui constituait autrefois une terre franche et qui fait partie aujourd'hui de la commune de Borgt-Lombeek, il existait jadis une ancienne chapelle, où se réunissait ce jour-là un grand concours de peuple. On y faisait un sermon et on y chantait ensuite les laudes [83].
A Huy, on distribuait dans l'église paroissiale de Saint-George, pendant la grande-messe, une aime de vin aux pauvres de la paroisse, en vertu d'une fondation de Jacquemin de Waureilhe, jadis le Bollengier, en date de l'an 1454 [84].
A Louvain, le clergé de Saint-Pierre se rendait, le jour de la fête de Pâques, à la ci-devant église Saint-Michel, rue de Tirlemont, pour y recevoir le saint chrême et le repartir ensuite entre les cinq paroisses de la ville.
Comme Louvain faisait partie originairement du diocèse de Liége, le prince-évêque en apportant annuellement les saintes huiles à Louvain, avait coutume de les déposer à la susdite église, par le motif que celle-ci était la première église paroissiale qui se trouvât sur sa route; bien que, lors de la création de l'archevêché de Malines, en 1559, la ville de Louvain fût incorporée dans le nouveau diocèse, l'usage de déposer les saintes huiles à l'église Saint-Michel continua de subsister [85].
A Termonde, le doyen de l'église collégiale (deken van de collegiale kercke), auquel l'évêque Odard avait accordé la faculté d'excommunier tous les malfaiteurs de l'Église, était tenu d'inviter à dîner trois fois l'an , c'est-à-dire à Pâques, à la Pentecôte et à la Noël, tout le chapitre et ses ministres, diacres, sous-diacres, chanteurs et receveurs (ontfangers). Mais comme ses revenus étaient trop faibles relativement à ces dépenses, on augmenta ces revenus, en 1365, de dix livres, qui étaient allouées auparavant à la fabrique de l'église [86].
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11 avril.
(Taraxacum dens leonis.) Saint Léon, pape.
Le lundi de Pâques donnait lieu autrefois à une coutume fort singulière : dans plusieurs localités des Pays-Bas, les femmes battent leurs maris, qui, en revanche, avaient le droit de battre leurs femmes le troisième jour de Pâques.
A Anvers, il est d'usage ce jour, ainsi que le lundi de Pentecôte, de faire une promenade au « buitengang, » en dehors des fortifications de la ville, tandis que le jour de Pâques et le jour de Pentecôte on ne se promène d'habitude que le long des quais de l'Escaut.
A Bruges, les membres de la Société de Saint Sébastien fêtent la clôture du tir à la cible par une réjouissance appelée « Hammekens feest, » fête du jambon. La cible est divisée en divers compartiments, dont chacun contient, soit le nom d'un plat, salade, jambon, homard, gâteaux, craquelins, soit l'indication de quelque amende. Celui qui tire, par exemple, au premier de ces compartiments, est obligé de faire de la salade; mais si quelque autre, après lui, tire au même compartiment, le premier tireur lui fait une révérence et lui abandonne ses obligations. Après le tir on arrange un souper au moyen de tous les plats qui ont été tirés; celui qui est gratifié du plus grand nombre d'amendes, est tenu de mettre l'ancien uniforme de la gilde et d'être de garde pendant toute la durée du repas. Le vainqueur est exempt de toute contribution aux frais causés par cette fête, qui marque la reprise du tir à la perche [87].
A Bruxelles, l'amman se rendait autrefois le second jour de Pâques jusqu'au lieu dit « het Coopken, » qui était orné d'une chapelle et était distant d'un millier de pas de l'abbaye de La Cambre; c'était là qu'il rencontrait la châsse de Notre-Dame de Wavre, qu'à partir de cet endroit il prenait sous sa sauvegarde.
D'après d'autres, cette rencontre avait lieu dans l'abbaye de La Cambre, jusqu'à ce que l'abbesse l'eût défendu [88].
Aujourd'hui, le lundi de Pâques donne lieu au Longchamps de la capitale de la Belgique. Les plus belles toilettes se produisent alors pour la première fois, de superbes attelages se suivent sans interruption et une foule compacte circule le long des boulevards, à partir de la porte de Schaerbeek jusqu'à la porte de Namur.
Dans les environs de Bruxelles, on célèbre le même jour la première fête communale de la saison, à Dieghem.
A Haeckendover, village près de Tirlemont, a lieu une procession annuelle qui est renommée dans tout le pays.
A la sortie de cette procession et à chaque station, les paysans montés à cheval tirent force coups de fusil. Ils font aussi trois courses en parcourant, à bride abattue, un grand cercle autour de l'église, et en galopant à travers la campagne, sans épargner ni fruits ni récoltes.
Les propriétaires ou fermiers, loin de s'opposer à la dévastation de leurs champs, croient que plus ceux-ci portent la trace des pieds des chevaux, plus leur récolte sera abondante, et ils racontent qu'un paysan s'étant refusé à laisser courir les chevaux à travers sa terre, trouva, lors de la récolte, tous les épis de son blé vides [89].
Le lieu dit « la Cluyse » ou « l'Ermitage, » près d'Afflighem, où se trouvait une fontaine dont les eaux guérissaient, dit-on, les fièvres malignes, et où l'on éleva ensuite une chapelle à la Vierge, généralement fréquenté le lundi de Pâques et pendant les jours suivants.
Si l'on en croit la tradition, saint Ursmer y avait jadis prêché et donné cet endroit à son abbaye de Lobbes, laquelle le vendit au onzième siècle, à un nommé Ivain [90].
A Lembecq, près de Hal, une procession accompagnée de la chasse de saint Véron, se rend par Brain-Castel ou Brake à Tubize; les habitants de ce dernier village vont à sa rencontre avec des bannières et des croix. Puis on dit une messe solennelle, avec sermon, on présente les reliques à baiser à tous les assistants et le cortège se remet en route. Les gildes de Tubize, de même que celles de Hal, attendent sur la route de Mons l'arrivée de la procession pour l'accompagner jusqu'à l'église de Lembecq [91]. »
Dans plusieurs communes rurales du pays de Limbourg, les paysans vont avec leurs femmes visiter leurs champs, et fichent un rameau bénit ou palmtakje dans chaque terre ensemencée, en prononçant les paroles sacramentales:
Ik plant u hier in den dauw des Hemels;
En in de vettigheid der aerde.
Dans les environs de Maeseyck, on va, l'après-dîner, en pèlerinage à la chapelle de saint Jean. Chaque enfant se munit d'œufs durs teints en différentes couleurs et d'une petite bouteille remplie de jus de réglisse appelé « brouwsel. » Arrivé au lieu de la destination, on fait sa prière, puis les enfants s'amusent à secouer fortement leurs bouteilles pour faire mousser le « brouwsel, » et à « tippen, » c'est-à-dire à choquer leurs œufs les uns contre les autres, jeu qui est en usage pendant toute l'octave de Pâques.
