LEGENDES Le Puits du Diable à Zaventem

 

"La Vérité sortant du puits" par J-L Gérôme


LE PUITS DU DIABLE A ZAVENTEM


Il existe en Wallonie et en Flandre – comme dans le monde entier d’ailleurs -, un nombre important de sources sacrées, honorées d’abord par les Celtes ou les Germains, puis par les Chrétiens, qui les rebaptisèrent souvent des noms de leurs saints.

L’eau de ces sources était réputée bénéfique, guérisseuse même de nombreuses affections.  

Mais il existe aussi des sources « noires », lieux de sabbats, de sorcellerie, de malédiction, lieux de prédilection, en Flandre - où on les nomme "duivelsputten" -, des kluddes et autres nekkers... On en trouve notamment à Bruges, à Aarsele, à Wezemaal...

Voici la description de l’un de ces « Puits du Diable » situé à Zaventem, dans le Brabant flamand…


Charles Saint-André


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LE PUITS DU DIABLE

et le lieu-dit « Kauter » à Saventhem 

Il existe à Saventhem une source dénommée «Puits du Diable» (Duivelsput). 

Elle est située au pied de la « Montagne du petit Escalier » (Trapkeberg) ou petite colline que franchissait anciennement, en prolongation de la rue des Chevaux, un vieux sentier. 

Ce sentier qui séparait jadis le fief des van Ophem de celui des de Ryckcwaert, était fort fréquenté par le fait qu'il reliait directement Saventhem à Sterrebeek. 

Cependant, depuis la suppression de cette voie de communication, l'agrandissement d'étangs et la création de parcs privés aux abords immédiats de la source légendaire, celle-ci est aujourd'hui d'autant plus méconnue qu'elle se cache sous d'épais taillis. 

Le Duivelsput — comme d’ailleurs toutes les autres sources de la vallée du Kleinbeek, à Saventhem, aux environs desquelles j'ai recueilli des silex taillés — fut incontestablement connu par nos ancêtres de l'Epoque Néolithique ainsi que par des colons Belgo-Romains. 

L'une des habitations de ces derniers, comme il m'a été donné de le constater par des fouilles, était située, en effet, à environ 200 mètres au nord-est de la source légendaire, au lieu-dit « Kauter ». 

Quant à ce « Kauter » (Cultura), n'apparaît-il pas incontestablement comme ayant eu pour origine la parcelle défrichée par les colons Belgo-Romains au sein de la Forêt Charbonnière (Sylva Carbonaria) dont le dernier vestige dans la région fut le Saventerloo ou domaine sylvestre 
des ducs de Brabant ? 

Tout me porte donc à croire qu'à la Cultura Belgo-Romaine succéda l'antique « Kauter » qui, à son tour, devint le fief des van Ophem, représenté de nos jours par la Ferme de Val-Marie et ses labours. 

E. DE MUNCK. 


(Publié dans le BULLETIN du Service Provincial de Recherches Historiques et Folkloriques – FOLKLORE BRABANÇON - GOUVERNEMENT PROVINCIAL, 9, rue du Chêne, Bruxelles – 1921)

TRADITIONS Les Armes de Hal (Halle)

 



LES ARMES DE HAL 

BRABANT FLAMAND


Faute de documents, il est impossible de préciser la date à laquelle remontent les armes de Hal. On peut toutefois approcher de la vérité par la comparaison de certains faits historiques. 

D'après Everaert et Bouchery, le plus ancien sceau de la ville représente « une Vierge en pieds portant dans chaque main les armes du Hainaut. Le sceau aux causes était écartelé à quatre lions. » 

Ces auteurs ajoutent que les titres accordant les premières armoiries de Hal s'étant perdus pendant les troubles du XVIème siècle, le magistrat s'adressa à Charles, sire et duc de Croy et d'Aerschot, lieutenant-gouverneur du Hainaut, afin de le prier d'approuver les armoiries trouvées en I595 chez Josse de Lockenberghe, « herault d'armes, lieutenant du Thoison d'or, et escripteur de généalogies ». 

Le 29 janvier 1606, le duc fit droit à cette requête. L'acte décrit les armes retrouvées comme suit : 

Escartelé, à dextre premier quartier d'azur à une demie Notre Dame d'argent, le Jhésus et imaige couronnés et chevelés d'or, le ije au chef escartelé d'or à quatre lions assçavoir : deux de sable et deux de geulle, armes du Hainnau (desquelles lesdis de Hal se sont servis depuis l'obscurcissement des vraies armes de Hal), et le 
quatrième senestre de la poincte debvoir porter de Bavière, lozangé d'argent et d'azur. 

