LEGENDES Les origines flamandes du Roman de Renart

 

Reinaert de Vos
Sculpture en bois
Eglise Sainte-Catherine à Hoogstraten


REINAERDE DEN VOS
(Renart le Goupil)

Les origines flamandes du Roman de Renart


Il n’y a plus à présenter, sans doute, le Roman de Renart et ses multiples historiettes qui mettent en scène Renart le Goupil, Ysengrin le Loup, Chantecler le Coq, Noble le Lion, Tybert le Chat, Brun l’Ours, etc. Satire de la société du moyen-âge, le Roman de Renart nous passionne toujours, parce que les fondements de la société n'ont guère changé :  il y a toujours des princes, des tyrans, des riches, des gouvernants divers qui sous couvert de démocratie ou d'inspiration divine - on choisira selon ses affinités propres - nous harcèlent, nous trompent, nous mènent où bon leur semble... et ne nous rendent pas plus heureux. Renart le Goupil est une sorte de rebelle, un "desperado",  dont la seule arme, face aux pouvoirs, est l'ironie et la dérision.

Renart le Goupil est aussi le symbole du « trickster », fripon, farceur, personnalité chaotique à la fois bonne et mauvaise, sérieux ou drôle, individualiste, anarchiste, qui remet en cause les institutions, les lois, la morale… Ce type de personnage est présent dans de nombreuses mythologies et traditions. Il est la « face cachée » des dieux, et peut-être, quelque part, la justification-absolution des côtés sombres de l’âme humaine. On le retrouve dans les mythes nordiques, sous les traits de Loki, dieu qui s’oppose aux dieux; chez les Indiens d’Amérique, c’est le Coyote ; Amaguq chez les Inuits ; le Lièvre en Afrique ; etc. Sa « psychologie » et son rôle dans les affaires humaines et divines, ont été fort bien  expliqués par Mircea Eliade, Claude Levi-Strauss, Carl-Gustav Jung, entre autres. Il est encore ce Thyl Ulenspiegel des premiers textes, avant que Charles De Coster n’en fasse un héros très recommandable.

Renart, finalement, est un sale type. Mais il est sympathique. Et un sale type sympathique face aux sales types antipathiques des pouvoirs... le peuple aura vite fait son choix. Nobody's perfect.

Tous les petites Belges, les petits Français, les petits Allemands, et d’autres, ont entendu cette fable, un jour ou l’autre.

Diverses versions de ce « roman » ont été écrites, en France et en Allemagne principalement. Mais ce que l’on aurait bien tendance à ignorer, c’est que la première version, qui servit de bases aux versions ultérieures, a été écrite par un Flamand, Nivard de Gand, en l’an de grâce 1150, en vers latins, sous le titre « Reinardus Vulpes, carmen epicum seculis IX et XII conscriptum ».

Une version postérieure a été écrite en flamand (dans sa variante « thioise », ou « Diets », parlée entre 1200 et 1500), qui situe l’action du roman en Flandre, principalement dans le territoire-frontière entre Zeeuws-Vlaanderen (Pays-Bas) et Oost-Vlaanderen (Belgique). Tirée du Manuscrit de Combourg (fin XIVème siècle), cette version, écrite par Willem, est également inspirée par des versions françaises (l’une d’elle est probablement le « Plaid »), elles-mêmes postérieures au « Reinardus Vulpes » de Nivard de Gand.

J.F. Willems, dans un article publié en 1833 dans le Messager des sciences et des arts de la Belgique, nous livre l'une des plus intéressantes études qui tende à démontrer les origines flamandes du Roman de Renart. Je vous en livre ici la teneur.

Charles Saint-André

































LEGENDES Les Anges de Mons

 




LES ANGES DE MONS

"The Angels of Mons"

Tout un chacun, à un moment ou l’autre de sa vie, a levé les yeux au ciel, et, dans le déroulement continu des nuages poussés par le vent, dans ce kaléidoscope céleste qui laisse libre cours à tous les imaginaires, tout un chacun donc a « vu » quelque chose…  Un visage d’homme ou de femme, un animal fabuleux, un paysage de l’au-delà…  

Cela ne veut rien dire sans doute…  Mais les « formes » que l’on aperçoit sont incontestablement réelles.  Les Chaldéens et les Grecs, puis aussi les Chinois, et d’autres encore,  en firent une science divinatoire, la néphomancie. Pour prédire l’avenir bien sûr, mais aussi pour évaluer  la « qualité d’un terrain »,  comme cela a lieu dans le Feng-Shui…

Vous voyez un visage de femme… Et quelques secondes plus tard, ce visage se transforme et devient un museau de loup, puis une île sur l’océan…

Nous sommes entourés de signes, qui ne sont sans doute tels qu’à la mesure de nos attentes, de nos espoirs…

Mais le soir du 23 août 1914, lors de la Bataille de Mons, quand, venus prêter main-forte aux Belges quelques jours après l’invasion de leur pays par les troupes du Kaiser Guillaume II, les soldats de la British Expeditionary Force (BEF) font face à une force allemande qui leur est largement supérieure en nombre, le ciel commence à montrer des choses assez étonnantes.