A Tournai, le lundi de Pâques est le jour du pèlerinage le plus fréquenté de l'année. C'est le pèlerinage au Mont de la Trinité ou Mont-Saint-Aubert [93], qui s'élève à une petite lieue au nord de la ville.
Bien qu'on ne s'y porte plus en foule, comme autrefois, c'est une fête importante à Tournai. Dès la pointe du jour, les classes inférieures se mettent en marche et prennent par divers chemins la direction de la montagne. Ceux qui ont des enfants portent ordinairement un petit panier en osier qui contient de la viande froide, avec les pains français et les craquelins de rigueur. La marche est d'abord silencieuse : chacun est ému des pertes qu'il a essuyées pendant l'année, et réfléchit à la demande qu'il fera au Tout-Puissant par l'intercession de saint Aubert. Après avoir entendu la messe, on se répand dans le bois, sur la pelouse ou dans les hôtelleries. Bientôt au recueillement succède la gaieté. La mère procède à la distribution des vivres. Les groupes se confondent et deviennent tumultueux, les libations se multiplient en raison de la fatigue que l'on a éprouvée durant le voyage, les entretiens s'animent et produisent un charivari assourdissant. Enfin, après un déjeuner prolongé jusqu'à midi, l'heure du dîner se fait entendre et l'on descend dans les villages et les hameaux qui se trouvent sur le versant de la montagne. Vers le soir, les danses s'organisent au son de la clarinette et du tambourin, la belle société arrive peu à peu de la ville et vient compléter la fête en formant des valses et des quadrilles, dans les verdoyantes rotondes et dans les nombreux jardins disposés à cet effet à Kain et dans le hameau de la Tombe [94].
A Thielt, en Flandre, il est d'usage que les tisserands payent, le lundi de Pâques, le lin vert qu'ils ont acheté sur pied aux cultivateurs.
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12 avril.
(Saxifraga crassifolia.) Saint Erkembodon; saint Jules.
En Flandre, dans la semaine après Pâques, les enfants de chœur vont de ferme en ferme quérir des œufs, en annonçant de loin leur arrivée au moyen de « krekels » ou crécelles.
La quête terminée, ils divisent les œufs entre eux après en avoir donné une part au sacristain.
Le troisième jour de Pâques, on faisait autrefois à Turnhout une procession à l'église de Notre-dame de Vosselaer. Toutes les gildes de la seigneurie accompagnaient le cortége; en 1551, Marie de Bourgogne le suivit en personne avec toute sa suite [95].
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13 avril.
(Narcissus viridiflorus.) Sainte Herménigilde, b. Ide.
La bienheureuse Ide de Boulogne, mère de Godefroid de Bouillon, et bienfaitrice de l'abbaye d'Afflighem, fonda l'église et le couvent de Marie-Capelle, pour le succès des armes de ses fils en Terre-Sainte. Elle mourut en 1113 [96].
Dans l'ancienne abbaye de Roosendael, près de Waelhem, dont l'origine remonte au commencement du treizième siècle, on célébrait la fête de la vénérable Ide de Louvain. Cette vierge, qui jeta beaucoup d'éclat sur les premières années de l'abbaye, vécut longtemps à Louvain avant de prendre l'habit monastique. Les cinq stigmates de la passion du Christ lui furent, dit-on, miraculeusement appliqués, et elle reçut en outre le don de prophétie. On ne connaît pas précisément l'époque de sa mort [97].
Le mercredi après Pâques s'appelle « Midooster » ou « Midpaschen, » mercredi de la Mi-Pâques, désignation qui, au dix-septième siècle, était déjà mentionnée comme ancienne [98].
A Malines se faisait autrefois la célèbre procession dite de Pâques, laquelle en 1758, fut transférée au troisième dimanche après Pâques; elle cessa d'avoir lieu lors de l'invasion française.
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14 avril.
(Borago officinalis.) Sainte Lidwyne; saint Tiburce; saint Valérien.
Le 14 avril était un jour de sort et donnait lieu autrefois à une cérémonie mystique qui, en d'autres localités, n'avait lieu que le 24 avril et qu'on appelait « Koekoekfeest, » parce que ce jour le coucou prophétisait l'avenir [99]. En Sussex en Angleterre, ce jour s'appelle encore aujourd'hui « first Cuckoo day. »
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15 avril.
(Stellaria holostea.) Sainte Anastasie; saint Paterne.
A en juger d'après l'analogie qui existe entre les usages des anciens habitants de l'Angleterre et ceux des anciens Germano-Belges, il est à présumer que ce jour, qui en Angleterre a conservé le nom de « Swallowday, » était également consacré en Belgique à des cérémonies ayant pour objet d'honorer l'arrivée des hirondelles.
Les hirondelles étaient des oiseaux sacrés ou « zielvogels » (Oiseaux-âmes). Ils sont encore aujourd'hui des augures de bonheur. Leurs nids préservent les habitations de tout malheur; les dénicher est un méfait qui souille celui qui s'en rend coupable.
« De zwaluwen aenblazen, » annoncer par le son du cor l'arrivée des hirondelles, était en plusieurs villes un devoir des guets communaux (torenwachters) [100].
Le vendredi de l'octave de Pâques s'appelle « Kroning-Christi » ou « vrydag speer en kroon » (couronnement du Christ ou vendredi de la lance et de la couronne) [101].
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16 avril.
(Tulipa sylvestris.) Saint Druon; saint Fructueux.
Saint Druon, qu'à Bruges les coutiers ou tykwevers honorent comme leur patron, est à Mons le patron des cafetiers.
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17 avril.
(Arum arisarum.) Saint Anicet; saint Landric; saint Robert.
Saint Landry ou Landric, sainte Waudru sa mère (9 avril), et saint Albert (7 avril), sont les trois saints d'avril qui protègent particulièrement le Hainaut; leurs fêtes sont des jours heureux pour ce pays [102].
Le premier dimanche après Pâques ou le dimanche de Quasimodo s'appelle « Beloken » ou « Blokken Paeschen, » Pâque close. Dans plusieurs localités du pays de Limbourg il porte le nom de « Mulders Paeschen, » parce qu'il est le dernier jour de l'octave de Pâques et du temps désigné pour la communion pascale, temps que l'on nomme ordinairement « temps pascal. » Comme en beaucoup d'endroits les meuniers célèbrent leur fête patronale le dernier jour de l'année [103], on dit, par analogie, qu'ils ne font leurs Pâques qu'au dernier moment possible.
Pendant longtemps, le dimanche de Quasimodo fut aussi nommé le « dimanche de saint Thomas, » à cause de l'Évangile du jour qui parle de l'incrédulité de ce disciple [104].
A Laeken, près de Bruxelles, se célèbre la kermesse, laquelle, grâce à la jolie situation du village et à sa proximité de la capitale, est une des plus animées des environs.