Cette description n'indique pas la composition du troisième quartier; il était identique au deuxième. 

L'arrêté royal du 29 août 1842 confirme la ville de Hal dans la possession de ces armes. Il les décrit comme suit : 

Ecartelées, au premier d'azur à une demi-image de Notre-Dame d'argent, tenant son fils couronné et chevelé d'or, le 2è et 3è de Hainaut et le dernier de Bavière. 

Le premier quartier représente à proprement parler la ville de Hal, sous la figure de sa madone. On sait que la statue de Notre-Dame de Hal, qui porte tous les caractères de la sculpture du commencement du XIIIème siècle, fut léguée à l'église de Hal par Mathilde, sœur de Henri II, duc de Brabant, et veuve de Florent IV, comte de Hollande et de Zélande, laquelle décéda en 1267, et dont la fille, Alice de Hollande, épousa, en 1246, Jean d'Avesnes (fils de Bouchard et de Marguerite de Constantinople). Le fils d'Alice, Jean, devint, en 1280, comte de Hainaut, par suite du décès de son aïeule Marguerite, et, en 1299, comte de Hollande, par suite du décès sans postérité de Jean de Hollande, dont il était, par sa mère, le plus proche parent. 

II est possible que Hal fût, avant 1267, un lieu de pèlerinage, comme certains indices portent à le croire et comme Juste-Lipse semble le déclarer. Le premier quartier des armes de Hal ne peut donc servir à déterminer la date à laquelle elles ont été octroyées à la petite cité hennuyère. 

On sait que Hal a fait partie du Hainaut jusqu'à la domination française, époque à laquelle cette ville a été incorporée au département de la Dyle. 

Aussi ne s'étonnera-t-on pas de voir les deuxième et troisième quartiers de son blason reproduire les armes du Hainaut : écartelé de Flandre et de Hollande. 

S'il faut s'en rapporter au plus ancien monument héraldique du Hainaut, le sceau de Baudouin V le Courageux (1192), les comtes de Hainaut firent d'abord usage d'un écu à trois chevrons. Baudouin VI de Constantinople adopta le lion de Flandre pour ses deux comtés de Flandre et de Hainaut. 

Le lion, que l'Ecriture considérait déjà comme le symbole du courage et de la puissance souveraine, de la force et de l'indépendance, figure dans un grand nombre d'armoiries. 

L'écu de Lothier était d'argent au lion de gueules armé et lampassé d'or. On sait que, du Xème au XIIème siècle, et même plus tard, plusieurs dynasties, entre l'Escaut et le Rhin, étaient en compétition pour la possession du duché de Lothier. Tout naturellement, ils introduisirent le lion de Lothier dans leur blason, moyennant certaines brisures : lion couronné d'or à queue fourchue en sautoir (Limbourg), changement d'émail et de métal, bande, couronne, écu fascé, etc. (Brabant, Flandre, Namur, Luxembourg, Hollande, Zélande, marquisat de Franchimont). La Flandre, qui relevait de l'Empire pour le pays de Waes, adopta le lion de Lothier en lui appliquant les couleurs de l'Empire : d'or au lion de sable armé et lampassé de gueules. 

Vers 1310, la guerre entre les d'Avesnes et les Dampierre étant terminée, Guillaume P"", comte de Hainaut, cessa de porter les armes pleines de Flandre, pour les écarteler avec celles de son comté de Hollande : d'or au lion de gueules armé et lampassé d'azur. 

L'origine des armes de Hal est donc postérieure à l'an 1310, de même que l'ancien sceau dont il est question ci-dessus. 

Mais il est possible de préciser davantage la date à laquelle ces armes furent octroyées à la ville, grâce au quatrième quartier : losange d'argent et d'azur, qui est Bavière. 

Par le mariage de Marguerite, fille de Guillaume, avec Louis de Bavière, empereur d'Allemagne (1324), le Hainaut passa sous le gouvernement de la maison de Bavière. 

Sous les descendants de Marguerite, les armes de Hainaut subirent un nouvel écartèlement : Bavière- Hainaut, qui ne prit fin qu'avec le dernier rejeton de cette dynastie, Jacqueline de Bavière, qui abandonna ses domaines, le 12 avril 1433, à Philippe le Bon. 

Nous constatons que les armes de Hal sont constituées par celles du Hainaut, telles qu'elles étaient en usage sous la dynastie bavaroise, sauf qu'au premier quartier le losange de Bavière est remplacé par un écu à l'image de Notre-Dame et aux couleurs de Bavière : argent et azur. 