En Belgique, cette « curieuse affaire » est peu connue. Mais dans les pays anglo-saxons, de nos jours encore, elle donne toujours lieu à commentaires et souvenirs…

Le 4 août 1914, en application du plan Schlieffen, les troupes allemandes envahissent la Belgique, avec pour objectif de prendre l'armée française à revers, la bousculer, puis foncer sur Paris. Les Belges résistent mais, face au rouleau compresseur germanique, doivent se replier. Les Français et les Britanniques, qui ont réagi rapidement, vont alors tenter à leur tour de contrer l'attaque allemande en Belgique. Les hommes du Corps expéditionnaire britannique prennent position aux environs de Mons, et le 23 août, sont attaqués par les armées du Kaiser, largement supérieures en nombre. Au plus fort de la bataille, les Britanniques sont submergés. Les troupes du général von Kluck les obligent à la retraite, le massacre est imminent. Alors, les nuages qui couvrent le champ de bataille prennent des formes bizarres…

Ce sont des anges !  Ce sont des archers !  C’est saint Georges lui-même… Et l’on sait ce que saint Georges est pour la ville de Mons !

Les nuages deviennent anges, archers, et saint Georges les mène au combat, contre les Allemands !

Cette « vision » exalte les soldats. Les Britanniques, pris au piège, se reprennent, se reforment, et leur résistance inattendue bloque l'avance allemande, ce qui permettra à l'armée française, leur alliée, de prendre le temps nécessaire à la préparation de la bataille de la Marne (septembre 1914), où sera stoppée pour longtemps la percée des troupes du Kaiser sur le territoire français.

Les Britanniques échappent donc au massacre. Et dans le mois qui suit, la presse anglo-saxonne, The Guardian, le New York Times même, épingle cet événement, en rapporte le relief, évoquant l'apparition miraculeuse… Dans la foulée, un auteur anglais, Arthur Machen, écrit une nouvelle qui répand l’affaire…

Propagande ou réalité ?  On ne le saura peut-être plus jamais. Winston Churchill évoque l’évènement dans son autobiographie, et les cours d’histoire, de nos jours, dans les écoles anglaises, irlandaises et écossaises ne sont pas en reste… Et si vous participez à l'une ou l'autre cérémonie commémorative organisée en Belgique par nos amis d'outre Channel, en souvenir de leur participation aux combats de la Première Guerre Mondiale sur notre territoire, vous en entendrez certainement parler...La "légende des anges" leur est encore chère. En 1934, le peintre montois Marcel Gillis en fera le sujet de l'une de ses toiles. Et en 2011 encore, un groupe anglais heavy metal, Agincourt, commet un disque intitulé "Angels of Mons"... que l'on aime ou non, mais qui manifeste la persistance du mythe.

Il faudrait aussi préciser, au risque d'affadir la légende, que les soldats britanniques qui furent engagés dans cette bataille, étaient des soldats de métier - contrairement à leurs adversaires allemands -, ayant participé notamment à la Seconde Guerre des Boers, et dotés d'armes très performantes, artillerie, mitrailleuses ou fusils... Il est donc fort possible que le seul "miracle" qui ait eu lieu, soit simplement le courage, la détermination, le professionnalisme, et l'armement de nos alliés britanniques...

L'affaire a peut-être été montée de toutes pièces, et répandue à des fins de propagande, de soutien moral aux troupes britanniques. On a cru que Machen, s'inspirant d'un cas similaire survenu à la bataille d'Azincourt et l'appliquant à une bataille de la Première Guerre Mondiale, était la source d'un "canular de la propagande". Or, la nouvelle de Machen, "The Bowmen", paraît en septembre 1914, alors que deux semaines avant cette parution, le brigadier-général John Charteris, attaché au Grand Quartier Général de la BEF et proche du général Douglas Haig (qui deviendra le Commandant en chef des forces britanniques en France) envoie à sa femme une lettre évoquant le phénomène. 

En tout cas, cette histoire, vraie ou fausse, légende urbaine ou non, est fascinante. Et je la voulais exprimée dans ce blog.


Charles Saint-André