L'église, qui date du treizième siècle, jouit d'une grande réputation dans le pays, à cause d'une image miraculeuse de la Vierge que l'on y vénère. L'une des inscriptions qu'on lisait autrefois sur les murs, faisait remonter l'origine de la chapelle primitive au neuvième siècle, et attribuait sa fondation aux sœurs de Hugues, duc de l'Almagne et de Lorraine, qui mourut glorieusement dans une bataille contre les Normands, en 895. Les sœurs de Hugues vinrent faire les obsèques de leur frère et lui érigèrent, comme mausolée, une magnifique chapelle sous l'invocation de la Vierge.
Bientôt des miracles illustrèrent la chapelle, et le nombre des pèlerins augmentant de jour en jour, on songea à rebâtir le sanctuaire dans de plus vastes proportions.
La légende raconte que la mère du Christ indiqua elle-même par un fil de soie le plan de l'édifice et que, les constructions achevées, Jésus-Christ descendit du ciel, le jour des Pâques fleuries, pour bénir le nouveau temple.
Le fil, auquel on attribue la faculté de faciliter les accouchements, se conserve encore à Laeken, mais les anciens bas-reliefs qui ornaient le jubé et qui retraçaient la légende, ont été détruits pendant les guerres de religion. Pour les remplacer, l'archiduc Albert fit exécuter le beau vitrail que l'on admire encore aujourd'hui.
C'est sous le gouvernement d'Albert et d'Isabelle que l'église fut restaurée. En 1623, l'infante s'y rendit en pèlerinage, accompagnée des dames de la cour et de plus de quatre cents béguines. Les musiciens de la chapelle chantèrent pendant la grand'messe, et un dîner fut ensuite servi dans les prairies avoisinantes. Trois tables y étaient dressées: une pour la princesse et sa cour, une seconde pour les béguines, une troisième pour les musiciens. Après avoir entendu les vêpres, le cortége revint processionnellement à Bruxelles.
Deux ans après, en 1625, Isabelle, à la demande du Père Récollet André A Soto, fit entourer la source des cinq plaies, qui coule à quelque distance de l'église et dont les eaux ont, dit-on, une vertu efficace contre la fièvre, d'un bassin de pierres de taille, qui a été restauré en 1841.
Les troubles de la guerre forcèrent plus d'une fois les habitants de Laeken à transporter à Bruxelles la statue miraculeuse de Notre Dame, qui était particulièrement honorée sous le titre de « Consolatrice des affligés. » Car c'était surtout dans les calamités publiques que l'on invoquait son intercession. En temps de sécheresse ou de fortes pluies, les habitants de Bruxelles et des environs y entreprenaient des pèlerinages ou y faisaient des processions solennelles pendant trois jours consécutifs.
Aussi la procession annuelle de l'Église était-elle jadis fort renommée. La mise à exécution de l'édit de Joseph II, du 10 mai 1786, qui défendait de porter dans les processions les images des saints, provoqua à Laeken des désordres très-graves [105].
A Malines, d'après un décret du magistrat, daté du 10 février 1493, le serment de la jeune arbalète ou la confrérie de saint George recevait une mesure de vin, chaque dimanche où elle tenait ses tirs, depuis Pâques jusqu'au dernier dimanche de septembre.
Dans la quinzaine de la reprise des exercices, les chefs et les jurés de la confrérie étaient tenus de rendre compte de leur gestion pendant le courant de l'année [106].
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18 avril.
(Narcissus moschatus.) Saint Ursmar; b. Idesbalde; sainte Aye.
Sainte Aye, proche parente de sainte Waudru et femme de saint Hydulphe, fit don de ses biens au chapitre de chanoinesses, fondé à Mons par sa pieuse parente et ne retint pour elle-même que le strict nécessaire.
Plusieurs années après sa mort, quelques-uns de ses héritier usurpèrent les alleux que la sainte avait donnés au chapitre, en prétendant que celui-ci n'y avait aucun droit. Après un long procès, on convint, de part et d'autre, de s'en rapporter à sainte Aye elle même; on invoqua son témoignage à haute voix, et du fond de son tombeau elle répondit, de manière à être entendue des deux parties, que le chapitre était propriétaire légitime des biens contestés. C'est à cause de ce miracle que les fidèles qui souffrent ou qui craignent de souffrir des injustices dans les procès, se mettent sous le patronage de sainte Aye.
Les reliques de cette sainte furent vénérées pendant des siècle dans la ville de Mons; mais les villes d'Anvers et de Bruxelles, ainsi que le béguinage de Notre-Dame à Gand, en obtinrent une partie; depuis lors ce béguinage célèbre la fête de sainte Aye avec neuvaine; le dimanche de l'octave de l'Ascension [107].
Le bienheureux Idesbalde, de la famille des Van der Gracht, abbé des Dunes, mourut le même jour, en 1167, et ses reliques, que le ciel a honorées par plusieurs miracles, reposent à Bruges dans l'hospice de Notre-Dame de la Poterie [108].
Saint Ursmar, dont la fête se célèbre également le 18 avril, et auquel onze églises sont consacrées, était né près d'Avesnes en Hainaut. Saint Landelin ayant fondé l'abbaye de Lobbes, sur la Sambre, Ursmar y prit l'habit religieux. Il fut élevé à la dignité abbatiale, lorsque saint Landelin se retira dans la solitude de Crépin. A la prière de Pépin de Héristal, il se rendit à Rome, vers l'an 690, et fut sacré évêque régionnaire par le pape Sergius I. Après avoir évangélisé le Hainaut, la Ménapie et la Flandre, il mourut le 18 avril 713, et fut inhumé dans l'église de Sainte-Marie, qu'il avait construite près de l'enceinte de son monastère. Il s'y opéra bientôt un tel nombre de miracles, qu'il fallut la transformer en collégiale. C'est là qu'au dixième siècle, les moines de Lobbes soutinrent le siége remarquable dont il est parlé dans toutes les histoires de la Belgique [109].
A Mons, le lundi après les Pâques closes, se tenait autrefois une foire qui durait quinze jours.
Jean II d'Avesnes, comte de Hainaut, accorda en 1290 à la ville de Mons deux foires, à la Pentecôte et à la Toussaint; la première de ces foires fut transférée, en 1609, au lundi qui suit les Pâques closes [110].
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19 avril.
(Allium ursinum.) Sainte Emma; saint Gérald;
sainte Léonie; saint Léon IX, pape.
sainte Léonie; saint Léon IX, pape.
Saint Léon, pape, mort en 1054, est patron de la commune de Meulebeke près de Thielt, dans la Flandre Occidentale. Une église paroissiale du diocèse de Liége, lui est également consacrée. Issu de la famille des comtes de Hainaut, il vint visiter sa nièce Richilde, dans l'abbaye de Notre-dame de Hautmont. Ce fut ce zélé pontife qui, d'après la chronique belge, approuva le premier, au concile de Mayence, la fête de l'immaculée Conception de Marie [111].