Il est donc certain que l'origine des armes de Hal se place entre les années 1356 (avènement de Guillaume III, quatrième fils de l'empereur Louis, qui hérita du Hainaut à la mort de sa mère Marguerite, 23 juin 1356) et 1433 (abdication de Jacqueline). 

Si nous voulons pousser plus loin nos investigations, nous reconnaîtrons que, selon toute vraisemblance, Hal ne doit pas ses armoiries à Jacqueline de Bavière, dont la vie est un tissu d'aventures malheureuses. Le seul rapport que nous avons découvert entre la comtesse et la ville de Hal prouve qu'il existait entre elles peu de sympathie : quand, en novembre 1424, Jacqueline revint d'Angleterre avec son troisième époux, le duc de Glocester, à la tête de cinq mille volontaires anglais, le couple princier fut assez bien reçu à Mons et dans d'autres villes hennuyères; mais Hal ne voulut entendre parler ni de réception ni de soumission. Confiée aux soins des seigneurs de Rotselaer et de Berghes, à ce commis par les Etats de Brabant, la ville sut se défendre contre les Anglais, qui avaient envahi le Brabant wallon, et garder intactes ses propriétés. 

Si l'on considère que Guillaume III (1356-1358), qui n'exerça le pouvoir que pendant vingt et un mois, octroya aux bourgeois de Hal exemption d'aubaineté (19 juillet 1357), donna des lettres de Stil aux métiers, fit don d'une terre pour y bâtir la chapelle de Breedhout, aida par ses libéralités à construire la nouvelle église de Hal, abandonna à la ville les bruyères et warissaix situés sur son territoire, qu'il séjourna à Hal, le 22 juin 1857, étant en route pour l'Angleterre, et qu'un parlement fut tenu sous son règne à Hal, au mois d'août 1357 ; 

Qu'Albert de Bavière — qui devint régent de Hainaut, le 30 mars 1358, hérita du comté à la mort de son frère Guillaume III (mars 1389) et mourut le 12 décembre 1404 — octroya une charte à la corporation des drapiers de Hal, le 8 mai 1362, qu'en 1361 trois parlements se tinrent au château de Hal, entre le Brabant et le Hainaut, qu'en 1376 (le 20 juillet) une convention fut conclue à Hal entre Wenceslas de Luxembourg et Albert de Bavière, et que, le 29 du même mois, par lettres datées de Hal, Jeanne, duchesse de Brabant, et Marguerite, duchesse de Bavière, s'engageaient à rester unies d'amitié, comme l'étaient Wenceslas et Albert, que celui-ci affranchit, le 28 avril 1385, du droit de bâtardise les bâtards qui étaient bourgeois de Hal, qu'il décida que, si un habitant de Hal était en faute de fournir, il serait absous moyennant une amende de 100 sols blancs au plus; que, sous son règne, des travaux importants furent exécutés aux remparts de Hal (en 1387, 1389, 1392, 1401), que Guillaume d'Ostrevant, fils aîné d'Albert, et Jeanne, duchesse de Brabant, tinrent une journée à Hal, en juin 1395, que deux autres journées y furent tenues, en janvier et février 1397, par les conseils de Brabant et de Hainaut; 

Que Guillaume IV (1404 à 141 7) accorda à la ville de Hal, le 17 avril 1406, des privilèges pour la tenue des marchés et que c'est le seul fait de son règne relaté dans l'histoire de Hal; 

Il apparaît comme infiniment probable que les armes de Hal furent octroyées dans la seconde moitié du XIVème siècle, par Guillaume III ou par Albert de Bavière. 

Dans tous les cas, elles signifient : Ville de Hal-Notre-Dame, en Hainaut, sous la maison de Bavière. 


Joseph Possoz (1857-1942) 
Conseiller provincial du Brabant 


(Publié dans le BULLETIN du Service Provincial de Recherches Historiques et Folkloriques – FOLKLORE BRABANÇON - GOUVERNEMENT PROVINCIAL, 9, rue du Chêne, Bruxelles – 1921)



LEGENDES Les Canards de Tirlemont (Tienen)

 

Le Marché aux poules (Hennemarkt) de Tirlemont en 1858

DE KWEEKERS

Les Canards 

(Sobriquet des Tirlemontois) 

Les habitants de Tirlemont, au confluent de la Grande Gèthe et de la Molenbeek, portent encore le nom de Kweêkers van Thienen (canards de Tirlemont). 

D'où vient cette dénomination ? Jadis — au moyen-âge, dit-on, — il était d'usage de représenter, aux grands jours de fête, les mystères de la religion, avant ou pendant la messe. 