Dans l'ancienne abbaye de Forêt-lez-Bruxelles on célébrait la fête obituaire de Berthilde, qui fut la prieure de ce monastère, et qui mourut en 1139. En partant pour la croisade, en 1096, Gilbert d'Alost, châtelain de Gand, avait fait don à l'abbaye d'Afflighem, d'un de ses plus riches alleux, à charge d'établir en l'honneur de Marie un couvent de femmes, où devaient se retirer son épouse Ode et sa fille Lutgarde. L'abbé Fulgence leur assigna un emplacement près de l'église de Forêt, où reposait le corps de sainte Alène. Le monastère, qui n'était d'abord qu'un prieuré dépendant d'Afflighem, fut converti en abbaye, en 1239; le 9 octobre de cette année, Guy, évêque de Cambrai, consacra Pétronille Siger, première abbesse de Forêt. Berthilde, la première prieure, était, à ce que disent les annales d'Afflighem, une noble demoiselle, qui fut dès sa plus tendre enfance fort dévotieuse envers la Vierge. Lorsque son père partit pour la croisade, elle fut remise aux soins de la pieuse princesse Adèle, qui vivait dans la solitude, près de l'abbaye d'Afflighem [112].
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23 avril.
(Hyacinthus non scriptus.) Saint George ou sint Joris.
Saint George, le patron des guerriers parce qu'il fut lui-même un chevalier et un héros, est compté en Belgique parmi les saints plus vénérés. Bien qu'il n'y ait que trente-neuf églises qui lui soient consacrées (dont trois ont donné aux localités où elles sont situées le nom de Saint-George) [113], il n'est point de ville, il n'est presque aucun village, qui ne possède une chapelle ou un autel dédié à ce saint, en même temps qu'une société qui l'honore comme patron.
Dans la plupart des localités, le serment de Saint George ou « Sint Jorisgild » était la plus ancienne et la plus considérée de toutes les compagnies locales, ayant pour but le maniement des armes.
Ainsi, à Alost, la gilde des arbalétriers, sous le patronage de saint George, est la plus ancienne de la ville. Philippe-le-Bon en renouvela les statuts et privilèges le 16 octobre 1431 [114].
Les arbalétriers d'Anvers ne sont mentionnés pour la première fois qu'en 1326.
A Bruges, la société de Saint George apparaît dans les premières années du quatorzième siècle, alors qu'une dame accorda aux arbalétriers sa chapelle de Saint Pierre, pour y faire célébrer l'office divin [115].
A Courtrai, Louis de Nevers donna en 1323 des privilèges au serment des arbalétriers ; gracieuseté que les confrères se hâtèrent de justifier, en remportant le premier prix d'adresse dans plusieurs concours : à Bapaume, en 1326; à Ardenbourg, en 1331; à Ath, en 1332 [116].
A Diest, le serment de Saint George ou le grand serment (Sint Joris of groote gilde), appelé autrefois « Gezelschap van den rooden Valk, » Société du Faucon rouge, passait pour être très-ancien, et comptait plusieurs seigneurs parmi ses membres. En 1387 il fut invité au grand concours que donnèrent les arbalétriers de Mons. Jean de Hiensberg, évêque de Liége, lui accorda le 12 octobre 1450, la chapelle de Toussaint, et au « landjuweel » de Malines en 1458, les arbalétriers de Diest remportèrent le premier prix. En 1796, le serment fut supprimé; rétabli le jour de saint George 1811, il continua d'être une des sociétés les plus considérables de la ville. Il brasse encore annuellement sa célèbre bière nommée « gildenbier, » et accompagne avec sa torche et son « braek » (collier) élégant la procession de la Fête-Dieu [117].
La confrérie de Saint George, à Dixmude, qui s'exerçait à l'arbalète et dont les membres portaient pour uniforme un habit écarlate avec veste, culottes et bas blancs, ouvrit en 1472 un concours pour toutes les sociétés du pays et de l'étranger [118].
A Gand, la « gilde van Sint Joris » ou serment de l'arbalète (schutters met den stalen boog of kruisboog) fut érigée, d'après l'opinion la plus accréditée, au temps de Jacques d'Artevelde, vers 1342, mais il est plus que probable que son origine remonte au XIe siècle.
A Hamme, village situé sur la rivière de Durme près de Termonde, le serment de Saint Georges « Schutters gulde Sint Joris » jouissait des mêmes droits que celui de la ville. Il fut confirmé dans ses privilèges, par des chartes de Charles de Bourgogne, de Maximilien et de Charles V [120].
A Lierre, la gilde de l'arbalète ou de Saint George, « gulde van den voetboog» ou « Sint Joris gulde, » la plus ancienne des trois gildes de la ville, recevait chaque année, le jour de son patron, deux paternoster de la commune [121].
Les deux serments de Louvain, le grand serment ou serment de Notre-Dame, et le petit serment ou serment de Saint George, datent de 1313 [122].
« De adele oude kruys-boog gulde» ou le noble et ancien serment de l'arbalète, qui existe encore à Malines, donna en 1404 son premier grand concours. A cause de son ancienneté, il passait pour le premier serment de la ville. Son local de réunion était situé sur le marché aux grains. Charles de Bourgogne lui donna en 1474 des privilèges, que le roi Philippe II d'Espagne confirma en 1575.
Le serment dit « den jongen Boog » ou la gilde de la jeune arbalète, dont le règlement date du 10 février 1493, tira pendant longtemps son perroquet sur la tour de l'église de Saint-Nicolas. A l'instar de chacun des cinq serments de Malines, il était composé de soixante membres ou « Guldebroeders » qui, depuis la saint George jusqu'à la saint Bavon, s'exerçaient chaque dimanche à tirer de l'arbalète. D'après leur règlement, les sociétaires de ce serment qui ne se présentaient pas la veille et le jour de la fête de saint George pour porter la statue du saint, étaient punis, pour le premier fait d'une amende d'une demi-livre de cire, et pour le second, d'une amende d'une livre. Pour assister à la procession des Pâques, le serment recevait chaque année 24 escalins. La fête patronale se célébrait le dimanche après la saint George par une messe solennelle à l'église de Saint-Rombaut [123].
Le serment de Saint George de Mons date de 1316; celui de Namur fut institué en 1266, on plutôt en 1276, par le comte Guy [124].
A Termonde, la gilde de Saint George (Sint Jorisgilde) ou de l'arbalète (voetbooge), est le plus ancien et le plus honoré de tous les serments de la ville. Philippe-le-Bon le confirma et lui donna de nouveaux privilèges par une charte de 1451, où il est dit que les arbalétriers ont bien mérité de ses aïeux et de leur propre ville, « dat zy aen zyn voorvaderen dickwils met lof hebben dienstich geweest ende aen dese stadt tot bescherminge. »
En 1455, ces arbalétriers remportèrent le prix au grand concours de Tournai, où il y avait 59 serments et 523 tireurs
A Vilvorde, la gilde des arbalétriers, dont saint George était le patron, se réunissait annuellement le jour de la fête de ce saint, dans sa chambre (op ter schutters camere) à l'hôtel de ville, et se rendait de là à l'église, pour y entendre la messe.
Cette gilde, dite la grande gilde, n'ayant pas encore de statuts, les magistrats lui en donnèrent le 12 décembre 1416, et le duc Jean IV, en approuvant ces statuts, le 5 décembre 1417, déclara absoudre d'avance le tireur qui, pendant un tir, commettrait un homicide sans qu'il y eût de sa faute.
Le 5 avril 1530, le maire et les échevins remirent en vigueur le règlement de la gilde, et Charles-Quint l'approuva, le 18 janvier suivant.
Les confrères de cette gilde figurèrent dans la plupart des grands concours du pays, et particulièrement à Malines, en 1393 et 1404, à Tournai, en 1394, à Bruxelles en 1465, 1565, etc. Ils donnèrent eux-mêmes des tirs en 1442, 1457, etc.
Depuis le dimanche après la saint George jusqu'au dimanche avant la grande kermesse, la gilde donnait tous les mois un tir « maenscheut » [125].
Tous ces serments sont organisés de la même manière. A peu d'exceptions près, leurs statuts sont semblables; ils ont été publiés en partie par M. Alphonse Wauters, archiviste de Bruxelles, dans son excellente monographie des anciens serments de cette ville.
Partout les arbalétriers reconnaissent saint George pour protecteur; même si, en quelques villes, les serments de l'arbalète vénèrent particulièrement la mère du Christ ou quelqu'autre saint, saint George est toujours associé au culte qu'on leur rend, et sa fête est célébrée aussi solennellement que celle du patron dont le serment porte le nom [126].
A Anvers se faisait chaque année une procession en souvenir de la victoire que les Anversois remportèrent sur les Flamands, le 23 avril 1485.
On y portait solennellement la statue de saint George, puis on se livrait à diverses réjouissances. C'est l'origine de la kermesse, dite St-Joris kermis, qui dans la suite fut transférée au dimanche après la saint Jean, et a cessé d'avoir lieu depuis 1846 [127].
D'après la croyance populaire, il est bon de semer le jour de saint George, si la lune n'est pas défavorable [128].
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24 avril.
(Prunus spinosa.) Saint Fidèle de Sigmaringen; saint Léger.
Le deuxième dimanche après Pâques s'appelle, dans la Flandre Occidentale, « Oude queinen-zondag » ou « Oude wyvekensdag, » dimanche des vieilles matrones [129].
A Liége, il est d'usage que les enfants qui ont fait leur première communion aillent en pèlerinage à Notre-Dame de Chièvremont.
A Bruges, on célébrait ce jour les tournois très-renommés de l'Ours blanc.
La statue de l'Ours blanc, placée dans une niche au coin de l'Académie des Beaux-Arts, est le dernier souvenir de la société chevaleresque de l'Ours blanc, qui date de l'an 1320. En cette année, Jean Metteneye fut fait forestier de la société du tournoi de l'Ours blanc. C'était là le titre que l'on donnait au chef, dont les fonctions duraient un an. Il acquérait ce titre en remportant dans la joûte le prix de la lance (spiet). Les autres prix, accordés annuellement tant au chevaliers étrangers qu'à ceux de Bruges, consistaient en un ours et un cornet de chasse en argent.
Le deuxième dimanche après Pâques le forestier, accompagné des autres chevaliers qui avaient tous une suite brillante, se rendait en grand cortége de l'abbaye d'Eekhoutte, lieu ordinaire de la réunion, à la grand'place. Là il faisait le tour de l'arène, recevait les compliments des étrangers et donnait le signal des joûtes. Un public nombreux encombrait le peu d'espace laissé libre autour de l'arène, et occupait toutes les croisées des maisons de la place.
Les tournois les plus brillants de Bruges furent ceux que donna en 1392, Jean de Bruges, seigneur de Gruthuyse, et qui sont décrits dans deux manuscrits de la bibliothèque de Paris, ceux de 1468 et ceux de 1479, où l'archiduc Maximilien se distingua, costumé en bourgeois de Bruges.
Les membres de l'Épinette de Lille venaient disputer le prix à ceux de Bruges; en revanche, les Brugeois se rendaient tous les ans aux fêtes de l'Épinette, lesquelles, depuis 1470, par ordre de Charles, duc de Bourgogne, avaient lieu le dimanche avant carême.
Arnould Breydel, qui embrassa le parti de Maximilien, et porta les armes contre sa ville natale, fut le dernier forestier. Il paya sa conduite de sa tête, en 1489 [130].
Le même jour a lieu à Gand la kermesse qu'on nomme « Zomerlief » ou « O. L. V. tert-den-teen. »
Une auberge appelée « Staekske » et située hors de la porte de Bruges, à une demi-lieue de la ville, est le rendez-vous d'une foule innombrable de promeneurs qui y affluent pour s'amuser à boire de la bière, à manger du jambon (eene musch hesp) et à danser.
L'usage de se choisir ce jour-là une danseuse pour l'été en lui marchant sur le pied, valut à cette fête le nom populaire de « Zomerlief » ou « O.L.V. tert-den-teen. »
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25 avril.
(Tulipa prœcox.) Saint Marc, auquel deux églises sont consacrées.
La « Saint-Marc » est une locution qui revient souvent dans la bouche des campagnards. Comme en général le 23 de chaque mois, le 23 avril était un jour férié, et compte parmi les jours de sort. Un grand nombre d'idées populaires s'y rattachent.
« Zoo lang de vorschen voor sint Markus quaeken, moeten zy na sint Markus zwygen, » les grenouilles se tairont autant de jours après la saint Marc qu'elles auront coassé auparavant, dit un proverbe flamand [131].
Réciter les prières de saint Marc est un antique devoir du cultivateur.
Il ne faut pas manger de viande ce jour, si l'on ne veut pas récolter la grêle ou la mauvaise herbe.
La semaine de saint Marc est bonne pour les semences, quand la lune est favorable.
On dit que celui qui se rend, la nuit de saint Marc, sur le portail d'une église, entre minuit et une heure, voit les esprits de ceux de ses voisins qui mourront pendant l'année. C'est ce qu'on nomme « quaed zien» [132].
Dans les contrées où l'on a un soin spécial de la culture du lin, que l'on sème vers cette époque, on appelle communément ce jour « Marcus de vlaszaeijer, » saint Marc le semeur de lin; et comme de temps immémorial cette culture est en grande considération en Belgique, il n'est pas étonnant que la procession, en tout semblable à celle des Rogations, qui se fait le jour de saint Marc, passe pour une institution destinée à obtenir du ciel une bonne récolte de lin et de chanvre [133].
A Liége les vitriers chômaient la fête de saint Marc, leur patron.
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26 avril.
(Erysimum barbarea.) Saint Clet; saint Floribert;
saint Gaston; saint Marcellin.
saint Gaston; saint Marcellin.
Il n'y a que trois églises dédiées aux saints Clet et Marcellin.