Dans certaines églises, à la Pentecôte, au moment de la messe où le chœur entonnait le 

Veni Sancte Spiritus 

on laissait tomber, sur les croyants, par les trous de la voûte, des feuilles de roses rouges. Ces feuilles étaient le symbole de la joie et évoquaient les langues de feu qui, lors de la descente du Saint-Esprit, se plaçaient au-dessus des assistants au cénacle. Dans d'autres églises on laissait s'envoler des pigeons comme des symboles de cet Esprit de force et de douceur qui apparut sous la forme d'une colombe au baptême du Christ. 

A cette époque la Pentecôte était fêtée chaque année à Tirlemont avec solennité. Les comptes des administrateurs de l'église Saint-Germain en témoignent. Pendant un grand nombre d'années jusqu'à la fin du XVIème siècle, ils mentionnent des dépenses spéciales pour ce jour de fête. Ce sont des dépenses pour le transport de l'eau destinée au nettoyage de l'église, pour les festons destinés à l'orner, pour les chanteurs, pour les sacristains qui carillonnaient, pour le fossoyeur qui devait sonner la cloche appelant les croyants au sermon le soir, pour un boudin offert aux servants de l'église et pour la bière bue au Cornet (In den Hoorn, à cet époque, grand cabaret de Tirlemont). 

L'attraction particulière de ce jour pour le peuple était alors la représentation de la descente du Saint-Esprit pendant la grand'messe. Un pigeon blanc était placé dans un appareil entouré de nuages et de rayons resplendissants. 

Dès la première strophe du « Veni Sancte Spiritus », l'appareil, avec le pigeon, était descendu à travers le trou de la voûte du chœur. C'est ainsi que nous lisons pour chaque année dans les comptes : « Déboursé à la Pentecôte pour un pigeon blanc » et « pour l'appareil servant à la descente du Saint-Esprit ». L'appareil avait parfois besoin d'une réparation. C'est ainsi que le compte des administrateurs de l'église, Henri Vranckx et Jean Berwouts, pour l'exercice 1533-34, mentionne une dépense de 5 sous « pour des réparations effectuées à l'appareil du Saint-Esprit par maître Jean, le peintre ». 

Si nous en croyons la vieille légende, c'était, au début, le gardien de la tour qui était chargé de descendre l'appareil. Il devait donc tous les ans à la Pentecôte se procurer un pigeon blanc et il s'acquittait consciencieusement depuis de longues années de cette tâche. Cependant il arriva une année de malheur. L'homme devenait vieux; sa vue commençait à faiblir; il était frappé de surdité et sa mémoire faillissait bien souvent. 

Pendant une bonne partie de l'hiver, il avait dû rester au lit. Petit à petit, il s'était plus ou moins rétabli, mais vers Pâques, il avait été frappé d'une nouvelle crise. Il n'avait pu assister à la bénédiction du cierge pascal; il n'avait donc pas vu inscrire la nouvelle année sur le cierge pascal. Ainsi la fête de la Pentecôte était arrivée sans qu'il s'en fût aperçu. 

Voilà que déjà le fossoyeur sonnait les cloches pour le sermon, à la veille de la fête. En entendant le son des cloches, le gardien de la tour sortit comme d'un profond sommeil. Il tressaillit et pensa au pigeon... Demain c'était la Pentecôte et il n'avait pas de pigeon!... Que faire?... 
Autrefois il y songeait pendant des semaines et maintenant il l'avait complètement oublié. Autrefois il connaissait tous les particuliers qui avaient des pigeons et il savait où il pourrait trouver les plus beaux et les plus blancs. Il avait beau réfléchir, il ne savait pas à qui s'adresser. Mais la nuit porte conseil. Dans son jardin au pied de la tour, il y avait deux canards blancs comme la neige. Un canard pourrait bien pour une fois remplacer le pigeon; il était si blanc et dans l'appareil entoure de nuages on ne verrait pas que ce n'était pas un pigeon. 

Le lendemain donc, quand le moment solennel approcha, le vieux gardien entra dans la tour et arriva près du trou où se trouvait l'appareil. Au-dessous de lui, dans l'église, il y avait, comme chaque année, une foule recueillie. 
L’orgue résonnait, puis les voix des choristes entonnèrent le « Kyrie eleison ». Ensuite les chanoines chantèrent solennellement le « Gloria in excelsis ». L'épître terminée, les « trois vicaires du chœur » commencèrent l'hymne « Veni Sancte Spiritus ». Tous les regards se dirigèrent vers la voûte au-dessus du chœur. L'appareil représentant le Saint Esprit est mis en mouvement... mais qu'est- ce donc?... Quel bruit étrange? « Couac, couac, couac! » . Grande consternation parmi les fidèles ! 