A Malines le métier des « oude schoenmaeckers » ou savetiers célébrait à l'église de Notre-Dame au-delà de la Dyle la fête de saint Anien, son patron.
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29 avril.
(Geranium Robertianum.) Saint Antoine;
saint Libert; saint Pierre de Milan.
saint Libert; saint Pierre de Milan.
Le samedi avant le 1er mai le serment des archers Bruxelles tirait l'oiseau, que l'on plaçait au sommet de la grosse tour, au Pré-aux-Laines, sur le rempart situé entre les portes de Namur et de Hal. Tous les confrères devaient y assister, sous peine pour chaque contrevenant d'une amende de dix placques. Le vainqueur donnait caution pour le collier dont on le ceignait, et comme indemnité des dépenses que lui causait son triomphe, on lui remettait un florin d'or ou soixante placques.
Le lendemain se faisait une procession dans laquelle on portait la statue de saint Antoine; ensuite avait lieu un grand repas commun, auquel tous les membres étaient tenus d'assister [135].
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30 avril.
(Primula veris.) Saint Eutrope; sainte Catherine de Sienne.
Saint Eutrope, auquel deux églises sont dédiées en Belgique, est appelé vulgairement saint Itrope et invoqué par le peuple contre les hydropisies.
Dans la célèbre abbaye d'Afflighem en Flandre, on fête la mémoire du bienheureux Radulphe ou Raoul, prêtre et moine de cette abbaye, lequel garda un silence absolu durant sept années, et éteignit un jour un violent incendie, par le seul signe de la croix [136].
A Walencourt, vulgairement appelé Waulsor près de Dinant, la fête de saint Forannan attire chaque année un grand concours de pèlerins, qui y affluent de toutes parts pour honorer les reliques de ce saint, et pour invoquer son intercession contre les maux de dents.
Issu d'une noble famille d'Écosse, saint Forannan occupait un siége archiépiscopal dans sa patrie, quand il eut une révélation qui lui ordonna de se rendre au pays de Namur, à Beauval ou Valencourt (Vallis decora) pour y assister un comte qui voulait ériger un monastère. II choisit douze compagnons, passa la mer d'une manière miraculeuse, et arriva à l'endroit indiqué où il raconta au comte sa révélation. Puis il alla à Rome pour demander la confirmation du monastère. Benoît VII la lui accorda sous la condition expresse qu'il retînt la dignité épiscopale et qu'il fût le premier abbé. De retour à Waulsor, il y mourut le 30 avril 982, après avoir vécu en grande sainteté. Nombre de miracles opérés à son tombeau illustrèrent l'église où l'on honore ses reliques. On y conserve également l'étole avec laquelle le saint guérissait de la morsure d'un chien enragé, et par laquelle plusieurs personnes ont été délivrées depuis du même mal [137].
A Malines les fripiers ou « oude kleerkoopers » célébraient autrefois la fête de saint Quirin, leur patron, par une messe solennelle dans l'église Saint-Rombaud.
Le dimanche après la saint Marc la gilde de l'arc qui existait à Watermael près de Bruxelles, sous le patronage de la Vierge et de saint Clément, tirait annuellement l'oiseau. Le vainqueur était proclamé roi; s'il remportait le prix trois fois de suite, il prenait le titre d'empereur; après le tir il y avait un banquet suivi de la reddition des comptes et de la réélection des dignitaires.
Les statuts de cette gilde furent approuvés et confirmés par la gilde de l'arc de Bruxelles. Lorsque celle-ci avait résolu d'aller à un tir, elle se réservait le droit d'y envoyer un ou deux très-adroits tireurs, choisis dans la gilde de Watermael, comme dans les autres petites gildes de son ressort, mais en les indemnisant de leurs dépenses.
D'après les statuts, chaque confrère devait se faire confectionner un nouvel habit tous les deux ans, pour le jour de la fête du Saint-Sacrement ou celui de la kermesse, et devait payer une amende de six placques, s'il n'assistait pas au tir. S'il blasphémait ou commettait quelque autre délit, il devait donner dix-huit mites.
Au grand tir qui eut lieu à Bruxelles le 11 juin 1531, les archers de Watermael gagnèrent une assiette d'argent [138].
Le troisième dimanche après Pâques, on célèbre à Vilvorde la procession solennelle de la confrérie de Notre-Dame de la Consolation. Cette procession sortit pour la première fois en 1575.
C'est aux religieuses Carmélites qu'est due l'extension du culte que l'on rend à Vilvorde à l'image de Notre-Dame de la Consolation. A leur prière l'évêque Robert de Croy érigea la confrérie de ce nom (21 août 1538), que plus tard l'archevêque Vanhove annexa à celle du Scapulaire, et qui compte encore un grand nombre de membres. Jusqu'en 1632 les religieuses accompagnaient la procession, tenant un cierge à la main; alors s'introduisit l'usage de faire porter par de petits enfants, les emblèmes des mystères de la vie de la Vierge ou les tableaux des miracles obtenus par son intercession.
Les temps de calamité forcèrent à plusieurs reprises les Carmélites de s'enfuir et de rebâtir leur chapelle. En 1831, la communauté reprit l'observance rigoureuse des statuts de l'ordre. L'église a été achevée en 1665 et consacrée le 6 septembre 1671 [139].
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[1] Een Aprilvisch. Zedeschets, door Willems. De Vlaemsche Stem, t. V, 169-70; Croon, p. 180-182; D.d.O. t. I, 80-81 ; L'illustration belge. Almanach national, 1855, Bruxelles. pp. 57-58.
[2] Liebrecht, O. J., pp. 228-231.
[3] Cornet,p. 217; B.M., pp. 55, 84, 166, 183, 197; De Reume, pp. 178-181, 253-254.
[4] Coremans, pp. 63-64.
[5] Costumen van den Land ar. Waes, 17, 140, 1.
[6] B.M., p. 65.
[7] Coremans, p. 79.
[8] Écrevisse, p. 390.
[9] Gorrissen, p. 356.
[10] Coremans, pp. 110-111.
[11] Mertens, t. III, 418-419.
[12] Rym-spraken op het leven, lyden en dood ons Heere Jesu Christ ende de weedommen van d'Allerheyligste Maget en Moeder Gods Maria, met een kort begryp en uytlegginge der Mysterien, de welke jaerlycks op den Palmen-Sondag vertoont worden in de processie der Eerw. PP. Capucinen binnen Brugge. Brugge, 1735.
[13] DÉCRET DE SUPPRESSION DE LA PROCESSION A BRUGES.
Chers Et Bien Aimés, étant informée que, depuis l'an 1667 il s'est introduit dans la procession qui s'exécute tous les ans dans votre ville de Bruges, le dimanche des Rameaux, un nombre considérable de soi-disant pénitens qui accompagnent, les uns en traînant après eux des grandes boules de fer, attachées à des chaînes, les autres étant chargés de grandes croix de bois, et d'autres enfin étant vêtus de cilices, ou ayant la tête couverte de sacs de différentes couleurs, que quelques-uns de ces soi-disans pénitens, habillés à la romaine, portent des casques, des grouppes et des grandes figures sur la tête, que plusieurs d'eux, travestis en génie, chantent des psaumes de la pénitence et déclament des vers flamands, que d'autres portent des falots en guise de brasiers, que quelques-uns battent la caisse, que Philippe-le-Bel est représenté en habit espagnol, que cette marche se termine par une nombreuse cavalcade de gens habillés à la romaine qui représentent la garde de Pilate,
Nous vous faisons la présente pour vous dire, que nous avons supprimé comme nous supprimons cette partie de procession dont il s'agit, que notre intention est que personne ne l'accompagne en habit ou ajustement quelconque déguisé et non ordinaire, que l'on ne porte ou fasse porter aucune image, instrument ou représentation sous quelque dénomination qu'elle puisse tomber, à la réserve de l'image de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs et qu'en un mot les choses soient réduites à leur institution primitive, et sur le pied où elles étaient en 1667. En conséquence nos roiales intentions sont, qu'à la réception de cette, vous émaniés et publiés en due forme une ordonnance, qui fasse connaître au public la suppression que nous venons de faire, et enjoigne à tous et un chacun de s'y conformer, sans pouvoir s'en écarter en manière quelconque, ni sous quelque prétexte que ce puisse être, le tout sous des peines convenables à commines.
A tant, chers et bien Aimés, Dieu vous ait en sa sainte garde. De Bruxelles, le 23 mars 1778. (*)
(*) Clément, II, 265-266.
[14] Schayes, pp. 158-159; E. Van Even, monographie de l'église de St-Pierre à Louvain. Louvain, 1858, p. 9.
[15] Dans la même ville on avait coutume de promener autour de l'église St-Jacques une énorme statue représentant le Seigneur assis sur un âne. Cette statue, qui s'avançait sur des roulettes, avait été exécutée en 1497, par Jean Van Bullestraten, de Louvain. (E. Van Even, l'Église de St-Jacques, p. 221.)
[16] Cet illustre prélat ayant été faussement accusé de conspiration, Louis-le-Débonnaire le fit arrêter et mettre en prison. Durant sa captivité, il composa cet hymne, qui contient soixante-dix-huit vers. Le jour des Rameaux, Louis-le-Débonnaire se trouvant à Angers, passa devant la prison de l'Évêque. Celui-ci se mit à la fenêtre, et à travers les barreaux, chanta son joyeux cantique. Le roi en fut si charmé, qu'il rendit la liberté au prélat et le rétablit sur son siège. C'est de là qu'on prit occasion de chanter ce cantique pendant la procession des Rameaux.
[17] Cornet, pp. 54-56.
[18] Avontroodt, Mss., p. 21.
[19] Avontroodt, Mss., p. 21.
[20] Volksleesboek, p. 15.
[21] En lichant les palmes bénites dans la terre, les paysans de la Flandre Occidentale récitent les paroles suivantes :
Ik zegen hier myn koorn
Tegen den bliksem en tegen den oorm
Tegen de meissens en tegen de knechten,
Opdat ze myn koorn niet ommevechten,
En tegen dat duivelsch zwynges
Dat zoo kwaed om pikken es
(De Toekomst, t. I, 367).
[22] Liebrechts, O. I, op. 227-229-239.
[23] Coremans, p. 78.
[24] La Meuse Belge, p. 42.
[25] Tuinman, Voorteekenen, p. 5.
[26] Coremans, p. 79.
[27] De Smet, M.d.M., pp. 153-155.
[28] Coremans, pp. 54, 112.
[29] Liebrecht, O. I., p. 233.
[30] B.M., p. 69.
[31] Le jeudi saint, qu'on appelait aussi jeudi absolu à cause de l'absolution qu'on donnait alors aux pénitents, nous rappelle, outre l'institution du sacerdoce indiquée par la bénédiction du saint chrême et le lavement des pieds, « l'institution de la sainte Eucharistie. » C'est la célébration de ce mystère qui est l'objet principal de la fête du jeudi saint. Pendant longtemps cette fête dont le pape Léon décréta la solennisation en 692, fut obligatoire, et on adoucissait le jeûne à cause de la grande solennité de ce jour. Anciennement il était même d'usage que tous les fidèles communiassent; ceux qui jeûnaient, recevaient la communion le soir, et ceux qui ne pouvaient jeûner la recevaient le matin. Mais, dans la suite, l'Église jugea à propos de transférer la fête particulière du Saint-Sacrement au jeudi après l'octave de la Pentecôte, et le concile de Trente, assemblé en 1549, réduisit le jeudi saint au rang des douze fêtes livrées à la dévotion des fidèles. L'Église ne laisse pas cependant d'honorer encore aujourd'hui la sainte Eucharistie dans les offices de ce jour.
Dans la messe qui se célèbre avec toute la pompe que permet le deuil de la Passion, on ne donne point la paix, comme dans les autres fêtes, par horreur pour le baiser sacrilège que le traître Judas donna à son maître. Si tous les prêtres, excepté le célébrant, s'abstiennent de dire la messe ce jour-là, ce n'est pas par des motifs de deuil comme le vendredi et le samedi saints: c'est pour imiter de plus près la cène, où le Seigneur, instituant l'Eucharistie, fit pour la première fois les fonctions de sacrificateur et fut le seul célébrant (*).
(*) Cornet, p, 70.
[32] Mertens, t. IV, pp 250-251.
[33] H.d.E.d.B ,t. I, 327.
[34] Cf. 12 février.
[35] De Vlaemsche School. t II. 25 sq.
[36] Azevedo.
[37] Schayes, p. 204.
[38] Ibid., pp. 229-230.
[39] Ibid., p. 164.
[40] Ibid., pp. 162-163.
[41] Bowens, t. I, 147-148.
[42] Dierickx, II, 630-631; Steyaerd, pp. 197-198.
[43] Schayes, p. 205.
[44] Schayes, p. 204.
[45] Belgisch Museum , t. IV, 382 ss.
[46] Coremans, p 78.
[47] H.d.E.d.B., t. I, 23.
[48] Dans deux diplômes de l'empereur Othon 1er qui datent, l'un de 947, et l'autre de 972.
[49] Bovy. Promenades historiques dans le pays de Liège, t. II, 18-32; De Reume, p. 53-58; La Meuse belge, p. 167-168.
[50] Cornet.
[51] Schayes, pp. 160-161
[52] Schayes, pp. 159-160)
[53] Clément, t. II, 345-346.
[54] Clément, t. II, 342.
[55] Bovy, t. 1, 36-37.
[56] Schayes, p. 207.
[57] Le vendredi saint, 8 avril 1678, est le seul jour, où le privilége n'eut point son exécution à cause du désordre qui régnait dans la ville, laquelle venait de se rendre aux Français.
[58] Messager des Sciences et des Arts de la Belgique, année 1833, pp. 276-284.