On ne sait que penser, mais bientôt l'on comprend. Les chanoines sont mécontents ; les chapelains au contraire ne prennent pas la chose au tragique; plus d'un doit même faire des efforts pour ne pas éclater de rire. Le fossoyeur est envoyé directement en haut; il traverse l'église en courant, entre dans la tour, paraît au triforium et se dirige de là vers les combles. Lentement l'on remonte l'appareil, les cris « couac, couac, couac » se font entendre encore une fois. Puis tout se tait. 

La grand'messe continua. Après la messe l'église se vida lentement, mais avant que le dernier croyant eût quitté le temple, le porte-verge du chapitre se présentait déjà chez le vieux gardien de la tour. Il lui portait la citation du doyen à comparaître le lendemain après-midi devant la chambre du chapitre. 


C'est en tremblant que le pauvre homme comparut au jour indiqué devant le tribunal des chanoines. Le doyen à la figure sévère lui demanda des explications sur son « méchant délit ». Il pouvait s'attendre à une peine sévère. Il allait être condamné à un long et pénible pèlerinage à Saint- Germain de Paris ou ailleurs, peine qu'on ne pouvait racheter que par une amende très importante, mais un des chanoines — l'écolâtre à ce qu'on dit — prit sa défense. A son avis le chapitre ne devait pas juger trop sévèrement ce qui s'était passé. Le gardien était un homme vertueux qui avait toujours servi d'exemple aux autres sujets du chapitre. Il dev^enait vieux et maladif. En ville, ou prendrait certainement cela en considération. La honte qu'ils croyaient être tombée sur leur collégiale, en serait diminuée. 

D'autre part, une peine très sévère prononcée contre le brave homme ne serait pas bien accueillie par la population à laquelle il était sympathique. Les chanoines devaient considérer qu'un tel jugement pourrait causer des troubles et le magistrat de la ville serait formalisé. Au surplus n'étaient-ils pas eux-mêmes plus ou moins cause de ce qui était arrivé? Pourquoi avaient-ils laissé le pauvre vieux si longtemps en fonctions? Il aurait mieux valu confier l'opération de la descente du Saint-Esprit à des mains plus jeunes. Ainsi parla l'écolâtre et finalement l'assemblée adopta sa manière de voir. 

Aussi nous voyons dans les livres des comptes du XVIème siècle que le peintre de la ville est depuis chargé de faire descendre le Saint-Esprit à la Pentecôte. 

Mais la nouvelle de ce qui était arrivé se répandit rapidement dans les villages environnants. Elle y provoqua un indescriptible plaisir. On en riait interminablement et au jour de marché, après la Pentecôte, les campagnards arrivèrent dans la ville en chantant tout le temps : « Couac, couac, couac ». Depuis lors, en parlant des habitants de Tirlemont, les gens des environs ont coutume de dire : les canards (Kweêkers) de Tirlemont! 

Frans De Ridder (1869-1940), 
Curé à Hombeek.


(Publié dans le BULLETIN du Service Provincial de Recherches Historiques et Folkloriques – FOLKLORE BRABANÇON - GOUVERNEMENT PROVINCIAL, 9, rue du Chêne, Bruxelles – 1921)

TRADITIONS La plus ancienne église de Belgique (Lobbes)




La plus ancienne église de Belgique...

La Collégiale Saint-Ursmer à Lobbes (Hainaut)


Déjà lieu de culte vers l’an 700, la première abbatiale de Lobbes, de style carolingien, devient collégiale en 973. Elle est agrandie à la fin du XIème siècle, avec un apport d’architecture romane. Au cours des temps, elle subit diverses modifications sans cependant perdre son cachet médiéval… à l’exception peut-être du « clocher postiche » qui lui fut ajouté vers 1860, suite à un incendie... 

Saint Ursmer né en 644 à Floyon près d'Avesnes-sur-Helpe, en France, et mort le 18 avril 713 à Lobbes en Belgique,  évangélisateur de la Flandre et du Hainaut, fut évêque-abbé de l'abbaye de Lobbes.

L'ouvrage de Théophile Lejeune ci-après, consacré à l'abbaye Saint-Pierre (malheureusement dévastée par les révolutionnaires français en 1794) et à l'église de Lobbes, nous donnent, outre des informations historiques et architecturales, quelques aperçus des traditions religieuses de la région de Lobbes, ainsi qu'une biographie de saint Ursmer.

Charles Saint-André


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L'abbaye de Lobbes en 1740