[59] Wolf, N.S. pp. 285-286.
[60] Coremans, p. 78.
[61] Coremans., p. 98.
[62] Coremans, p. 78.
[63] Wolf, N. S., p. 503.
[64] B. M., p. 71 ; Gazet, pp. 61-72.
[65] Coremans, p. 68.
[66] Schayes, p. 219.
[67] Loc. cit.
[68] Volksleesboek, p. 16; Ecrevisse. De Bokkenryders. Brussel, 1854, p. 39.
[69] H.d.E.d.B., t. II, 248.
[70] H.d.E.d.B., t. III, 682-683.
[71] Le cloches, auxquelles l'église a attaché un grand nombre d'idées et d'ordonnances les unes plus poétiques que les autres, se sont transformées dans l'imagination populaire en êtres animés et doués du don de prophétie. Elles parlent à de certaines époques de l'année, comme le jour de St-Jean à midi, la veille de Noël à minuit; elles ont la force de se mouvoir, pour aller à Rome, où selon la croyance des enfants de Cologne le pape les régale; enfin elles annoncent la mort de telle ou telle personne en sonnant d'elles-mêmes.
La première cloche bénite ou baptisée reçut le nom de Jean. Le pape Jean XIII, la bénit en 968 pour l'église de Saint-Jean de Latran.
[72] Coremans, pp. 21-134; Cornet, p. 102
[73] Cornet, p. 90.
[74] Wodana, p. 104; Clément, t. II, 165.
[75] Gazet. p. 379.
[76] Clément, t. II, 176-224.
[77] Annales du Cercle Archéologique de Mons. Mons , 1858, t. I, pp. 105-111.
[78] Cornet, p. 102-104; Schayes, p. 117.
[79] Van Alkemade, t. I, 405-412.
[80] Molanus, p. 495.
[81] Cornet, pp. 106-108.
[82] Coremans, pp. 43, 44, 79; Wodana, pp. 112, 222; Schayes, pp. 232-233.
[83] H.d.Ed.B., t. I, p. 283.
[84] Gorrissen, p. 355.
[85] E. van Even, pp. 7-8.
[86] Maestertius, p. 98.
[87] Constitution et Règlement de la Société royale de Saint-Sébastien à Bruges. Bruges , 1846.
[88] H.d.E.d.B., t. III, 296.
[89] Schayes, pp. 168-169.
[90] H.d.E.d.B., t. I, 478.
[91] Het Leven van den heyligen Veron, etc. (cf. 30 mars), pp. 58-59.
[92] Écrevisse, p. 12.
[93] Cette montagne, jadis boisée et inculte, s'appelait anciennement « Mont Minerve » et « Buillemont » (montagne mugissante). Elle fut appelée Mont Saint-Aubert vers le milieu du septième siècle, du nom d'un pieux ermite qui y menait une vie solitaire. C'était, disent les légendes, un personnage de noble origine, qui, pour mieux se livrer à l'oraison, s'était retiré sur cette montagne, où il exerçait l'état de boulanger. Son âne portait à la ville, sans être guidé, les pains que le maître avait cuits, les vendait à prix fait et rapportait l'argent dans une bourse attachée à son col. Le produit de la vente était aussitôt après son retour distribué aux pauvres.
On voyait autrefois dans l'église des peintures qui représentaient quelques épisodes de la vie du bienheureux, mais elles ont toutes disparu.
Peu après la mort de saint Aubert, on éleva une église dédiée à la Sainte-Trinité, ce qui fut cause que depuis on appela ce lieu indifféremment « Mont Saint-Aubert » ou » de la Trinité. »
Depuis un temps immémorial, on s'y rend en pèlerinage à la mort d'un parent, dont on déplore la perte. Les jours spécialement consacrés à ce voyage expiatoire sont le lundi et le vendredi de chaque semaine.
[94] Description des monuments de Tournai, par Chotin. Tournai, 1851, 151-157.
[95] Geschied- en zedekundige voorlezingen over de Kempen, gedaen op het Genootschap De Dageraed te Turnhout, 1852, p. 37.
[96] B.M. p. 74.
[97] H.d.E.d.B., t. II, 662.
[98] Coremans, p. 54.
[99] Coremans, p. 20.
[100] Loc. cit., pp. 19, 164.
[101] Loc cit. p. 64.
[102] Coremans, p. 80.
[103] Cf. 31 décembre.
[104] Cornet, p. 107, sq.
[105] H.d.E.d.B., t. II, 347-358.
[106] Journal de Malines, 24 avril 1842.
[107] De Smet, M.d.M., pp. 190-193.
[108] Loc. cit., 290-293.
[109] De Smet, M.d.M. pp. 229-234; B.M. p. 78.
[110] De Boussu, pp. 247-276.
[111] B.M.,pp. 70-79.
[112] B.M., pp. 79-205.
[113] Saint-George près de Bruges, Saint-George près de Furnes et Saint George dans la province de Liége.
[114] De Smet, p. 43.
[115] Wauters, Not.hist.s.1.anc.serm. de Brux.. p. 2.
[116] Wauters, loc. cit.
[117] Geschiedenis van Diest, I, 233-235.
[118] Ann. de la Société d'Ému!, de Bruges, t. III, 277.
[119] Wegwyzer der stad Gent . Gent 1859, p. 338.
[120] Maestertius, p. 125.
[121] Van Lom, p. 129.
[122] Piot, p, 164.
[123] Wauters, loc. cit. p. 2.
[124] Maestertius, p. 37, 83.
[125] H.d.E.d.B., t. II, 467-468.
[126] Wauters, loc. cit., p. 3.
[127] Mertens, t. III, 292-293.
[128] Coremans, p. 79.
[129] Coremans, p. 44.
[130] Ann. de la Société d'Émul. de Bruges, t. I, 29 sq.
[131] Tuinman, Voorteekenen, p. 6.
[132] Coremans, pp. 20, 79, 80.
[133] Avontroodt, Mss., p. 30.
La procession de la saint Marc, appelée généralement « la Grande Litanie,» a été établie, dit-on, par le pape saint Grégoire, en 590. En novembre 589, le Tibre avait débordé d'une manière effrayante, et, en se retirant, il avait laissé dans les campagnes une telle infection, que celui qui éternuait ou qui bâillait, était atteint de la peste. Le pape Pélage II venait d'être emporté par cette maladie. Son successeur, saint Grégoire le Grand, ordonna des supplications et des jeûnes extraordinaires pour obtenir de la grâce de Dieu la cessation du fléau. Ses vœux furent exaucés, et en mémoire de ce bienfait, Grégoire institua la procession annuelle (*).
(*) Cornet, pp. 109-110.
[134] B.M. p. 82.
[135] Wauters, Not.hist.s.l.anc.serm. de Bruxelles, p. 23.
[136] Gazet, p. 330.
[137] Gazet, pp. 298-299.
[138] H.d.E.d.B., t. III, 340.
[139] H.d.E.d.B., t. II, 508 sq.